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Délicate quête des hauts potentiels

Pour préparer la pénurie de cadres à venir, les entreprises sont d’ores et déjà à l’affût des futurs dirigeants. Une chasse difficile car il s’agit de détecter des prédispositions.

Même si les directions des ressources humaines sont, par ces temps chahutés, parfois sommées de réduire la voilure, leurs préoccupations ne varient pas : repérer les “hauts potentiels” pour former les dirigeants de demain. Une démarche qui prend des allures de va-t-en-guerre pour certains, alarmés par la pénurie de cadres annoncée pour 2005-2007, qui pourrait atteindre “450 000 à 500 000 postes en France”, rapporte Jean-Marie Ducreux, consultant d’Andersen Business Consulting.Quelques voix relativisent néanmoins ces chiffres : “Les scénarios catastrophe ne se réalisent jamais, note Lionel Prud’homme, vice-président Management Development chez Alstom. D’autant que cette prévision repose sur une analyse artificielle, basée d’une part sur des structures démographiques, démenties par certains spécialistes du marché de l’emploi en France, et d’autre part sur une croissance économique très forte.” Il n’en reste pas moins que ce directeur des ressources humaines s’attend à une “concurrence acharnée”, à laquelle toute entreprise doit se préparer, en fidélisant d’ores et déjà les “hauts potentiels”.

Un concept, des définitions

Mais la définition de ce qu’est un “haut potentiel” se heurte rapidement aux limites de la rationalisation, comme le souligne Charles-Henri Besseyre des Horts, professeur à HEC : “La performance se mesure facilement, notamment grâce aux systèmes d’information, mais il n’existe pas de métrique pour le potentiel.” Lionel Prud’homme se fie, quant à lui, à la psychologie comportementale mais également à l’intuition… au risque de faire grincer quelques dents : “Dans le processus d’identification du potentiel, il faut faire en sorte que plusieurs avis ?”forcément subjectifs?” soient partagés.” Pour renforcer ces impressions collégiales, Alstom a également recours à des assessment center, qui permettent de tester les comportements en situation simulée. En outre, opérationnels et ressources humaines peuvent s’appuyer sur des référentiels de compétences, qui se déclinent soit en fonction des métiers, soit des comportements. Dans le but d’augmenter les perspectives d’évolution ?”pendant indispensable à la fidélisation des collaborateurs ?”, Jean-Marie Ducreux, associé de Business Consulting (ex-Andersen), enjoint également les grands groupes à baser leur référentiel sur les comportements : “Dans une compagnie d’assurance qui segmentait jusqu’à 80 compétences, nous avons débusqué des corrélations entre les différents postes de manière à pouvoir ramener le nombre de critères à cinq.” Un système qui permettrait ainsi de favoriser la transversalité et, par ricochet, de nommer des collaborateurs à de nouveaux postes sans avoir à les promouvoir managers, s’ils ne sont pas jugés aptes à gérer une équipe.

Pour l’égalité

En outre, témoigne Thierry Rieutord, directeur organisation et carrières chez Thalès, “cette cartographie de compétences, liée à une méthode d’évaluation, permet d’avoir une lecture rapide des forces mais aussi des faiblesses.” Ainsi peut-on repérer aisément les postes qui pourraient ne pas être remplacés facilement. Que ce soit pour les experts, spécialistes ou managers. “Chez nous, ces derniers sont évalués en fonction de leur notoriété, au sein du groupe, du pays et à l’international, et de leur contribution au partage de connaissances, rappelle-t-il. Cet angle d’approche nous exonère d’une analyse trop fine sur leur connaissance technique.”Parallèlement, le groupe a aussi mis en place une politique de rémunération, qui vise à établir un traitement équitable entre managers et spécialistes souvent inégalement rétribués. Ainsi, à évaluation égale, ces derniers ont droit à la même part variable, et au même volume de stock-options. Quant à la partie fixe du salaire, elle est fondée sur la moyenne du marché. D’après Lionel Prud’homme, qui adopte ce système de gestion de compétences, cette équité reste difficile à appliquer : “La création de valeur dans l’entreprise est établie par les analystes financiers, qui se basent sur les performances des managers. Aussi, ces derniers sont davantage payés que les spécialistes. Il faudrait modifier les paramètres du “rating” pour éviter de créer des iniquités.” Vaste programme, auquel Alstom commence à réfléchir… en vue de l’ère de la valorisation du capital humain ?

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Valérie Quélier