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Takeshi Natsuno (i-Mode) : ” Je me suis inspiré du Minitel pour concevoir l’i-Mode “

Responsable du développement de l’i-mode chez NTT Docomo, Takeshi Natsuno pense que le succès viendra des fournisseurs de contenu.

Lancé il y a trois ans et demi au Japon, l’i-Mode est un service d’accès à l’information sur internet, via des téléphones mobiles, qui doivent répondre à des critères très précis (ergonomie du clavier, de la navigation…). On compte plus de trente millions d’abonnés au Japon. En Europe, KPN a adopté ce service et le déploie en Allemagne et aux Pays-Bas. Il sera aussi proposé en Belgique. Bouygues vient d’ouvrir le service, qui s’adresse avant tout au grand public. Telefonica devrait suivre.On dit que l’i-Mode est très lié à la culture japonaise. Pensez-vous qu’il pourra connaître le même succès en Europe ? L’i-Mode n’a rien de spécifiquement japonais. Vous savez de quels modèles je me suis inspiré pour ce nouveau service ? D’AOL et du Minitel. Oui, du Minitel, qui fut un grand succès à son époque.Qu’avez-vous retenu du Minitel ? L’esprit dans lequel il a été conçu et son modèle économique. L’esprit, c’est cette rigueur dans la conception du terminal ?” d’un usage simple à l’extrême ?” et de la charte très précise des sites, conduisant à une navigation facile. L’une des clés du succès de l’i-Mode, c’est cette simplicité. L’utilisateur n’a pas à être un technicien ou un passionné de technologie. Le modèle économique, c’était cette façon de rémunérer les fournisseurs de services, en ne gardant en fait que les frais couvrant la facturation et le recouvrement.Cela suffit-il à assurer le succès ? Bien sûr que non. Il faut aussi que les opérateurs abandonnent la vieille mentalité des exploitants de téléphonie mobile. Leur modèle économique est d’abord conçu pour eux. Moi, je pense en premier aux fournisseurs de contenu. Ce sont eux qui feront le succès du système. Ils doivent donc être d’abord gagnants. S’ils attirent des utilisateurs, alors le trafic viendra et moi, opérateur, j’en profiterai à mon tour. C’est dans ce sens-là qu’il faut envisager les choses.Mais ne risque-t-il pas d’y avoir des barrières technologiques avec les systèmes européens ? C’est un autre point de vue qui doit changer dans les mentalités des opérateurs. Ce n’est pas à eux de choisir la technologie. Voyez l’exemple du WAP, qui était une démarche technologique, et l’échec qui en a résulté. Il faut prendre les technologies les mieux adaptées à la création de contenu et non adapter le contenu à la technologie. Les batailles de formats sont puériles. i-Mode fonctionne sur les standards de l’internet. D’ailleurs, croyez-vous que les Explorer et les Navigator d’aujourd’hui ressemblent à ceux des premières versions ? Bien sûr que non. Ils ont évolué et l’utilisateur ne s’en aperçoit pas. De même, i-Mode évolue. Je ne suis pas un vendeur de technologie. Je retiens simplement les meilleures pour chaque briques de mon projet.On dit aussi que le succès de l’i-Mode tient à ce qu’il a été adopté par les jeunes. Visez-vous cette clientèle en premier lieu ? Encore une idée fausse sur l’i-Mode. Au Japon, ceux que l’on appelle les ” teenagers ” ne représentent que 10 % des abonnés. En fait, un tiers des utilisateurs ont la quarantaine. Et puisqu’on en est aux idées fausses, en voici une autre. On a aussi affirmé que les constructeurs japonais fabriquaient des petits téléphones parce que les Japonais avaient de petits doigts et que cela ne prendrait jamais en Europe. Regardez aujourd’hui : c’est la mode partout. Vous savez, les Japonais n’ont rien de particulier et ce qui leur plaît, plaît ailleurs.Quelques opérateurs ont fait le choix de l’i-Mode. Allez-vous tenter de convaincre les autres ? Mon but n’est pas de démarcher toute l’Europe. Ceux qui font ce choix, nous les aidons à développer et mettre en place leurs services, nous leur faisons profiter de notre expérience. Pour les autres, ils font ce qu’ils veulent, mais si, voyant le succès de l’i-Mode, ils veulent y venir, nous serons là.Pour vous, le nombre d’abonnés convertis en un temps record est-il la meilleure preuve du succès de l’i-Mode ? Bien sûr, avec environ 32 millions d’abonnés, nous avons dépassé récemment AOL. Mais ce n’est qu’un nombre froid. Pour moi, le véritable succès je le mesure à l’aune de l’anecdote suivante. Ma mère m’a dit un jour que ses amies lui envoyaient des messages électroniques et qu’elle ne pouvait pas les lire. Elle a dit : ” Toi, l’inventeur de l’i-Mode, tu ne peux pas me donner un appareil ? ” Et elle qui n’est absolument pas friande de technologie, s’y est mise tout de suite. Pour moi, c’est une belle preuve que ce service répond aux attentes de tous les utilisateurs.

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Propos recueillis par Jean-Pierre Soulès