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Prix Goncourt à mon boss !

De start-up en holdings, journal de bord d’un cadre de la nouvelle économie. Il se confie sous pseudo pour parler?” et parfois crier ?” plus librement…

Mauvaise nouvelle : notre nouvelle directrice adjointe, bombardée la semaine dernière à ce poste flatteur, est toujours en place. Malgré l’espérance de vie dans notre groupe et les efforts conjugués de certains membres de la direction (dont moi), ?”uvrant dans l’ombre à sa perte, elle se pavane encore dans son grand bureau aux peintures toutes fraîches. Roland, le boss, n’en démord pas : Charlotte, génie du marketing tendance ultra-psy, a compris les ressorts profonds du client, ses névroses et ses espoirs fous, ses mamans bobos et ses papas bravos. Elle saura donc le presser comme un citron, le rouler dans la farine, et le cuisiner comme un pigeon.Première conséquence de cette nomination : en tant que directeur de la communication, je vais devenir aussi utile qu’un coursier unijambiste. Car Madame La Directrice Adjointe se pique de communication. Forcément, c’est tellement psy, la com, n’est-ce pas ? Interpréter les rêves de nos cibles, flairer l’?”dipe dans la niche de marché, triturer le signifiant et le signifié du psycho de notre logo, etc. Charlotte, qui n’a pas lu deux lignes de Freud et puise sa science dans le magazine grand public Psychologies, qu’elle parcourt distraitement en se faisant les ongles des pieds, vient d’accoucher de sa première idée. Citons-la religieusement, mot à mot : “ L’image de l’entreprise, je dis que ça n’existe pas. Moi je dis que ce qui compte, c’est l’image de l’homme qui la dirige. Voilà ce que je dis. “Et pour tout vous dire, après avoir balancé ce puissant truisme agrémenté d’un sourire allumeur vers Roland, tétanisé de désir en plein comité de direction, elle nous pond sa trouvaille : “Que faire pour améliorer son image, déjà excellente, moi je dis ? Comment réussir cet exploit ?” (Vous auriez osé, vous ? Eh bien elle, oui. Cette flatterie, d’une lèche-culterie quasiment obscène, passe comme une lettre à la poste. Roland, rouge comme une brique bien cirée, est au bord de l’explosion…). J’ai la réponse : “Moi je dis que Roland doit écrire un LIVRE.” Avons-nous bien entendu, ou aurions-nous forcé sur l’ecstasy ? “ Je dis bien un livre. ça lui donnera une dimension hors business, excellente pour le business.
Devant nos mines sceptiques, elle insiste : “ Ben oui, une dimension humaine, quoi…” Puis conclut, triomphale : “Moi je dis que c’est ça qui paye ! ” Enthousiaste, Roland approuve. En tant que plume de la boîte, me voilà donc chargé de lui écrire son machin. Mais pas une autobiographie à la Messier-J6M, non oh non surtout pas, statue Charlotte : “Moi je vous dis que ce qu’il faut, c’est un roman ! Regardez tous ces best-sellers dont on parle, c’est uniquement des romans, moi je dis. ” Dois-je faire de Roland le i-Houellebecq de la prochaine rentrée ? Le quoi ? ? ?, me demande Charlotte, dont les particules très élémentaires ignorent tout de Plateforme et de son succès colossal en librairie, lieu ringard où ses beaux yeux n’ont jamais mis les pieds. Je lui résume le bouquin. Verdict : “Moi je dis non, minaude-t-elle, c’est très mauvais pour l’image, le sexe. Par principe, je suis très à cheval là-dessus !” Preuve qu’elle sy connaît en images, moi je dis…

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La rédaction