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Entretien avec Max Schrems, l’étudiant autrichien qui nargue Facebook

Max Schrems est en guerre contre Facebook qui ne respecterait pas les lois européennes de protection des données. Il envisage également d’attaquer la CNIL irlandaise pour laxisme. Interview.

C’est un petit étudiant en droit de 25 ans. Il s’appelle Max Schrems et a déposé 22 plaintes contre Facebook auprès de la CNIL irlandaise. Cité en exemple par la commissaire européenne à la justice Viviane Reding, ce simple citoyen autrichien tient la dragée haute à la multinationale Facebook depuis près de deux ans.

01net : Vous êtes devenu une star de la protection des données personnelles. Qu’est-ce que ça vous inspire ?

Max Schrems : Au départ, je ne voulais pas que ma photo, ni même mon nom, paraissent dans les journaux. Mais les médias avaient besoin d’un visage….

Qu’avez-vous découvert sur Facebook ?

En 2011, j’ai réclamé l’historique de mon profil. Après plusieurs relances, j’ai obtenu enfin un CD contenant un PDF de 1222 pages envoyé par la poste. Le problème, c’est ce que j’y ai découvert : de vieilles discussions, d’anciennes photos ou des commentaires que j’avais pourtant supprimés. Facebook collecte énormément de données sur les personnes. Les technologies modernes permettent à ce genre d’entreprises de pénétrer dans nos pensées bien plus profondément que ne le faisait la Stasi, par exemple. Ils enfreignent tout simplement sciemment les lois. Non seulement, ils conservent des données que les utilisateurs ont effacées depuis longtemps mais en plus l’internaute n’a aucun contrôle sur ce que Facebook enregistre sur lui. Et cela ne suffit plus de dire que c’est un non sens. Même quand on ne donne pas volontairement certaines informations, Facebook les obtient par vos amis.

Facebook a envoyé son émissaire Richard Allan, pour négocier avec vous. Que vous a-t-il dit ?

Qu’il s’efforçait de progresser dans un cadre légal mais que le siège aux Etats-Unis ne voyait pas les choses de la même façon que la directive européenne. En réalité, cela veut dire qu’ils ne sont pas en conformité avec la loi !

Pourquoi ne pas avoir saisi la CNIL autrichienne ?

D’après le droit européen, il faut saisir les autorités qui se trouvent dans le pays du siège social de l’entreprise responsable. Dans le cas de Facebook Europe, c’est l’Irlande. Mais nous avons le sentiment que ce pays ne défend pas nos droits. Les intérêts économiques semblent prédominer. Il y a beaucoup d’entreprises américaines qui s’installent à Dublin pour des raisons fiscales. L’Irlande ne veut pas les faire fuir en brandissant le chiffon noir de la protection des données.

Combien de personnes travaillent pour l’association « Europa vs Facebook » que vous avez créée ?

Nous ne sommes qu’un petit groupe d’étudiants basés à Vienne. Une dizaine de personnes environ en fonction des besoins.

Quand allez-vous attaquer la commission de protections des données irlandaise ?

Dès que nous aurons obtenu une décision finale au sujet de Facebook et seulement si cette dernière est en infraction avec les lois de l’Union européenne. Jusque-là les autorités irlandaises ont joué la montre et mis presque deux ans à rendre des avis non contraignants. Mais on fait tout pour ne pas aller jusqu’en justice. En Irlande, les procédures sont excessivement chères et l’issue sera risquée. Nous avons rassemblé environ 40 000 euros de dons pour porter plainte. C’est déjà un bon début. Mais nous aurions besoin de beaucoup plus : entre 100 000 et 300 000 euros !

Pour en savoir plus, voir le dossier spécial du magazine 01net n° 775 sur “Tout ce que les géants du web savent sur vous”.

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Amélie Charnay