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Vers la fracture numérique

Après la révolution de l’ADSL se profile l’explosion de la fibre optique. Un défi pour l’Etat et les opérateurs qui, malgré des coûts élevés, veulent démocratiser cette technologie auprès des particuliers. Mais, même pavée de bonnes intentions, la route du très haut débit est longue… et beaucoup resteront sur le bas-côté.

Alors que presque tout le territoire est connecté à Internet en haut débit ?” plus de 14 millions d’abonnés à l’ADSL selon l’Arcep ?”, la fibre optique vient bouleverser le paysage numérique français. Ce simple fil de verre a des pouvoirs étonnants. Le signal lumineux qu’il véhicule permet de transmettre des informations à très haut débit sur de longues distances. Cette technologie de pointe est en passe de faire exploser les communications : Internet, téléphonie en VoIP, réception en direct de TVHD en multiposte, jeux en réseau, visiophonie, téléchargement, partage de photos ou vidéos ou encore VoD… il n’y a plus de limites aux usages numériques de votre foyer !C’est l’enjeu de la nouvelle offre FTTH (Fiber To The Home, fibre jusqu’à domicile) qui propose des débits allant jusqu’à 100 Mbit/s, laissant loin derrière l’ADSL, ses offres Triple Play (Internet, téléphone et télévision) et, dans le meilleur des cas, ses 20 Mbit/s. Nous sommes entrés dans l’ère du très haut débit.Un enjeu économique considérable, au vu duquel les opérateurs ont commencé à fourbir leurs armes pour se partager le marché de la manière la plus rentable. Ils sont quatre, Orange, Free, Neuf Cegetel et Numericable, tous déjà connus des internautes.Une chose est sûre : la fibre optique va faire des envieux car tout le monde ne pourra pas en profiter dans l’immédiat. Le déploiement des réseaux nécessite en effet des investissements importants que seules les grandes agglomérations peuvent assumer. Les coûts de raccordement restent très élevés et fluctuent en fonction des infrastructures et de la densité des zones à équiper. Et malgré la volonté de l’Etat de démocratiser cette technologie, les petites villes sont loin du compte.

Un déploiement compliqué et coûteux

C’est en novembre 2006 que l’Etat a défini un ‘ Plan d’action du très haut débit ‘ afin de doter la France d’un réseau de fibre optique conséquent. Ce plan propose quinze mesures qui visent à favoriser l’investissement des opérateurs dans ces réseaux et soutenir les nouveaux services qui en découlent, en réduisant les coûts de déploiement et en soutenant l’action des collectivités territoriales. Les chiffres avancés pour le développement du très haut débit sont de plusieurs dizaines de milliards d’euros sur dix ans. Les coûts de génie civil représentent 70 à 80 % des investissements. Quatre millions de foyers devraient être raccordés au FTTH d’ici à 2012, selon les objectifs des pouvoirs publics. Plus récemment, en décembre 2007, le ministère de l’Economie a mis en place un comité de pilotage du très haut débit réunissant tous les acteurs concernés pour accélérer son développement.En première ligne, les opérateurs doivent faire face à plusieurs problèmes : l’accès aux infrastructures existantes pour le passage des fibres, dans les mêmes conditions pour tous. Cela implique que France Télécom autorise l’accès à ses fourreaux déjà déployés. Le processus est amorcé. En complément, ils devront engager des travaux de voirie pour installer de nouvelles infrastructures. Autre impératif, que les opérateurs s’engagent à mutualiser leurs installations au pied des immeubles, voire jusqu’à l’habitation privée, comme le souhaitent l’Arcep (l’autorité en charge de la régulation des télécommunications) et les copropriétés et gestionnaires d’immeubles. Ceci afin de faire baisser les prix et d’éviter les monopoles. Pour l’instant, aucune disposition législative ne les y oblige mais, face aux coûts élevés de déploiement, le principe de la location des gaines est envisagé.

