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Télécoms : la grande déprime

Fini la croissance du marché des télécoms. Les équipementiers subissent la crise de plein fouet. Afin d’éviter le pire, les opérateurs procèdent à une réduction drastique de leurs investissements.

Les commutateurs téléphoniques traditionnels ne se vendent plus. Le marché des réseaux sous-marins en fibre optique s’effondre. À son tour, celui des téléphones mobiles est touché. Résultat, le repli forcé des investissements a entraîné des effets catastrophiques sur le marché des équipements. Et, ce n’est pas fini.Alors que la couverture des réseaux GSM est quasiment achevée, le marché des abonnements menace d’être saturé. Et, contrairement aux attentes, la téléphonie mobile du futur ne relance pas la machine. En effet, la mise en place des réseaux UMTS tarde. Et, des doutes subsistent quant à l’attirance des consommateurs pour les nouveaux services multimédias mobiles.Environ 250 000 emplois ont déjà été supprimés dans le secteur de l’équipement en 2001. Les équipementiers ont dû abandonner des lignes de produits et des usines à leurs sous-traitants. Attendue pour le deuxième trimestre de cette année, la reprise est désormais reportée au mieux en 2003, au pire en 2004.

34 000 emplois supprimés en moins d’une semaine

En l’absence d’une réelle reprise du marché, la chasse aux coûts fixes continue.Ainsi, en moins d’une semaine, Nokia, Nortel, Lucent, Ericsson et Alcatel ont supprimé plus de 34 000 emplois. Après 400 postes chez Nokia, Nortel Networks décide d’en supprimer 3 000, tandis qu’il enregistre une perte de 841 millions de dollars. Chez Ericsson, la réduction des effectifs est draconienne : le constructeur suédois prévoit de licencier près d’un quart de ses salariés d’ici à 2003, soit 20 000 postes. Pour lui, l’exercice 2002 est déjà perdu, et ce, bien qu’il ait cédé à la sous-traitance des pans entiers de ses activités.Même schéma chez Lucent. L’américain licencie 5 000 personnes, ce qui porte son effectif à 50 000 salariés. Il était de 123 000, il y a un peu plus d’un an. En outre, le géant prévoit de se séparer de sa filiale Agere Systems, spécialisée dans les puces.La division ICN (équipements des réseaux téléphoniques) du concurrent Siemens n’est pas épargnée non plus : 5 000 postes disparaissent alors que 10 000 avaient déjà été supprimés sur les 50 000 de cette branche. Il en va de même chez Alcatel : le groupe français pourrait aller plus loin dans la réduction de ses effectifs, alors qu’il annonçait déjà au début de l’année 2001 une réduction de 34 500 postes d’ici à la fin 2002.

Perspectives sombres chez les opérateurs

Du côté des opérateurs, les perspectives sont également pessimistes. Aujourd’hui, leurs priorités portent avant tout sur une réduction drastique de leurs dettes, et bien sûr, de leurs investissements matériels. Et les mauvaises nouvelles s’accumulent, aussi bien chez les spécialistes de téléphonie mobile ou des services longue distance que chez les opérateurs locaux.Aux États-Unis, le numéro deux de la téléphonie longue distance, WorldCom, a annoncé cette semaine qu’il n’atteindrait pas ses objectifs 2002. Il espère désormais réaliser un chiffre d’affaires de 21 milliards de dollars contre les 22 prévus initialement. La baisse ne semble pas dramatique, mais elle a affolé le Nasdaq où l’action WorldCom a perdu 30 % de sa valeur en une seule journée et continue de s’effondrer malgré l’annonce du départ de son PDG.C’était la première d’une longue série de mauvaises nouvelles. Quelques jours plus tard, l’opérateur américain AT&T annonçait une perte nette de 975 millions de dollars pour le premier trimestre, soit un chiffre cinq fois supérieur à la perte enregistrée l’an dernier sur la même période. Plus inquiétant encore, son chiffre d’affaires est en baisse de 8,4 %. Pertes trimestrielles également de 501 millions de dollars pour Verizon, qui espère au mieux un chiffre d’affaires stable en 2002, tandis que l’opérateur local Qwest s’attend, quant à lui, à une baisse de 10 % de ses revenus sur l’année en cours.Enfin, pour compléter ce sombre tableau, Wilcom, opérateur spécialisé dans les réseaux en fibre optique, s’est déclaré en faillite avec un endettement record de 7,15 milliards de dollars. Au Japon, l’opérateur national NTT Communications a également provoqué un choc en annonçant la suppression de 17 000 postes (sur 216 000 salariés) et une réduction de ses investissements de 3,44 milliards d’euros sur trois ans.

L’endettement européen

Les Européens, pour l’instant, sont relativement épargnés par cette tourmente. Mais les opérateurs historiques, fortement endettés par l’achat de licences UMTS, réduisent aussi de manière drastique leurs investissements.Ainsi, malgré l’annonce d’un chiffre d’affaires en hausse de 16 % sur le premier trimestre 2002, Deutsche Telekom a précisé qu’en 2002, il se concentrerait sur l’allègement de sa dette. Une dette colossale qui s’élève aujourd’hui à 67,3 milliards d’euros. France Télécom n’est guère mieux loti avec un endettement de 60,7 milliards d’euros.En matière d’infrastructures télécoms, l’heure n’est donc plus aux investissements. Désormais, la tendance majeure est à la réduction des coûts, un impératif pour éviter une catastrophe financière et un scénario à la Enron.

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Chrystèle Besson, Kareen Frascaria, Didier Geneau, et Stéphane Reynaud