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Quoi de neuf dans la presse allemande ?

Quatre événements ont masqué le lent déclin des groupes de presse allemands : création de chaînes de télévision privées, réunification, ouverture des marchés d’Europe centrale et internet…

Les récentes (més)aventures du groupe Kirch, pour spectaculaires qu’elles soient, ne devraient pas faire oublier la crise que traverse un autre secteur des médias allemands, celui de la presse écrite. Une étude de Merrill Lynch vient d’ailleurs de paraître, qui permet de constater qu’en dépit de sa taille et de ses traditions, le marché de la presse écrite allemande connaît les mêmes crises que ceux des autres pays de l’Union européenne.

Un marché fermé et fragmenté

Le marché allemand de la presse quotidienne et magazine est le plus grand en Europe et a représenté en 2001 un chiffre d’affaires d’environ 24 milliards d’euros. Avec plus de 350 quotidiens, et près de 1 100 magazines, le marché allemand apparaît comme l’un des plus divers et des plus fragmentés d’Europe. Alors que la presse quotidienne française s’est structurée dans l’immédiat après-guerre, la presse allemande s’est, elle, consolidée dans les années soixante et soixante-dix.Le premier éditeur de journaux outre-Rhin est, de loin, Axel Springer, avec une part de marché de près de 25 %. L’empire comprend en particulier le titre phare de la presse populaire, Bild… mais également Die Welt. WAZ est le premier groupe de presse régionale. Le cas de WAZ est par ailleurs intéressant puisque, avec une participation de 7,4 % dans RTL Group, il est pratiquement le seul des groupes de presse allemands à avoir réussi son entrée dans le monde de la télévision et de la radio (on se souvient que, réciproquement, le groupe Kirch possède 40 % des actions de Springer…).Enfin, trois groupes occupent une place majeure dans la presse magazine : Gruner und Jahr (premier éditeur de magazines en Europe, avec 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, détenu à 75 % par Bertelsmann, et qui, en Allemagne, possède une participation de 25 % dans Der Spiegel et édite Stern), Bauer (le numéro un allemand des magazines) et Burda (l’éditeur de Focus).Les groupes internationaux sont très peu présents dans la presse allemande. En fait, les principaux acteurs allemands sont parvenus à créer et à maintenir un oligopole national. En revanche, forts de leurs positions nationales, beaucoup de groupes de presse se sont développés à l’international, en particulier en France, au Royaume-Uni, en Espagne, aux États-Unis et plus récemment en Europe centrale (à titre d’exemple, un tiers de la presse polonaise est détenu par des éditeurs allemands).On pourrait dire que quatre événements ont, d’une certaine manière, masqué la logique du lent déclin des groupes de presse allemands : successivement la création des chaînes de télévision privées (où Bertelsmann et Kirch ont pris rapidement le pouvoir) ; la réunification allemande ; l’ouverture des marchés de l’Europe centrale et orientale ; et enfin naturellement internet…Le secteur de la presse écrite allemande souffre aujourd’hui de trois maux. Les deux premiers sont conjoncturels. D’une part, il conviendra de se remettre des investissements spéculatifs dans internet. De lautre, il faudra faire face à une crise publicitaire que les professionnels décrivent comme étant la pire depuis la Seconde guerre mondiale (le Handelsblatt et le FT Deutschland ont connu une régression de leur CA publicitaire de près de 50 % depuis le début 2002 !). Le troisième motif est structurel : en dépit de tous les aléas et de toutes les opportunités, la part des investissements publicitaires dans la presse écrite décroît inéluctablement. En 20 ans, depuis la montée en puissance des chaînes de télévision privées, la part de la presse magazine dans les investissements publicitaires est passée de 45 % à 24 %. Sur la même période, la part de la presse quotidienne a diminué de 30 % à 21 %.La consolidation du secteur de la presse allemande est à venir. Le reclassement de la participation de Kirch dans Springer servira sans doute de catalyseur.* Head Media & Telecom BNP-Paribas

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Philippe-Olivier Rousseau*