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Découverte de la Blackmagic URSA, la caméra 12K à seulement… 10 000 euros

De format Super35 similaire à l’APS-C, le capteur de la Blackmagic URSA 12K intègre 80 mégapixels. Une définition record, quasiment trois fois supérieure à la 8K, qui offre de formidables perspectives en termes de rendu comme de production.

Lâchez vos Sony Alpha et autre Panasonic GH5 quelques instants et admirez l’ovni qui se présente à nous. L’étrange engin que voilà s’appelle URSA Mini Pro 12K, une caméra cinéma dotée d’une double originalité. Primo, à « seulement » 10.000 euros le corps caméra, c’est une caméra pas chère et accessible dans le milieu de la production vidéo – si, si, croyez-nous ! Ensuite, son capteur est unique : ses 80 millions de pixels enregistrent des flux vidéo natifs au format 12K. Soit quasiment le triple de la 8K qui n’enregistre « que » 36 millions de pixels !

Le corps caméra de l’engin est connu des vidéastes passionnés, puisqu’il s’agit du même que L’URSA 4,6K. Mais en son cœur bat une nouvelle électronique et un capteur hors normes. Mais pourquoi diable vous parler d’une caméra que vous n’achèterez sans doute jamais ?

Blackmagic, ou le matériel pro (un peu plus) accessible

Si nous avons accepté de sortir des marques grand public pour vous parler de Blackmagic, c’est que l’entreprise a une démarche très intéressante. D’un côté, elle propose des produits professionnels dans divers domaines comme le logiciel DaVinci Resolve, les consoles d’éditing/montage, les mélangeurs, consoles audio et autres solutions de sauvegarde broadcast. De bons produits audio/vidéo mais un peu trop spécialisés, professionnels et chers pour le commun des mortels. *

Mais en parallèle de ce public, Blackmagic développe une offre d’entrée de gamme, qui permet au plus grand nombre de s’équiper de produits à caractère professionnel, mais à prix compressés. Ainsi, une caméra comme la Pocket Camera 4K débute à 1109 €. Un tarif inférieur aux appareils photo que nous recommandons ici pour tourner, mais qui permet déjà à un vidéaste amateur – étudiant d’école de création, apprentis cinéaste, etc. – de profiter d’une partie de l’environnement « pro » broadcast/cinéma en matière de codecs, d’équipement (prises SDI, etc.), sans avoir à vendre un rein.

Alors que le dernier appareil photo de Sony – l’Alpha A1 – est lancé à 7000 euros, la caméra professionnelle 4,6K de Blackmagic ne coûte qu’un peu plus de 5000 €, tout en offrant une vraie ergonomie de caméra (rappelons quand même que l’Alpha A1 est avant tout un appareil photo). De manière étonnante, Blackmagic a toujours cherché à proposer du matériel pro à prix accessible. Et c’est « presque » le cas pour sa seconde URSA, la Mini Pro 12K.

Capteur unique, la première caméra 12K de l’histoire

C’est d’abord pour sa définition record que nous voulons parler de cette caméra. Ses 12288 x 6480 pixels dans une caméra à moins de 10.000 euros font d’elle, à notre connaissance, la seule caméra 12K du système solaire. Vous en doutez ? Une caméra 6K professionnelle de chez Sony, la PXW FX9 coûte 3000 € de plus (prix TTC constatés chez un même vendeur). Et une version 6K dédiée au cinéma comme la Sony VENICE CineAlta s’affiche à 42.000 euros (oui, vous avez bien lu). Comme nous le verrons plus loin, les caméras de Sony ont, heureusement, de beaux avantages pour elles (taille de capteur, chromie, etc.).

Mais le discours de Blackmagic tourne ici autour de l’ultra (méga) haute définition d’image. Et pour proposer une telle définition, l’entreprise n’y est pas allée avec le dos de la cuillère : elle a conçu elle-même son capteur Super 35 (presque comme de l’APS-C) avec un partenaire. Impossible de savoir qui, Blackmagic garde jalousement son secret industriel. On les comprend un peu, puisque les ingénieurs de l’entreprise auraient travaillé plus de trois ans sur un projet à plusieurs millions d’euros. Un investissement qui lui a permis de choisir la structure du capteur (RGBW), ses spécifications (gestion native du BRAW, plage dynamique de 14 diaph, 800 ISO natif). Et de revendiquer ainsi la première (et pour l’heure unique) caméra 12K du monde.

