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Bangalore, berceau des moteurs de recherche

Les géants de la recherche sur internet se sont installés au sud de l’Inde pour concevoir leurs prochains outils. Yahoo et Amazon nous ont ouvert leurs portes.

En plein c?”ur de B’lore (Bangalore pour les branchés), Yahoo a installé sa ruche de 500 chercheurs dans des bureaux en location. Façades vitrées, air conditionné, cafétéria, plateau open space bordé par des
chambrettes avec matelas et sacs de couchage… On se croirait en Californie. A ceci près que la plupart des jeunes femmes sont vêtues de chatoyants saris. Une minorité affirme toutefois une modernité rebelle en portant des jeans moulants. A
côté des ordinateurs, des plats exhalent de délicieux parfums de curry, de tandoori, de cardamome…A l’extérieur, sur M.G. Road, l’artère la plus chic et la plus embouteillée de Bangalore, rickshaw et motos s’agglutinent au pied du panneau publicitaire de Yahoo. Etendard d’un pays qui décolle, cette pub
rappelle que Bangalore est bien la Silicon Valley indienne. La présence des centres de recherche et développement de Google, Microsoft, Yahoo et Amazon la hisse à présent au rang de berceau des moteurs de recherche. Ces deux dernières sociétés nous
ont ouvert leurs portes.‘ Nous avons créé ce centre dès 2002 ‘, souligne Venkat Panchapakesan, PDG de Yahoo Software Development India Pvt. Ce trentenaire au sourire ravageur s’extirpe de sa petite cellule.
Pour un peu, on le confondrait avec l’un des chercheurs du bureau d’à côté… Il affiche pourtant quinze ans d’expérience dans l’industrie du logiciel : chez HP, puis CA, et enfin Yahoo. Il fait partie des
‘ returnies ‘ ?” ces Indiens qui reviennent au pays après une brillante carrière, généralement menée aux Etats-Unis.Autre surprise : la filiale indienne de Yahoo bénéficie d’une réelle autonomie décisionnelle et opérationnelle, une fois le cadre des recherches convenu avec l’état-major américain. Formé à l’américaine, Venkat
Panchapakesan est un patron qui décide de l’affectation de son budget. ‘ Je viens de signer pour la construction d’un immeuble à côté de l’aéroport. Nous y mutualiserons nos infrastructures de
télécommunication, d’eau et d’électricité avec celles d’IBM, Microsoft et Goldman Sachs. ‘
Il faut dire que les pannes d’électricité sont très fréquentes à Bangalore. Les groupes électrogènes
fonctionnent presque tous les jours.

