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Comment des sénateurs veulent lutter contre l’obsolescence logicielle des smartphones

Dans le cadre du projet de loi économie circulaire, un amendement qui vise à réguler les mises à jour des smartphones vient d’être adopté par le Sénat. Prochaine étape : son passage devant les députés. 

Depuis mardi 25 septembre, le Sénat examine le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage​ et à l’économie circulaire, qui vise à accompagner une «transition profonde et irréversible » des modèles de production et de consommation en France. L’objectif est de « sortir du modèle “extraire, fabriquer, consommer, jeter” qui est à bout de souffle » et de garantir une «consommation sobre des ressources non renouvelables », selon le projet de loi porté par le gouvernement [PDF].

Parmi la série d’amendements adoptés par les sénateurs, l’un d’entre eux –le numéro 172 relatif à l’article 4– s’attaque à l’obsolescence programmée des smartphones. Et en particulier aux logiciels intégrés aux combinés. Il a été adopté mercredi 25 septembre 2019 par une courte majorité. 

Un système d’exploitation garanti dix ans

Cet amendement stipule que « les fabricants de téléphones mobiles et de tablettes tactiles sont tenus de proposer à leurs clients des mises à jour correctives du système d’exploitation utilisé par leurs appareils compatibles avec tous les modèles de leur gamme jusqu’à dix ans après leur mise sur le marché ». 

En clair, les fabricants devront garantir aux utilisateurs de leurs smartphones des mises à jour compatibles avec la puissance et la capacité de stockage de leurs appareils pendant dix ans après la date d’achat. Cette obligation ne concerne que les actualisations « correctives » du système d’exploitation, c’est-à-dire qui corrigent des dysfonctionnements et/ou les failles de sécurité. 

La fin de pratiques déloyales

Portée par plusieurs groupes de sénateurs sensibles à la question écologique, cette disposition vise à « mettre fin à une pratique déloyale ». Selon eux, « il n’est pas acceptable qu’un appareil matériellement fonctionnel soit rendu inutilisable par une mise-à-jour inadaptée à ses caractéristiques. Il n’est pas plus normal qu’un appareil soit rendu inutilisable (notamment d’un point de vue de sécurité) faute de mises à jour ». 

« C’est une belle avancée », se réjouit  le sénateur communiste de l’Isère, Guillaume Gontard, à l’initiative de l’amendement. « On ne peut pas arrêter le tout-jetable sans parler de l’obsolescence liée aux logiciels des téléphones portables. Cette question n’était jusqu’ici pas abordée dans le projet de loi ».

Jusqu’à deux ans de prison

Si la clause n’est pas respectée, l’amendement prévoit deux ans d’emprisonnement et une amende jusqu’à 300 000 euros. Des sanctions sévères mais nécessaires selon le sénateur communiste, sinon « les grands groupes seraient prêts à s’acquitter de l’amende même élevée ».

Cet article additionnel s’inspire de plusieurs précédents juridiques. Comme le rappelle l’amendement, l’autorité de la concurrence italienne a infligé le 24 octobre 2018 une amende de 10 millions d’euros à Apple et de 5 millions d’euros à Samsung pour des faits similaires. En France, une enquête préliminaire est en cours contre Apple pour obsolescence programmée et tromperie à la suite de la fameuse mise à jour qui diminuait la puissance des iPhone quand leur batterie commençait à faiblir.  

Même si le projet de loi fait l’objet d’une procédure accélérée depuis son dépôt 10 juillet 2019, le texte doit encore passer devant l’Assemblée nationale. L’Hémicycle, à large majorité présidentielle, devrait suivre le texte initial proposé par le gouvernement. Pas sûr que les amendements des sénateurs y résistent.  

Le chemin législatif est encore long et la loi encore loin d’être votée. Mais le sénateur communiste se dit « plutôt confiant » quant à l’avenir de l’amendement adopté récemment par la chambre haute.  Reste à savoir « si le président de la République penchera pour l’intérêt général ou vers le lobby des géants de la tech », tranche-t-il. 

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Marion Simon-Rainaud