Ceci n’est pas un test

Il faut savoir accepter ses limites. Nous pouvons vous parler des technologies qui animent cette caméra, vous détailler les éléments, vous montrer (en gros) comment ça marche et vous expliquer qui est concerné par le produit. Mais notre légitimité pour plonger plus avant dans son utilité réelle reste limitée.

Voilà pourquoi nous avons parlé avec un directeur de la photographie qui a utilisé la caméra en production. Un professionnel qui a vraiment travaillé les fichiers, a trimballé la caméra partout avec lui et qui a utilisé des séquences tournées avec l’appareil dans une série télé.

Le point de vue du pro : Xavier Dolléans

David Hourregue

Le nom de ce professionnel est Xavier Dolléans. Directeur de la photographie sur la websérie Mental de France Télévisions, il a officié avec la caméra sur la production de la série « Germinal », également produite par France Télévisions, et qui sera diffusée sur Salto à la fin de l’année. Le contact nous a été directement transmis par Blackmagic. Mais les inquiétudes liées à un éventuel ambassadeur piquouzé à mort ont vite été levés : « on te donne son téléphone et vous parlez entre vous », nous a-t-on promis du côté de Blackmagic.

Même son de cloche dès le début de notre échange avec M. Dolléans : « Les équipes européennes de Blackmagic m’ont envoyé la caméra pour que je la teste sur le terrain, mais je n’ai rien signé et je suis libre de dire tout ce que je veux, même des critiques », a-t-il rapidement mis au clair. Et des critiques, il y en a, car la caméra est loin d’être parfaite. Un message rassurant qui nous a permis d’évacuer d’un seul coup les risques de communication bullshit. Merci à Blackmagic pour le coup, ce genre de communication sans filtre est rare.

David Hourregue (gauche), Amélie Gastaldi (droite). – Xavier Dolléans sur le tournage de Germinal.

Pourquoi avoir envoyé la caméra à M. Dolléans ? Peut-être pour son côté touche à tout prêt à l’expérimentation. « Je teste beaucoup de nouvelles caméras, j’aime la liberté d’essayer, de pousser le matériel au maximum », continue-t-il. Et en fouillant un peu dans les traces de ses productions, on constate que l’homme aime faire des choses un peu exotiques. Pour le tournage de Mental, Xavier Dolléans mélange des optiques fixes Leica cinéma avec des optiques photo Mamiya ou encore des focales fixes en plastique de chez Lensbaby. Le tout filmé au plus près des sujets au format 2:1. On est loin de la 4K 16/9e traditionnelle à papa. Et donc devant un bon client pour prendre des risques sur une production plus ambitieuse encore comme Germinal (6×52 minutes).

Les énormes avantages de l’oversampling

La 8K est à peine utilisée, à quoi peut servir la 12K ? « À plein de choses ! », s’enthousiasme Xavier Dolléans, qui relève non seulement des usages, mais aussi des avantages. « Comme on ne projette pas en 12K (et même très rarement en 8K, ndr), la 12K c’est avant tout pour l’oversampling. Le suréchantillonnage a d’énormes vertus, comme la réduction des défauts des optiques telles que les aberrations chromatiques. Il permet aussi de réduire les artéfacts de compression ou encore le bruit numérique. » Techniquement, cette pirouette s’explique facilement : le supplément de pixels qu’apporte le capteur 12K donne plus d’informations aux algorithmes de compression et de traitement d’image pour produire, en sortie (downsampling), des fichiers plus propres.

Et comme si cela ne suffisait pas, cette « super définition peut être utile dans certains projets pour recadrer ou stabiliser l’image. Ou encore dans des usages multiformats », conclut-il.  