À la pointe dans le multimédia

A l’instar de Yahoo India, la filiale indienne d’Amazon jouit d’une large autonomie. Elle mène plusieurs types d’activités : la recherche et les services d’ingénierie pour l’assurance
qualité des applications développées, leur déploiement mondial, leur supervision, et leur support. ‘ Nous travaillons, bien sûr, en étroite collaboration avec l’équipe du moteur de recherche A9 de Palo Alto, en
Californie. Ce qui ne nous empêche pas de mener nos projets de bout en bout : de la R&D à la maintenance ‘,
confie Krishna Motukuri, directeur associé en charge de l’ingénierie chez Amazon Development Center
India Ltd. Les initiatives viennent des chercheurs eux-mêmes. C’est un processus ‘ bottom up ‘.Créée en juillet 2004, la filiale du géant du commerce électronique est située à une heure d’embouteillages au nord du centre-ville. ‘ Nous employons une centaine de chercheurs, répartis en une dizaine de
“2pizza-teams” à Bangalore. ‘
Il s’agit d’équipes de sept à huit personnes, que l’on peut nourrir avec deux pizzas !Dès qu’un projet émerge, l’équipe le met en équation afin de mesurer d’emblée ses conséquences sur l’accroissement des revenus. Lorsque l’intention du projet est finalisée, ce dernier est discuté, et
la proposition envoyée au numéro un d’Amazon, Jeff Bezos. Lequel donne alors ou non son feu vert. Très souple, cette organisation évite la dispersion, tout en garantissant une grande part de créativité.Chez Yahoo India, en trois ans, plus de 150 applications ont été développées et déployées dans 26 pays. Au cours de ces dix-huit derniers mois, Yahoo 360 (blogs communautaires), un moteur de recherche audio, et des
moteurs de recherche verticaux comme Hotjobs (recherche d’emploi) ont vu le jour. ‘ Nous menons des recherches fondamentales : mathématique combinatoire, synthèse vocale, analyse d’images et de contenu,
reconnaissance de la géométrie des maquettes web et de leur structure, reconnaissance heuristique et sémantique, interrogation en langage naturel, compréhension automatique de textes… ‘
, explique Prasad Ram,
directeur scientifique de Yahoo India.Ces études servent tout d’abord à comprendre, extraire et classifier l’information, puis à la restituer à l’utilisateur de façon personnalisée et pertinente. Les technologies de recherche sont intégrées à une
plate-forme qui recourt massivement aux logiciels libres (PHP, MySQL, Apache…). Elles sont pensées pour être réutilisées dans différents types d’applications verticales.Ainsi, en matière de recherche d’images, la filiale indienne a conçu et déployé un moteur équipé d’un logiciel de reconnaissance d’images et d’analyse de leurs métadonnées. Ce moteur se combine à
l’analyse du profil de l’internaute et au filtrage communautaire. Un processus d’itération et de compréhension interactives s’établit alors afin de fournir l’information recherchée.Côté audio, outre le moteur de recherche de musique qui reprend également les métadonnées et rajoute les paroles des chansons, Yahoo cherche à toucher les entreprises. Le centre indien se lance à présent dans la recherche audio de
discours, de séminaires, de tables rondes. ‘ Un sacré défi ‘, avoue en souriant Prasad Ram. Et une ouverture en direction du gigantesque marché des entreprises.

Le salaire des ingénieurs augmente de 20 % par an

La qualité de la R&D tient au talent des équipes. ‘ Parmi les développeurs employés au siège de Yahoo à Sunnyvale, en Californie, il y avait déjà beaucoup d’Indiens. Un grand nombre d’entre eux
voulaient rentrer au pays ‘
, souligne le PDG de Yahoo India. Par ailleurs, il n’a pas été difficile d’attirer des ingénieurs de haut niveau, issus des 180 instituts universitaires de Bangalore : le
prestigieux IISc (Indian Institute of Science), mais aussi les IIT (Indian Institute of Technology) de Dehli, Bombay et Khanagpur. ‘ Ils sont motivés pour développer ici des technologies parmi les plus avancées au
monde. ‘
L’Inde a beau former 380 000 ingénieurs par an, dont 35 000 à Bangalore, la compétition entre les centres de recherche des sociétés américaines s’intensifie. ‘ Les salaires des
ingénieurs de recherche augmentent de 15 à 20 % par an, et le turnover s’envole à 25 % en moyenne ‘,
estime Jean-Michel Lorne, conseiller commercial de l’ambassade de France à Bangalore.Pour sa part, Amazon ne compte guère dans ses équipes de ‘ returnies ‘ ?” une catégorie d’employés certes chère, mais plus attachée à l’entreprise que les jeunes
diplômés locaux. Trouver et, surtout, fidéliser les recrues est un défi quotidien. ‘ Nous avons dû embaucher nos ingénieurs à un salaire supérieur à ce qui se pratique, et les rémunérations ne cessent
d’augmenter ‘,
précise Krishna Motukuri.Pour fidéliser ses employés, Amazon a mis en place tout un ensemble de processus de formation et d’acquisition des connaissances. Ce qui exige de multiplier les entretiens individuels. ‘ Nous misons
également sur le compagnonnage : les plus expérimentés prennent les plus jeunes sous leur aile et les aident à grandir. ‘
Bref, l’encadrement se resserre pour éviter la fuite de la matière grise vers la concurrence. Laquelle s’exacerbe. Google est à Bangalore. Microsoft vient d’investir 850 millions de dollars pour y bâtir, ainsi
qu’à Hyderabad et Delhi, des centres de R&D. Et Amazon n’est pas en reste. Il a ouvert deux autres centres de 50 à 70 personnes chacun ?” l’un à Hyderabad, la grande concurrente de Bangalore, et
l’autre à Chennai, sur la côte est. Bangalore fait naître d’autres vocations dans le sous-continent.

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Erick Haehnsen