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Jeu en ligne, l’équation ratée de Vivendi

Le groupe de J2M pensait faire un carton avec son prochain jeu en ligne, Warcraft III. Mais des fans, ayant déjà trouvé le moyen d’éviter de payer, compromettent le modèle économique.

Warcraft III. Si vous ne connaissez pas encore ce nom, vous ne pourrez plus y échapper dans les mois à venir. C’est un jeu vidéo sur PC, édité par Blizzard, l’un des multiples studios rachetés par Vivendi. Cet éditeur avait auparavant déjà développé le titre Diablo II, écoulé à plus de 2 millions d’exemplaires en 2000. Cette fois-ci, Vivendi vise, dit-on, 8 millions de ventes. Un record.L’un des énormes intérêts de ce jeu de stratégie est de proposer à tous les fans de s’affronter entre eux, sur Internet. Pour jouer sur le Net, il faut passer par les serveurs de Vivendi, qui vérifie au passage que vous avez bien acheté le jeu. Une clé étant attribuée à chaque joueur lors de son achat : le contrôle est facile et le piratage impossible !Voilà pour la théorie. Dans la réalité, l’histoire tourne au vinaigre pour Vivendi, alors que le jeu n’est même pas encore sorti. A cause d’une simple équation à plusieurs inconnues fort mal calculée par Vivendi.

  • Première inconnue : pour jouer en ligne, il faut une connexion assez rapide. Comprenez par là que tous les joueurs potentiels ont une connexion suffisament rapide pour récupérer une version piratée du jeu.
  • Deuxième inconnue : la clé est indispensable pour jouer. Comprenez par là que seule la volonté d’obtenir une clé motive l’acte d’achat. Or, si l’on peut jouer sans clé… pourquoi acheter le jeu (hormis les raisons morales évidentes)
  • Troisième inconnue : ce sont les serveurs de jeux de Vivendi qui vérifieront les clés. Comprenez par là que seuls les serveurs de jeux de Vivendi vérifieront les clés.

De cette équation, Vivendi en a tiré une conclusion logique : pas d’achat, pas de clé ; pas de clé, pas de jeu en ligne. Le gain d’argent est assuré. Mais du côté des fanas du jeu, on a résolu le problème autrement : je veux jouer, mais je n’ai pas de clé, je dois donc trouver un serveur de jeux ne vérifiant pas les clés. Et ces fanas-là, au lieu de chercher ce serveur, ont préféré le créer de toutes pièces. Depuis quelques mois, le programme Warforge circule donc sur le Réseau : il permet à tout un chacun de créer son propre serveur de jeux et d’accueillir tous les joueurs du monde, notamment ceux ne disposant pas du précieux sésame de Vivendi, la clé.Rageant, n’est-ce pas ? Certainement pour Vivendi, qui s’est fâché tout rouge et a demandé, à coups d’avocats, aux auteurs dudit logiciel de le retirer de la circulation. Peine perdue. Car avant même la sortie du jeu, des milliers de joueurs s’affrontent déjà en réseau, en utilisant une version préliminaire du jeu que Vivendi avait envoyé à quelque 5 000 testeurs. C’est bien simple : il y a déjà dix fois plus de connectés sur les serveurs pirates que sur le serveur de tests de Vivendi.D’un côté, c’est rassurant : le côté Big Brother, qui oblige chacun à décliner sa clé pour rentrer dans un monde virtuel, s’est cassé la figure. De l’autre, c’est ennuyeux : Warforge, c’est le Napster du jeu vidéo pour Vivendi. C’est-à-dire un petit rien qui peut vous casser votre business. Comme ça, en lespace de six mois.* Grand reporter au Nouvel HebdoProchaine chronique vendredi 7 juin

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Alain Steinmann*