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Quels opérateurs, pour quels types de services ?

Après avoir courtisé les grandes sociétés, les opérateurs nationaux cherchent à séduire les PME. Leurs homologues internationaux commencent à regarder de près un marché qu’ils s’interdisaient, jusquà maintenant, d’aborder.

En deux ans, les offres télécoms de soixante-dix-sept opérateurs ont fleuri en France. Certains étaient déjà présents, avec une activité souvent limitée à la fourniture de services, dans le cadre de groupes fermés d’utilisateurs. Aujourd’hui, le marché s’est ouvert, et nombre de ceux qui y sévissent ont attaqué bille en tête. Certains c’est le cas de Cegetel ont d’emblée choisi de jouer la concurrence frontale avec France Télécom. Ainsi, dès son lancement, la filiale de Vivendi, a proposé une gamme complète de services, en plus des mobiles. La stratégie de l’opérateur au préfixe 7 était simple : à l’instar de France Télécom, il lui fallait vendre ses offres en direct. Ainsi, Cegetel a recruté des bataillons d’ingénieurs commerciaux dont la mission était de convaincre les entreprises des bienfaits de la concurrence. Las, l’opérateur a dû se rendre à l’évidence, ce ne serait pas si facile que cela. La marque au petit bonhomme vert a procédé à maintes réorganisations avant de se stabiliser l’année dernière. Même échaudé, Cegetel continue à prospecter tant le grand public que les firmes. Plus prudents (ou moins agressifs), d’autres, comme GTS-Omnicom ou 9 Telecom, ont choisi, de développer leurs services en procédant pas à pas.

Quand le pragmatisme fait office de stratégie

TS-Omnicom ambitionne de se positionner dans le trio de tête des opérateurs en France. Il a pourtant subi un retard de développement de huit mois, causé par les rachats d’Esprit Telecom puis d’Omnicom. Pour s’adresser au grand public, l’opérateur a choisi de passer par la grande distribution et d’attaquer le marché des entreprises en direct. 9 Telecom, lui, arrivé dernier parmi les opérateurs à préfixe à un chiffre, a préféré revoir à la baisse sa stratégie de concurrence globale. Il faut dire qu’il a perdu du temps à réaliser son réseau. L’opérateur a échoué dans ses négociations avec la SNCF pour le longue distance et avec Suez Lyonnaise des Eaux pour la boucle locale. Il a donc sélectionné des zones géographiques et de clientèle (PME et grand public) pour rentabiliser les investissements déjà consentis. De fait, nombre d’opérateurs ont adopté cette stratégie. Ainsi, Colt Telecom reconnaît ne déployer son réseau que dans les zones qu’il juge ‘ rentables ‘, en développant des boucles locales à Paris, Lyon, Marseille et Lille. Bien sûr, l’opérateur propose des services de téléphonie via un accès indirect à son réseau.
De même, pour RSL Com qui ne compte, fin 1999, que huit points de présence en France sur un axe nord-sud allant de Calais à Marseille. Là encore, le grand Ouest est délibérément délaissé, mis à part des initiatives locales comme celle de Kaptech. Ce dernier s’est lancé, en premier lieu, dans une aventure de téléphonie mobile de proximité via une licence CT2 à Bordeaux avant de se développer peu à peu sur le territoire national. Estel, dans l’est de la France, ne montre pas d’ambitions nationales, et sa licence ne l’autorise qu’à servir les clients de la région Alsace. En revanche, quelques opérateurs ont rapidement compris que se limiter à des zones très rentables trouverait vite ses limites, ne serait-ce que par le nombre de clients disponibles, souvent de grandes sociétés. Siris et MCI WorldCom, par exemple, ont choisi d’ouvrir des bureaux dans quasi toute la France afin d’aller chercher le client là où il se trouve. Une volonté affichée de couvrir l’ensemble du territoire mais pas forcément en direct. Souvent, le personnel de ces bureaux régionaux chapeaute des équipes de revendeurs locaux, bien implantés dans la région, comme les installateurs téléphoniques. Ces derniers se sont rapidement imposés comme les interlocuteurs privilégiés des opérateurs du fait de leur bonne intégration dans les entreprises.