Une offre encore limitée

L’installation de la fibre optique n’en est encore qu’à ses prémices. Seuls quelques quartiers des grandes villes sont raccordés à l’heure actuelle, la densité de population et les infrastructures existantes étant un facteur décisif dans ces choix.Parmi les quatre fournisseurs qui se partagent le marché, tous n’ont pas les mêmes atouts en main. Orange envisage d’investir jusqu’à 4,5 milliards d’euros d’ici à 2012 tout en bénéficiant des infrastructures existantes de France Télécom. Son offre ‘ La fibre ‘ est déjà déployée dans des quartiers de plusieurs villes de France depuis le 1er mars 2007 (Paris, Lyon, Marseille, Lille, Poitiers, Toulouse et dans quelques agglomérations des Hauts-de-Seine) : au 3e trimestre, 3 500 clients étaient abonnés. Neuf Cegetel ne propose son offre ‘ 100 % Neuf Box en fibre optique ‘ que dans deux villes de France : Paris et Pau. L’opérateur alternatif mettra sur la table 300 millions d’euros pour raccorder un million de logements et connecter 250 000 clients d’ici à fin 2009. Numericable fait la transition progressivement du câble à la fibre en profitant de son maillage existant, ce qui diminue les coûts de raccordement et accélère son développement. Son offre couvre 1 200 communes, et l’opérateur annonce près de 2 millions de foyers déjà connectés fin 2007, avec pour objectif 5 millions fin 2008 et 7,5 millions pour 2009. Quant à Free, il reste très discret sur ses premières tentatives de déploiement à Paris qui ont débuté en septembre 2007 (XVe et XXe arrondissements). Le FAI du groupe Iliad annonce une offre sur Montpellier et Valenciennes courant 2008.

Connectés sous conditions

Si la volonté de déploiement de la fibre optique est bien affichée par tous, les impératifs économiques sont aussi de la partie. Et ils vont peser de tout leur poids sur le choix des secteurs à raccorder. A ce petit jeu de Monopoly, il semblerait que tout le monde ne soit pas logé à la même enseigne. Les grandes agglomérations qui bénéficient déjà d’infrastructures adaptées ?” donc déjà connectées en ADSL ?” seront les premières bénéficiaires du très haut débit. Les villes moyennes, si elles ne disposent pas (ou qu’en partie) des fourreaux de France Télécom ou des gaines du câble, devront faire appel à des subventions publiques pour faire face aux coûts des travaux de voirie inhérents. Seules une politique de désenclavement très volontariste et la mutualisation des infrastructures pourront venir à bout de ces difficultés d’accès.Quant aux petites bourgades isolées, qui ne bénéficient pas toujours de l’ADSL, elles risquent fort de se retrouver encore plus hors circuit. Calculés par rapport à la densité de population, les coûts de raccordement seraient exorbitants. Malgré la volonté du gouvernement, plusieurs années risquent de s’écouler avant que la fibre optique se démocratise à une majorité d’abonnés. La fracture numérique devrait donc s’accentuer sensiblement, a fortiori pour les particuliers limités par leur situation géographique. Dans leur cas, il existe des solutions intermédiaires au très haut débit, mais elles sont encore à l’état embryonnaire. Les connexions par satellite sont l’une de celles utilisées pour couvrir les zones blanches, mais la technologie reste coûteuse et donc peu répandue. Quelques zones rurales difficiles d’accès pourraient être tentées de s’y intéresser. Autre option, le WiMax, une technologie radio sans fil qui ressemble au Wi-Fi (lire encadré ci-contre). Seul Free peut proposer ce type d’offre car il détient une licence d’exploitation délivrée par l’Arcep, par l’intermédiaire de sa filiale Altitude Telecom. Mais l’une comme l’autre, ces solutions n’atteindront pas les débits de la fibre optique et n’empêcheront pas la fracture numérique entre l’Internet des villes et celui des campagnes.

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Frédérique Crépin