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Touche pas à ma marque… ou paye

Chaque acteur économique devrait se demander s’il subit réellement un dommage en acceptant de coexister avec un autre, avant de saisir les tribunaux, souvent motivé par l’appât du gain.

Identifier sa société est devenu une délicate mission. La contrainte tient principalement à la règle posée par l’article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle. Un texte selon lequel “ne peut-être adopté comme marque, un signe portant atteinte à des droits antérieurs…”Une entreprise qui souhaite adopter, en toute sécurité, un terme à titre de marque doit s’assurer au préalable qu’il n’existe ni marque antérieure enregistrée ou notoirement connue, ni dénomination ou raison sociale, ni nom commercial ou enseigne, ni appellation d’origine protégée, ni droits d’auteur, ni droits résultant d’un dessin et modèle protégé, ni droits de la personnalité d’un tiers (nom patronymique ou pseudonyme), ni… de nom de domaine.

Les noms, une denrée rare

Et pourtant, les dénominations verbales disponibles se font désormais assez rares. Le développement du secteur tertiaire au cours de ces dernières années n’est pas étranger à ce phénomène, notamment dans le domaine des nouvelles technologies. De fait, la difficulté concerne principalement les marques de services, et slogans qui sont bien souvent descriptifs.Autrefois, une marque gagnait son caractère distinctif avec l’usage et le temps. Aujourd’hui, la jeune pousse préfère un terme d’identification qui évoque le service qu’elle propose. Il faut capter l’attention du public le plus rapidement possible et, pour ce faire, il sera souvent fait l’économie de l’originalité pour lui préférer l’efficacité. Quand le choix est limité, tout le monde n’a pas 3 millions d’euros pour s’offrir le slogan ou la marque de ses rêves.Le marché est envahi de marques, d’où la difficulté de trouver un terme disponible. Bien qu’il soit en baisse depuis l’année 2000, le nombre de dépôts n’atteint pas moins, l’année dernière, 86 176 marques françaises et 14 722 marques internationales. Les dépôts de marques communautaires représentaient 48 856 dépôts en 2001. Dans ces conditions, la recherche d’antériorités devient un chemin de croix, parfois négligé, au profit d’une hasardeuse appréciation des risques.Il est temps de faire preuve d’un peu plus de pragmatisme et de raison, notamment dans la mesure où le marché s’est densifié et les secteurs d’activités affinés. À titre d’exemple, dans le secteur informatique, où l’on rencontre une multitude d’entreprises aux activités diverses, quand bien même deux marques seraient similaires, une entreprise de vente de logiciels ne pourrait-elle pas coexister avec une entreprise de conseil en sécurité des réseaux dès lors que le risque de confusion est minime ? Chaque acteur économique devrait se demander s’il subit réellement un dommage en acceptant de coexister avec une autre entreprise, avant de saisir les tribunaux, souvent motivé par l’appât du gain. À ce titre, le slogan “Bienvenue dans la vie.com dérangeait-il vraiment la société Lavie.com, qui, rappelons le, faisait explicitement référence aux sommes versées à l’amiable dans le dossier Vizzavi pour asseoir sa demande de dommages et intérêts ? Et que dire des dépôts “parapluies” couvrant les 45 classes de produits qui pourraient être, comme aux États-Unis, limités, à défaut pour le déposant de fournir un justificatif d’usage à très brève échéance.Un changement de mentalité est souhaitable dans le sens d’un peu plus de raison. Il y a fort à parier que les tribunaux suivront. En attendant, il convient de faire preuve d’une vigilance accrue avant de déposer ou d’utiliser quoi que ce soit : les vautours sont à laffût.* Avocat à la cour, cabinet Kahn et Associés

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Me Jérôme Richardot*