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DT-FT : l’obsession de la dette

Pour en finir avec des frais insupportables et la méfiance des marchés, une seule solution : le désendetteme nt. Plus facile à dire qu’à faire…

Réduire l’endettement dans les télécoms… La formule a pris un tour obsessionnel. Et pour cause : plus l’endettement est élevé, plus les frais financiers gonflent, et plus le marché sanctionne les mauvais élèves. Dans ces cas-là, une seule recette : faire prospérer son business d’un côté, et céder des actifs de l’autre.“Nous ne voulons pas brader nos actifs, insiste Karl-Gerhard Eick, le directeur financier de Deutsche Telekom (DT). Nous avons 19 milliards d’euros de liquidités. Et surtout, nous n’avons pas de “contingent liabilities”, c’est-à-dire de passif potentiel susceptible de nous exploser à la figure.”Certes, l’endettement de DT (67,4 milliards d’euros) est comparable à celui de France Telecom (60,7 milliards d’euros). Mais, insiste Karl-Gerhard Eick, “les ratios ne sont pas identiques”. Une pierre dans le jardin de France Telecom, dont les pertes nettes 2001 s’élèvent à 8,3 milliards d’euros (contre 3,5 milliards d’euros pour DT).Pourtant, les analystes, eux, ne voient guère de différence entre les deux groupes. France Telecom a réalisé un chiffre d’affaires de 43 milliards d’euros en 2001 (+27,8 %) et DT a grimpé à 48,3 milliards d’euros (+18 %). “Les deux opérateurs ont adopté la même stratégie, estime un analyste français. France Telecom a acheté Orange en Angleterre, Deutsche Telekom a acheté Voice Stream aux États-Unis. Ils se sont considérablement endettés avec leurs acquisitions, contrairement à Swiss Com ou British Telecom.”

Vendre pour refaire surface

Mais faire fondre cette fichue dette est plus facile à dire qu’à faire ! Deutsche Telekom croyait avoir trouvé la recette en vendant ses réseaux câblés à l’Américain Liberty Media pour près de 5,5 milliards d’euros. Las, l’office des cartels allemands, après des mois d’enquête et de discussion, a bloqué la vente, estimant que la concurrence était menacée. Du coup, DT doit tout reprendre à zéro. “Nous ne savons pas si nous y parviendrons cette année “, a avoué Karl-Gerhard Eick, qui est certes prêt à “vendre son câble en morceaux “, mais pas à “descendre en dessous d’un certain prix plancher “. Autrement dit, l’opérateur allemand n’est plus sûr d’obtenir la même somme. Puis Daimler-Chrysler a forcé DT à sortir 4,6 milliards d’euros en mars pour racheter les 49,9 % détenus par le constructeur dans Debis Systemhaus, l’ex-filiale de services informatiques commune aux deux groupes. Bad luck.Pour réduire son endettement, DT comptait ramasser quelque 10 milliards d’euros en introduisant en Bourse sa filiale T-Mobile. Prévu à l’origine à l’automne 2000, le projet a été repoussé à trois reprises. Et maintenant, il n’est plus question de date du tout. “Nous en parlons au cours de nos réunions de directoire, commente Karl-Gerhard Eick. Nous ne sommes pas pressés. L’important, c’est de ne pas vendre au mauvais prix.” Et ?” pourquoi pas ? ?”à Microsoft : selon la presse d’outre-Rhin, DT aurait proposé 24,9 % du capital de T-Online à la firme de Bill Gates. Reste que Deutsche Telekom n’ose même plus annoncer d’objectif de désendettement pour fin 2002. “Tout ce que je peux dire c’est que 67,3 milliards d’euros, c’est un pic “, a souligné Ron Sommer le 23 octobre, avec en ligne de mire un vague “50 milliards d’euros pour fin 2003 “.

Tailler dans le dividende

Privé de ses deux principaux leviers, Deutsche Telekom a été obligé de tailler sévèrement dans le dividende. “Il n’y a que France Telecom pour annoncer des résultats aussi mauvais et maintenir le dividende “, se défend-on chez DT.De fait, France Telecom n’est pas dans une situation financière mirobolante. Depuis un an, l’opérateur français essaye de se débarrasser de ses actifs “non stratégiques” comme sa participation dans l’opérateur néerlandais KPN, dans le câblo-opérateur français Noos, dans le fabricant de composants électroniques ST Microelectronics ou l’opérateur américain Sprint. Insuffisant. Alors, Michel Bon, le patron de France Telecom, a évoqué la vente de ses parts dans TDF (Télédiffusion de France) et dans l’opérateur mobile italien Wind. FT table ainsi sur 8 milliards de cessions d’actifs. Malgré tout, l’objectif de réduction de la dette, fixé à 30 milliards d’euros pour fin 2002, ne sera pas respecté. France Telecom envisage d’arriver péniblement à 40 milliards fin 2003. Deutsche Telekom, lui, a maintenu son projet d’emprunt “jumbo”, une émission qui ne devrait pas excéder les 8 milliards d’euros, avec une tranche en euros et une tranche en dollars.

Désamorcer les bombes

Pour France Telecom, tout dépendra du règlement de l’affaire Mobil Com, qui représente encore aujourd’hui un risque considérable pour le Français. Michel Bon croyait avoir évacué le problème posé par sa filiale allemande (dont il détient 28,5 %) en annonçant le 26 mars qu’un consortium de banques allait reprendre la participation des époux Schmid (49 %), le dispensant de procéder lui-même à cette reprise. Une solution qui présente l’avantage pour FT de ne pas alourdir ses comptes en consolidant la dette de Mobil Com (6,2 milliards d’euros). Mais la COB allemande n’a pas l’air sur la même longueur d’onde. Si France Telecom est obligé de lancer une offre sur Mobil Com, son niveau dendettement va remonter… Vraiment cauchemardesques, ces affaires de télécoms.

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Odile Benyahia-Kouider*