Passer au contenu

STMicroelectronics reste empêtré dans ses problèmes de productivité

Au vu de la croissance de ses bénéfices et de son chiffre d’affaires, ST va mieux. Mais ses résultats montrent aussi que ses problèmes de productivité demeurent. Quel sort lui réserve donc la prochaine crise de 2008 ou
2009 ?

Marge brute du dernier trimestre : 35,4 %. Espoir d’atteindre seulement 36 % lors du trimestre suivant. Investissements du premier semestre : 700 M$ contre 927 M$ au premier semestre 2005 et alors
qu’à notre connaissance la société a besoin de l’ordre de 250 M$ par semestre rien que pour maintenir ses usines en état de fonctionner à pleine capacité.La conjoncture est-elle donc mauvaise pour ST ? Elle est au contraire optimale ou presque : ses usines tournent à pleine capacité ; la société n’est pas présente sur le marché des microprocesseurs pour PC, qui a
été le plus difficile au premier semestre ; elle est par contre bien présente sur le marché des mobiles grâce à son client Nokia, qui a vu ses ventes exploser.

Une conjoncture favorable

Avec un taux d’occupation des usines de 90 % chez l’ensemble des producteurs mondiaux, la pression sur les prix, en toute logique, ne peut pas être dans une phase critique. Alors, que se passe-t-il chez ST ? Le
discours officiel met en avant la pression sur les prix, le cours du dollar, et une phase de délocalisation non encore achevée.Mais il s’agit de données que toute société européenne est condamnée à savoir gérer (bien que l’on puisse regretter le peu d’intérêt que portent les pouvoirs publics européens au cours du dollar : tout se passe
comme si l’Europe préférait sacrifier ses usines plutôt que la valeur de l’euro par rapport au dollar).En période favorable comme actuellement, la marge brute de ST devrait être de l’ordre de 43 % ; c’était du moins son objectif durant la première moitié de la décennie. Intel par exemple, en pleines difficultés
financières si l’on en croit les analystes (la société a été obligé de ‘ casser ses prix ‘ du fait de la concurrence), a malgré tout une marge brute de 52 %.Les principaux concurrents de ST sont largement au-delà de 40 %. Pas étonnant, dans ces conditions, que le cours de ST en Bourse soit inférieur à sa meilleure forme de 1998. Certes, les financiers méprisent le secteur du
semiconducteur depuis l’éclatement de la bulle. Mais tout de même. Il est d’ailleurs étrange que les représentants des actionnaires ?” dont, indirectement, les pouvoirs publics ?” ne disent rien.Pour comprendre ce qui se passe, nous avons interrogé ses sous-traitants, ses clients, des personnes qui ont vécu récemment dans l’environnement de ST. Notre conclusion : le mal vient d’un peu tous les sites européens
sauf de Tours (usine de discrets) et est le résultat d’une désorganisation généralisée. Les circuits développés par exemple sont toujours certainement parmi les meilleurs au monde, mais ils arrivent souvent tardivement sur le marché. Si bien
que les clients préfèrent dans ce cas choisir des circuits concurrents moins bons mais existants.Résultat : lorsque les circuits de ST sont enfin prêts, la société doit s’aligner sur les prix (time-to-market raté). Même problème concernant la production : à notre connaissance, les temps de
cycle de fabrication peuvent parfois approcher les trois mois chez ST pour les circuits avancés alors que TSMC dépasse à peine un mois. Ce qui n’est neutre ni pour les coûts, ni pour les plannings de montée en production des circuits
(time-to-volume). Comment un tel manque d’organisation a-t-il pu se généraliser ?En fait, d’après ce qui nous a été rapporté, il existait déjà du temps où Pasquale Pistorio était aux commandes, mais il ne se voyait pas trop ; chacun avait une grande liberté dans son travail, mais le charismatique patron
était omniprésent ; beaucoup de choses se faisaient au consensus, chacun tenant compte du non-dit : ‘ C’était logique de faire ceci ou cela compte tenu de ce qu’avait dit
Pistorio. ‘
Pistorio a voulu que son successeur travaille dans la continuité ; il l’a fait. Mais la motivation à n’agir que pour le bien de la société semble s’être fortement atténuée au sein de
nombreuses troupes.

Un avenir fragile

Que risque-t-il donc de se passer maintenant ? L’équipe dirigeante actuelle ne peut pas, elle-même, donner ‘ un coup de pied dans la fourmilière ‘ comme l’a évoqué un actionnaire. Ce serait
sûrement la révolution. Mais si les représentants des actionnaires n’interviennent pas, c’est une mort lente qui guette ST. Un pourrissement qui s’accélérera à coup sûr lors de la prochaine crise du semiconducteur, peut-être
vers 2008.A moins que ST ne devienne progressivement une fabless (la société sous-traite déjà la moitié de la fabrication de ses circuits les plus avancés). Ce serait alors toute la stratégie de la société qui serait à
revoir… une évolution qui ne semble souhaitable ni pour le service aux clients, ni pour notre industrie et nos grands programmes européens. Encore moins pour le personnel, les sous-traitants et les régions concernées.


(*) Jean-Pierre Della Mussia est rédacteur en chef d’Electronique International Hebdo

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Jean-Pierre Della Mussia*