La ruée vers la fibre optique pour pallier le besoin en hauts débits

Quelle que soit leur stratégie, la plupart des acteurs ont commencé à déployer leurs réseaux, en partant des pôles précis que sont les grands centres d’affaires pour se développer, étape par étape, vers une couverture nationale et parfois internationale.
Mais, pour une nouvelle race d’opérateurs, c’est le contraire. Ainsi, le Vieux Continent est ‘ percé ‘ de toutes parts par une armada de terrassiers enthousiastes, qui creusent des tranchées pour y déposer leurs câbles en fibre optique. Parmi eux, outre Colt, GTS ou MCI WorldCom, ce sont surtout des opérateurs américains qui se taillent la part du lion. Global Crossing, KPNQwest, Level 3, ou encore, Viatel déploient à qui mieux mieux des réseaux de longueur variable (de 3 500 à 15 000 km), selon des tracés qui se ressemblent étrangement. En effet, ces réseaux connectent entre elles les grandes métropoles européennes. Et, pour relier Londres à Francfort en passant par Paris, il n’existe pas une infinité de chemins. La plupart de ces tireurs de câble ont d’abord décidé de ne s’adresser qu’aux opérateurs ne déployant pas d’infrastructure.
Sur ce créneau, on retrouve Iaxis ou Nets qui rachètent des fibres noires pour les revendre clés en main à des opérateurs à la recherche de bande passante. Mais, attention, lorsque trois opérateurs déclarent avoir un réseau paneuropéen au trajet étrangement ressemblant, il se peut qu’ils parlent bien d’un seul et même réseau. Tout le monde devient alors client de tout le monde, les uns achetant de la capacité sur des tronçons où ils n’ont pas de réseau et vice versa. Reste aussi à savoir si les débits annoncés par les uns et les autres sont bien réels, disponibles, et si les clients pour de tels débits sont déjà au rendez-vous. Jouant dans cette catégorie des opérateurs aux infrastructures surdimensionnées, Equant possède un réseau (autrefois uniquement destiné aux compagnies aériennes) qui dessert plus de cent cinquante pays et dont la présence commerciale s’étend à deux cent vingt pays. Si l’opérateur pouvait se vanter de posséder l’un des réseaux les plus étendus du monde, il se montrait plutôt faible sur le maillage dans les États couverts. Pour contourner cet obstacle en France, il s’est offert coup sur coup toutes les activités télécoms de Rhône-Poulenc, et Geonis, le réseau X.25 d’Air France.

Les mariages de raison ont fait long feu

ace à ces nouveaux géants, les opérateurs historiques ne pouvaient rester sans réagir. Partisans au début du regroupement au sein de grandes alliances, ils ont vite compris la fragilité de ce modèle. En parents abusifs, ils refusaient de faire confiance à l’enfant né de leur union, et continuaient de gérer en direct leurs réseaux, n’abandonnant qu’un simple rôle de canal de distribution supplémentaire à leur rejeton, pourtant fortement médiatisé. Ainsi, Unisource (regroupant KPN, Swisscom et Telia) est mort de sa belle mort, tandis que Global One (France Télécom, Deutsche Telekom et Sprint) a disparu en feu d’artifice. Reste dans la course, Concert, produit d’un BT aux abois sur la scène internationale, face à un AT&T surpuissant sur son pré carré. Dans ce contexte, France Télécom et Deutsche Telekom se sont vus contraints de déployer seuls leur réseau paneuropéen et de racheter, ici ou là, des opérateurs ou des participations dans des opérateurs. Siris, en France, et One2One, en Angleterre, sont ainsi passés sous la coupe de l’Allemand tandis que France Télécom a racheté une participation de 22 % au troisième opérateur allemand Mobilcom et a récupéré la barre du vaisseau Global One.

De la minute bon marché à un bouquet de services

es déconvenues des uns et des autres ne les empêchent cependant pas de poursuivre leur opération de séduction auprès des PME. Et, sur ce créneau, les opérateurs peuvent être répartis en deux clans. D’un côté, on trouve les revendeurs qui n’ont presque que l’argument tarifaire à faire valoir. C’est le cas de sociétés comme Phone Systems and Networks, Tele2 et, dans une certaine mesure, de Cegetel, avec son offre 7Pro, qui, dans un battage publicitaire conséquent, montre bien que cette cible de clientèle ne se voit proposer que de la minute. A Telecom, LDI ou Kertel ont aussi opté pour ce ‘ service minimum ‘. Dans cette catégorie, quelques-uns tentent une percée dans les PME-PMI, en proposant des offres de liaisons spécialisées. Parmi eux figurent aussi de ‘ grosses pointures ‘ beaucoup mieux armées, tant en termes techniques qu’en termes de forces commerciales, et peut-être plus à même de répondre à des entreprises qui, d’emblée, se sont montrées prudentes en ne confiant à leur nouvel opérateur qu’une partie de leur trafic. De l’autre côté se situent les opérateurs, tels Siris ou MCI WorldCom, qui ont décidé de miser sur les services.
Difficile alors de se retrouver dans cet imbroglio. Sur quels critères peut-on vraiment classifier les ‘ nouveaux ‘ opérateurs ? L’américain Global Crossing est, à cet égard, un exemple intéressant. Cet opérateur, qui a décidé de ceinturer la planète de fibre optique, avait choisi, dans un premier temps, de ne s’adresser qu’aux autres opérateurs en leur vendant de la fibre noire ou de la capacité. Aujourd’hui, cette activité ne représente pas plus de 40 % de son chiffre d’affaires, le reste étant réalisé auprès d’entreprises multinationales. Siris, lui, s’était jusqu’à présent cantonné au territoire national. N’a-t-il pas l’ambition de devenir un acteur plus important dès que Deutsche Telekom aura arrêté ses intentions ?

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Jérôme Desvouges