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Que faire de la réduction du temps de travail ?

L’économie de l’information vit sans stock et doit lisser la conjoncture par le temps de travail. Ce constat avait déjà été en partie admis puisque la loi des 35 heures annualise la durée du travail.

Avec la rentrée, les 35 heures sont sur la sellette. Le patronat, soulignant les rigidités du dispositif, en réclame une révision radicale. En revanche, certes timidement eu égard à l’ampleur de sa défaite électorale, l’opposition socialiste en défend le principe. Pour elle, dans un contexte où l’usage des instruments traditionnels de la politique économique que sont la politique budgétaire et la politique monétaire paraît impossible du fait des contraintes européennes, la remontée du chômage ne pourra être contenue que par les moyens utilisés entre 1997 et 2001, comme le partage du travail. Un tel débat est-il pertinent, alors que les développements récents de l’économie, centrés sur les NTIC, modifient la nature du travail et rendent caduque l’approche de son organisation autour de sa durée ?Lorsque les ouvriers ont commencé à revendiquer une baisse du temps de travail, le processus de production permettait une évaluation simple et une définition précise de cette durée. Sans chercher à décrire par le menu l’histoire du travail, rappelons que jusqu’au XVIIIe siècle, le faible volume des échanges et le maintien d’une activité essentiellement rurale axée sur l’autoconsommation rendaient inutile la notion de temps de travail. C’est avec le développement des horloges permettant de mesurer le temps, avec la division du travail permettant d’améliorer la productivité et avec l’assimilation, par le biais du salariat, du temps de travail à ses résultats que s’est construite la révolution industrielle. Elle a atteint sa pleine force avec le taylorisme alors que des techniques d’organisation suffisamment contraignantes ont fait que les ouvriers présents sur le site de l’usine ne pouvaient, en pratique, consacrer leur temps de présence qu’au travail.

Du charbon à l’information

Il y a un siècle, l’essentiel du travail s’effectuait dans les mines et les chemins de fer, selon un mode de fonctionnement quasi militaire. Aujourd’hui, la nouvelle économie gère non plus des flux d’énergie fossile à extraire et à transporter, mais des flux d’information à échanger, comparer, ordonner et rentabiliser. Le producteur d’information n’est pas un élément dans une chaîne ayant vocation à sortir en grande quantité des produits standardisés. Il travaille selon un mode qui rappelle l’artisanat d’antan et qui lui assure une assez grande autonomie. Il répond à une demande de plus en plus personnalisée qui lui est transmise par le net et négocie avec son client les conditions de rémunération et de délai de sa prestation, que ce soit la mise aux normes d’une comptabilité, l’envoi d’un livre introuvable ou la construction d’objets personnalisés. Qu’il soit seul ou membre d’une équipe, il passe par des périodes où il doit mobiliser énormément de temps et d’autres de ralentissement d’activité pendant lesquelles il ne peut s’occuper, à la différence de la vieille économie, en accumulant des stocks. L’économie industrielle vivait dans un régime de temps de travail rigide et de lissage des aléas conjoncturels par les stocks.L’économie de l’information vit sans stock et doit lisser la conjoncture par le temps de travail. Ce constat avait déjà été en partie admis puisque le temps de travail tel qu’aménagé par la loi des 35 heures est annualisé et que les personnels peuvent disposer de la réduction sous forme de jours et non d’heures prises sur une base hebdomadaire. Il faut aller plus loin et, puisque tout le monde semble d’accord pour essayer d’évaluer le dispositif actuel, admettre l’idée que la nouvelle économie réclame une souplesse devant conduire à son dépassement par l’abandon de la notion même de durée légale du travail.* Professeur à lESCP-EAP

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Jean-Marc Daniel*