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Adblock Plus : les liaisons dangereuses du bloqueur de pub

Polémique autour du premier et plus populaire outil de blocage de publicités en ligne : il laisse passer les pubs… moyennant reversements. Scandale, loi du marché ou moindre mal ?

Consternation sur la toile début février : l’éditeur d’Adblock Plus, qui permet aux internautes de surfer sans publicité sur le web, aurait passé des accords avec Google, Amazon, Microsoft pour laisser s’afficher leurs publicités moyennant d’importantes rémunérations… Une sale histoire qui s’envinime avec les révélations du Financial Times. Le journal économique a révélé le montant que le premier outil de blocage de publicités se met dans la poche : il s’agirait de dizaines de millions de dollars, directement versés par les plus gros annonceurs du web.

Ignoble trahison, pour les internautes qui s’étaient entichés d’Adblock Plus avec foi et tendresse. On comprend leur malaise aujourd’hui, qu’ils découvrent que l’éditeur de leur porte-étendard d’un internet libéré de toute publicité, crache dans une soupe dont il se nourrit grassement.

Pire qu’une honte, les acteurs du web, éditeurs de contenus, dénoncent quant à eux un scandaleux racket : voilà qu’ils n’auraient plus d’autres choix que de payer Adblock Plus -leur pire ennemi !-, pour sauver leur modèle économique reposant sur la pub.

La liste blanche qui autorise tout

On ne le sait pas toujours, mais les éditeurs ont vraiment un problème avec d’Adblock Plus, du fait de l’ampleur qu’a pris le phénomène du surf sans pub. Entre juin 2013 et juin 2014, le nombre d’utilisateurs d’Adblock Plus s’est envolé : +70% ! Les derniers chiffres sont impressionnants : Adblock Plus compte 144 millions d’utilisateurs actifs dans le monde, 25% des internautes américains et 5 millions de Français… En moyenne, la perte d’audience publicitaire serait de l’ordre de 20 à 40%. Mais certains sites notent des écarts pouvant aller jusqu’à 60% entre le nombre de visiteurs sur une page et le nombre d’affichage des publicités sur la page.

Le plus inattendu, c’est qu’Adblock ait réussi à monnayer son service auprès des annonceurs. Le vers est dans le fruit depuis qu’une liste blanche, de publicités autorisées, est activée par défaut dans Adblock Plus. Cette liste est censée n’autoriser que des publicités jugées « acceptables », sans son, ni animation. Elles doivent être clairement identifiées comme des annonces publicitaires, et ne pas interférer avec le contenu éditorial.

Seulement voilà, certaines nouvelles publicités autorisées par défaut par Adblock Plus choquent les internautes. Le grand « sauveur de l’âme d’Internet », comme le présentait son fondateur en 2013, aurait donc fait des concessions à la pub intrusive, devant la masse de billets verts se présentant à lui…

Faibles ripostes

Les éditeurs français ont vivement réagi à cette nouvelle donne. Ils ont menacé de porter plainte contre Eyeo, l’éditeur d’Adblock Plus, mais rien n’est encore officiellement engagé.  Cela dit, les sites web ont d’autres moyens d’actions contre Adblock Plus. Ils peuvent, par exemple, bloquer les utilisateurs d’Adblock et leur afficher un message de sensibilisation, expliquant que sans pub, il n’y a plus de contenu gratuit, pas de qualité ni d’indépendance… Mais visiblement les internautes ont du mal à y croire puisque jusqu’ici les campagnes n’ont rien donné.

Aux US, Google a lancé, Contributor, un service payant, dont l’idéologie laisse rêveur. Ce serait un monde sans publicité, où nous pourrions aider directement les personnes qui créent les sites que nous aimons. Mais, là aussi, peu d’internautes semblent prêts à payer pour sauver tous les sites gratuits.

En France, certains éditeurs de contenus testent la création d’espaces Premium sans publicité. Et, plus pragmatique, le contournement des bloqueurs d’Adblock…

Les patrons d’Adblock Plus, eux, assurent que leur solution permet une certaine régulation du marché et évite le pire de la publicité aux internautes.

Liste noire plutôt que blanche

Quoi qu’il en soit, les sites savent bien qu’il est impossible de s’attaquer à tous les bloqueurs de pub car ce sont des outils open source, qui peuvent être repris et diffusés très facilement. Mais l’on pourrait revoir les règles de ces bloqueurs. Si l’on n’arrêtait de tout bloquer par défaut, et que l’on permettait, à l’inverse, aux utilisateurs de mettre certains sites sur liste noire, la méthode serait plus douce. Voire acceptable. Et les effets peut-être positifs. Avec des pubs mieux acceptées, davantage vues et génératrices de revenus, solidaires d’un modèle économique gratuit, que personne n’a envie de voir disparaître. Là-dessus, je crois, tout le monde tombe d’accord.

Cette chronique a été diffusée en vidéo (ci-dessous) :

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Par : Opera

Delphine Sabattier