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Une industrie du téléviseur peut-elle renaître ?

Thomson a presque abandonné l’industrie du téléviseur. Sagem s’y attaque sérieusement dans le haut de gamme. Comment deux vocations peuvent-elles être opposées à ce point dans un même pays de production ?

C’est plus dans l’histoire, la culture et les vocations de ces entreprises qu’il faut chercher des explications à ce contraste que dans des calculs théoriques de rentabilité. Thomson a considéré, il y a trois ans
environ, que, demain, le récepteur de télévision aura plus d’un mètre de diagonale.Plusieurs technologies seront alors en concurrence… sauf le tube cathodique, limité en pratique à une diagonale de 94 cm1. Or l’essentiel de la production de téléviseurs de Thomson était à
l’époque basé sur le tube cathodique. Un composant à évolution très lente et d’une fabrication facilement maîtrisable par les Chinois.Thomson a bien, un temps, poursuivi ses investigations sur le plasma : cette technologie a en effet longtemps été considérée comme le successeur naturel du tube cathodique. Mais un important projet d’alliance avec NEC a
finalement échoué. Et il n’est plus sûr aujourd’hui que le plasma aura l’avenir qu’on lui prédisait il y a seulement un an.A l’opposé, Sagem a compris avant tout le monde ou presque que la télévision à qualité améliorée était sur le point d’être plébiscitée par le public en France et que seule la technologie rétroprojection avec puce à
micromiroirs allait permettre la fabrication de téléviseurs à diagonale de plus d’un mètre, d’une qualité et d’un coût acceptables par le public (en pratique, moins de 2 500 ?). Avec son opportunisme habituel, il a
ainsi décidé, au bon moment, d’exploiter ses savoir-faire technologiques et ses connaissances des réseaux de ventes acquises avec d’autres produits grand public.

Un cadre favorable

D’autres sociétés françaises pourraient-elles aussi attaquer ou réattaquer ce marché à l’occasion de l’arrivée des images dites TVHD ? Autre façon de poser la question : où se niche la valeur ajoutée dans
les téléviseurs dits TVHD ? En fait, et c’est bien ça qui a changé par rapport à autrefois, elle ne se niche plus seulement dans la technologie mais dans l’esthétique du produit, la réactivité aux demandes du marché, la compétence
du service achats de la société, son savoir-faire logistique et son travail avec le réseau de vente.Il ne s’agit pas d’être bon sur un point, mais sur tous les points à la fois ; une seule faiblesse est éliminatoire. Face à cette énumération, il est clair que les sociétés françaises ont un avantage a
priori
pour des ventes en France ou dans les pays limitrophes. Sauf éventuellement en ce qui concerne la technologie, associée à la compétence des services achats.Deux technologies seront en vedette l’an prochain : les téléviseurs LCD jusqu’à 82 cm de diagonale, et les rétroprojecteurs au-delà de 1 m. Pour les premiers, le savoir-faire technologique tient surtout dans
le choix des dalles LCD, dans le partenariat avec les fournisseurs de dalles d’éclairage arrière (obligatoirement à LED en 2005, LumiLeds étant un partenaire aujourd’hui difficilement contournable), et dans la carte qui contrôle le
piqué ‘ de l’image. Le reste est un métier d’assembleur au sens informatique du terme.Pour les rétroprojecteurs, c’est un peu plus compliqué. Le savoir-faire passe obligatoirement par une collaboration avec TI pour ses nouvelles puces à micromiroirs ou avec Epson pour les puces LCD concurrentes (les LCoS sont
encore trop chers). Il passe aussi par une collaboration d’une part avec les fournisseurs d’optiques adaptées (InFocus, Zeiss…) et d’autre part avec les designers chargés de créer un ‘ bel
objet ‘ (paramètre important pour les rétroprojecteurs).Là encore, l’équipe technique n’échappera pas au problème du traitement de l’image, dont le savoir-faire peut se retrouver sur une carte propre ou acquise sur le marché. Dans ce cas encore, un bon fabricant de
téléviseurs devra faire un métier d’assembleur mais aussi posséder un fort savoir-faire en traitement d’image, optique et marketing achat. Toutes ces compétences se trouvent en France. Assembler un tel téléviseur doit pouvoir ne
demander qu’une ou deux heures de travail ouvrier.Relever le défi d’une fabrication française de téléviseurs ‘ haute définition ‘ est donc avant tout un problème d’entrepreneur motivé. En sachant tout de même que le concurrent Sagem a toutes les
qualités requises, plus… deux ans d’avance, du moins en rétroprojection. Sans compter un effet de taille non négligeable ! Sa seule faille possible serait qu’il ne choisisse pas systématiquement les meilleurs fournisseurs
de sous-ensembles : il y a toujours un risque dans toute aventure industrielle.* Directeur de la rédaction d’ Electronique International Hebdo1. Pour des questions de faisabilité au niveau du verre, de poids – il ne faut pas dépasser 70 kg – et de profondeur – au-delà de 60 cm, certaines portes ne laissent plus passer l’objet lors de
la livraison.

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Jean-Pierre Della Mussia*