Passer au contenu

Reportages sous les tropiques

Micro Photo Vidéo : Partir de Pau pour monter une agence de presse à l’île de la Réunion, ce n’est pas banal… Comment vous est venue…


Micro Photo Vidéo : Partir de Pau pour monter une agence de presse à l’île de la Réunion, ce n’est pas banal… Comment vous est venue cette idée ?
Richard Bouhet : Je suis arrivé à la Réunion en 1987 pour travailler dans le magazine de l’océan Indien. Quand je suis parti de Pau, je ne savais même pas localiser la Réunion (rires). J’ai travaillé pour différents petits journaux. C’était une époque faste ! Je me baladais toute la journée pour le travail et j’allais me baigner quand je me trouvais à proximité d’une plage. J’avais une marge de man?”uvre extraordinaire. L’idée de créer l’agence a germé en 1993. Je travaillais comme photographe indépendant pour le quotidien Le Réunionnais et là, j’ai sympathisé avec une rédactrice de presse. En discutant de nos envies respectives, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il y avait bien une place à la Réunion pour une agence de presse. Alors nous l’avons créée ! Aujourd’hui, l’équipe est constituée de deux photographes et d’un rédacteur. Nous produisons des photos et des articles pour la quasi-totalité des quotidiens et des magazines de l’île.
MPV : Vous travaillez localement mais aussi pour la presse parisienne ?
R. B. : En fait, bien que basé depuis des années à la Réunion, j’ai toujours travaillé, parallèlement, pour la presse parisienne. J’ai commencé avec l’agence de presse photo Sygma dès 1991, sur les événements dits ‘ du Chaudron ‘, un quartier de Saint-Denis de la Réunion. À cette époque, il fallait envoyer les photos par avion, et le moyen le plus sûr pour qu’elles arrivent à bon port était de trouver un passager en partance pour Paris et disposant d’un téléphone. La man?”uvre, bien connue des photo-reporters, était assez compliquée : il fallait convaincre un passager pour qu’il accepte de transporter l’enveloppe de films (ce que beaucoup refusaient par peur d’un trafic quelconque), et d’autre part, s’assurer qu’il livre bien les photos à Paris ! Bref, on développait les diapositives, puis on courait à l’aéroport ! Plus tard, je suis passé à la transmission téléphonique par modem et en Numéris. J’avais un portable 5003 CS, un scanner LS 1000, un modem 33 : le top à l’époque !
MPV : Et aujourd’hui, comment opérez-vous dans votre agence ? Internet vous facilite-t-il les choses ?
R. B. : Oui et non. Nous avons un site web pour présenter nos travaux, mais en pratique, il s’agit surtout d’une vitrine. Les rédacteurs en chef n’ont pas encore le réflexe de commander des reportages en ligne, mais la situation évolue. Cependant, le site est très visité. Il est conçu comme un journal avec la une, la partie actualité, événement, magazine et compte entre 2 000 et 2 500 visiteurs par jour. En cas d’éruption ou de grosse actualité (Grand raid, manifestation), le nombre de visiteurs grimpe entre 10 000 et 15 000 par jour. Ce site a débuté de façon originale : je cherchais un moyen d’archiver les photos de l’agence. Sur les conseils d’un ami, j’ai construit le site, trié des milliers de diapos (en 2000, je travaillais encore en argentique) qu’il m’a toutes scannées. Le site compte aujourd’hui près de 16 404 photos et 1 542 sujets traités. Au fil du temps, il est devenu un élément à part entière de l’agence. Aujourd’hui, nous y consacrons entre une et trois heures quotidiennes en comptant l’écriture de l’article et l’editing des photos. Chaque jour en moyenne, quatre photos sont mises en ligne et commentées. En cas d’événement important, le nombre s’élève jusqu’à vingt nouvelles illustrations.
MPV : Comment est considéré un reporter-photographe officiant dans une île loin des grandes métropoles ?
R. B. : Lorsque j’ai débuté, le photographe était vraiment pris en considération. J’ai longtemps travaillé pour Témoignage, un journal politique réunionnais dont je gérais le service photo. J’avais encore l’opportunité d’imposer mon choix. Certes, il y avait débat, mais en définitive, l’opinion du photographe, considéré comme un journaliste à part entière, primait ; ce qui, à mon avis, n’est pas le cas dans les rédactions de quotidiens. Nous pouvions également réaliser des doubles pages photo, opération de plus en plus rare actuellement. Une expérience enrichissante car je traitais de tout : politique, économie, sport. Et en noir et blanc !
MPV : Vous êtes passé en numérique depuis. Avec quel équipement travaillez-vous ?
R. B. : Je suis équipé entièrement ‘ en Canon ‘. J’ai commencé en 2000 avec un boîtier numérique de… 3 millions de pixels. Je suis passé ensuite au D30 Pro de Canon. Désormais, je travaille avec des Canon EOS, un EOS 1 D Mark II et un EOS 1Ds Mark II.
MPV : Quel changement le numérique a-t-il opéré pour vous ?
R. B. : Une photo médiocre ? On l’efface et on recommence ! Une technique qui a totalement modifié l’approche de la photographie : en numérique, on est davantage ‘ filmeur ‘ parce qu’on réalise beaucoup plus de photos. Lors de la couverture d’une conférence de presse, on shoote tout. Mais attention, on ne vend pas plus pour autant !
MPV : Le numérique a-t-il entraîné des changements à d’autres niveaux, dans votre travail ?
R. B. : Du fait du plus grand nombre de photos, le choix des images à transmettre aux responsables photo s’est corsé. Pour ma part, je n’hésite pas à demander un avis extérieur afin de faire la part des choses et effectuer le meilleur choix possible.
MPV : Retouchez-vous vos photos ?
R. B. : Je modifie la saturation, mais je ne ‘ trafique ‘ pas les photos. Je n’ajoute et n’enlève rien, car sinon, à mon sens, nous sommes déjà dans la manipulation de l’image. Or, mon travail est de photographier ce que je vois. Je suis là pour témoigner d’une réalité. C’est ma conception du métier.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Valérie Siddahchetty