Un suréchantillonnage qui n’a, pour le professionnel, pas beaucoup d’incidence sur la manipulation des fichiers. « Si les fichiers sont plus gros, la compression de Blackmagic est très bonne et la taille des fichiers pas vraiment proportionnelle à la définition ». Quant au montage des films, « nous travaillons sur des fichiers proxies, ce qui me permet de monter tranquillement sur mon Macbook Pro 13 pouces en puce M1 avec 16 Go de RAM », détaille-t-il.

Retrouver de la douceur dans le numérique

Ce qui plaît le plus à M. Dolleans dans le suréchantillonnage, c’est le rendu de la 12K. « On pourrait croire, à tort, que le surplus de définition renforcerait le rendu numérique. Mais c’est tout l’inverse : les fichiers sont d’une très grande douceur. C’est pour moi l’intérêt principal de la caméra et de la 12K en général : la combinaison de la grande douceur naturelle et l’utilisation sous-échantillonnée en sortie.  Un effet renforcé par la réduction de la définition en sortie ».

Techniquement, la douceur intrinsèque s’explique facilement. La « super » définition de 80 Mpix surpasse de loin le pouvoir de résolution des optiques cinéma (et même photo 24×36). Mais puisque la définition originale de 12K est réduite pour un usage 8K/4K, il y a suffisamment d’informations pour asseoir l’image en sortie sans souffrir d’une image molle.

Presque une vraie caméra de cinéma (oui, presque)

Aussi prêt à l’expérimentation et téméraire que soit Xavier Dolléans, la Blackmagic URSA Mini Pro 12K n’était pas la caméra principale du tournage de Germinal. « C’est une excellente caméra C ou D. Nous l’avons utilisée pour de nombreux plans de paysages, d’illustration ainsi que des plans de compositing pour les incrustations et les effets spéciaux. Mais nos caméras principales étaient des Sony VENICE CineAlta ». Le joyau de Sony coûte, comme on l’a vu, quatre fois le prix de l’URSA Mini Pro 12K. Un écart justifié par le capteur plus grand, au format 24×36. Mais aussi, en dépit d’une définition moindre (6K quand même !), d’une supériorité technique.

En effet, en basses lumières, l’URSA est bien moins performante que la Sony. La raison ? Outre la moindre densité en photodiodes – et le fait que le japonais soit le king des capteurs – il y a aussi une donne électronique. « Le capteur de l’URSA Mini Pro 12K ne dispose qu’une sensibilité native de 800. En face, la Sony a deux paliers à 500 et 2500 ISO. Cette qualité couplée à son capteur, plus grand, fait qu’elle génère bien moins de bruit numérique. En plein jour d’une part, mais surtout en basses lumières », décrit M. Dolléans. « Je pousse beaucoup mes caméras dans leurs retranchements. Même si le rendu de l’URSA 12K est bon, celui de la Sony est largement meilleur. Il faut dire que la science des couleurs de Sony est fabuleuse ! ».

Fabien Delfosse – Xavier Dolléans en train de capturer des plans de flammes pour le compositing de Germinal.

Cela veut-il dire que l’URSA Mini Pro 12K n’est pas une vraie caméra de cinéma ? « Non : les ténors du segment que sont ARRI et Sony ont encore l’avantage pour un usage cinéma », valide M. Dolléans. Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’est pas bonne, très loin de là. « C’est dingue que Blackmagic puisse proposer une telle définition à ce prix ! », s’enthousiasme-t-il. « C’est une excellente caméra pour des clips, des tournages corporates, des plates (des arrière-plans sans sujets, ndr), du documentaire, du paysage ou encore des shoots produits. La caméra est légère (selon ses standards !), la monture se charge facilement on peut tout faire avec elle. ».

Le cinéma étant un univers en soi, il lui manque encore quelques atouts face aux Sony et autres ARRI et RED, aux capteurs géants. Mais la volonté de monter en gamme est là. Et le potentiel de la 12K semble énorme… pour les pros. Nous autres mortels, nous allons nous contenter de la 4K pour ne pas faire exploser nos disques durs, hein.

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