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Votre télé aussi est dangereuse pour l’environnement… et même plus que votre smartphone

Avec leurs écrans de plus en plus grands, les téléviseurs pèsent davantage sur l’environnement que les téléphones malgré leur durée de vie plus longue.

L’objet high-tech le plus polémique pour son impact sur l’environnement est sans conteste le smartphone. Compagnon de notre quotidien, il fédère toutes les critiques et toutes les campagnes d’information pour mieux le recycler. Et c’est louable. Pourtant, c’est loin d’être le pire de nos équipements.

La première étude conjointe de l’Ademe et de l’Arcep sur l’empreinte environnementale du numérique en France en atteste. Elle contient un graphique assez édifiant sur la répartition des impacts suivant les appareils.

La répartition des impacts environnementaux suivant les terminaux.
Ademe/Arcep – La répartition des impacts environnementaux suivant les terminaux.

Le poids écrasant des écrans

Sur la majeure partie des indicateurs, les écrans et le matériel audiovisuel sont les principaux responsables (entre 17% et 46%). Précisons tout de suite que cette catégorie englobe, certes, les postes des particuliers mais également les moniteurs d’ordinateur, les moniteurs de sécurité et les dispositifs d’affichage dans les commerces, les transports, ou même dans les salles de classe avec les tableaux intelligents. Elle comprend aussi les box TV et les vidéo-projecteurs.

L’étude détaillée de l’Ademe et de l’Arcep permet d’isoler les téléviseurs seuls au sein de cette catégorie. Quand on regarde dans le détail, les effets des vidéoprojecteurs et les box sont presque marginaux. Et ce sont bien les téléviseurs qui alourdissent la facture. Ils concentrent de 11 à 30% des impacts de l’ensemble des appareils numériques.

L'analyse détaillée par équipement.
Ademe/Arcep – L’analyse détaillée par équipement.

Ils pèsent particulièrement sur l’épuisement des ressources abiotiques naturelles (30%), la production des déchets (28,60%), la consommation d’énergie primaire (20,40%) et finale (20,70%), les radiations ionisantes (20,10%).

Si on compare les effets des téléviseurs et ceux des smartphones, on observera que les téléviseurs sont plus nocifs globalement pour l’environnement et sur un plus grand nombre d’indicateurs. Mais concernant précisément le changement climatique, la palme revient d’une courte tête aux smartphones dont la part s’élève à 14,30% contre 13,70% pour les téléviseurs.

Le problème, c’est la taille des téléviseurs

La situation est apparemment paradoxale. Les téléviseurs ont un cycle de renouvellement plus long et sont vendus moins massivement que les smartphones. Leur durée de vie est de six à huit ans en moyenne contre 2,5 ans pour un smartphone. Il y aurait également environ 43 millions de téléviseurs en circulation dans notre pays contre 62 millions de smartphones. Comment expliquer alors leur plus grande nocivité ?

Le principal problème, c’est leur taille. Et comme pour tout équipement numérique, c’est l’étape de la fabrication qui est la plus problématique. L’extraction des minerais, leur transformation en composants électroniques, la production des dalles des écrans contribuent à ce lourd bilan. 

Frédéric Bordage, expert du collectif Green IT et fondateur du site du même nom, a participé à l’étude de l’Ademe et de l’Arcep. Il étudie l’impact du numérique depuis de nombreuses années. Et il a vu les dimensions des téléviseurs exploser ces dernières années.

« Notre taille de référence pour les écrans était de 31 pouces en 2010, de 47 pouces en 2018, et on devrait atteindre les 65 pouces en 2025 », nous a-t-il confié.

Or, la fabrication d’une téléviseur de 47 pouces émet 479 kg de gaz à effet de serre et nécessite 26 000 litres d’eau ! 

La composition d'un écran plat moyen dans le rapport de l'association HOP sur les téléviseurs.
Association Hop – La composition d’un écran plat moyen dans le rapport de l’association HOP sur les téléviseurs.

Vers une obsolescence logicielle ?

Parallèlement à cela, l’équipement en écran a tendance à s’intensifier. Ils sont désormais présents en plusieurs exemplaires au sein d’un même foyer, trônent dans les couloirs du métro, dans les salles d’attente, ou dans la rue.

Autre problème, le développement des smart TV. Ce sont de véritables petits ordinateurs avec des systèmes d’exploitation et des mises à jour. Leur cycle de renouvellement pourrait se raccourcir à cause de l’obsolescence logicielle. C’est ce que pointait déjà l’association Hop (Halte à l’obsolescence programmée) avec son rapport sur les téléviseurs et son appel aux constructeurs pour les rendre plus durables au mois de juin dernier.

Signalons enfin que la consommation énergétique des téléviseurs flambe depuis 2019 après une longue période où elle avait baissé. 

« Il y a plusieurs facteurs qui jouent : la technologie (l’OLED consomme moins, par exemple), la définition, les réglages pour la luminosité, les fonds d’écran, etc. Mais globalement, plus il y a de pixels, plus ça consomme », nous indique encore Frédéric Bordage.

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Quelles solutions ?

L’association Hop a dressé une liste conséquente d’améliorations nécessaires pour allonger la durée de vie des téléviseurs, comme mieux dimensionner les diodes ou assurer la démontabilité complète de la dalle. Mais il conviendrait aussi d’intervenir dès la conception de l’appareil.

« Pour bien faire, il faudrait des équipements modulaires. Et commencer par  concentrer l’intelligence d’une smart TV dans un seul boîtier extérieur. Ainsi dissociée, la TV n’aurait pas besoin d’être changée à chaque innovation technologique », assure Frédéric Bordage. 

Il s’agirait aussi de favoriser la collecte et le réemploi des téléviseurs, deux points qui laissent à désirer par rapport aux smartphones. Sans doute faudrait-il en passer par une sensibilisation des utilisateurs à tous ces aspects. Pourquoi pas instaurer un bonus/malus suivant la taille des écrans ?

Rappelons quelques petits gestes utiles au quotidien : ne pas laisser les téléviseurs allumés en permanence, réduire la luminosité de l’écran ou encore la qualité des flux streamés. Et bien sûr, ne pas se précipiter pour changer son écran, à l’introduction de la moindre nouveauté.

S’il faudra sensibiliser les utilisateurs, il sera également nécessaire de faire passer le message auprès des fabricants, qui mettent à jour leurs gammes tous les ans. Un enjeu d’innovation et de croissance économique pour ces géants, qui prévaut, au détriment d’une pensée écologique à plus long terme.
Contactées au sujet de l’empreinte environnementale des téléviseurs l’été dernier, les équipes françaises des constructeurs Sony et Samsung n’ont pas donné suite à nos demandes d’interview. 

Sources : L’étude Ademe/Arcep, le rapport de Hop, le site Green IT

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Amélie CHARNAY