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Pourquoi le bracelet «révolutionnaire» de Cicret pourrait bien être une arnaque

Une mystérieuse start-up fait le buzz en France avec son projet révolutionnaire de smartphone virtuel. Sauf que vérifications faites, nous doutons très sérieusement de la faisabilité du produit comme du sérieux de l’équipe.

Un conte de Noël. C’est ainsi qu’est présentée depuis plusieurs jours dans de nombreux médias la formidable histoire de la start-up française Cicret. Cette entreprise viendrait de soulever des fonds auprès d’un miraculeux investisseur indien. Ce dernier aurait été convaincu par l’intérêt du Cicret, un bracelet capable de déporter l’écran de votre smartphone sur votre bras. Des capteurs de proximité permettraient, en outre, d’utiliser cet écran virtuel en touchant votre peau. Génial, non ? Une vidéo qui présente le concept a fait le tour du Web depuis quelques semaines, et recense plusieurs millions de vues.

La fameuse vidéo :

Une seule personne pour mettre au point toute la techno

Là où le bât blesse, c’est que l’équipe de Cicret ne semble pas vraiment dimensionnée pour développer un produit aussi complexe et ambitieux. A l’origine, on trouve Guillaume Pommier et son père Pascal, qui dirigent une société de programmation informatique. Trois autres personnes complètent la team, dont une seule, Fabien Noblet, dédiée à la partie technique !

« C’est un dieu du hardware », nous a affirmé à son sujet Guillaume Pommier, en charge du marketing et des finances. Il serait même spécialisé dans les composants depuis plus de vingt ans. Renseignements pris, M. Pommier nous précise que le dieu du hardware possède un diplôme.. de musique. Sur Viadeo, ce dernier se présente même comme un « musicien, créateur, photographe ».

Aucun brevet déposé, pas de contrat avec des prestataires

Encore plus surprenant, Guillaume Pommier affirme ne pas faire appel à des tiers pour concevoir ce fabuleux engin. Et leur petite équipe serait un avantage, selon lui, qui permettrait d’avancer plus vite. Le premier prototype serait ainsi prêt à être finalisé d’ici trois semaines.
« En juin 2015, nous aurons une version pré-produit du bracelet qui sera très proche de ce que vous avez vu sur la vidéo. Ensuite, on produira de manière assez massive le bracelet pour le livrer pour les fêtes de fin d’année 2015 », affirment carrément les fondateurs.

Mais à trois semaines de finaliser le prototype, aucun brevet n’a été déposé ni aucun contrat conclu avec un quelconque cabinet ou fournisseur. Guillaume Pommier évoque seulement des négociations avec un certain « fournisseur de silicium » !

Un projet opaque financièrement

Plus inquiétant, l’équipe de Cicret a commencé à récolter des dons auprès des internautes sur son site via Paypal et espère réunir ainsi jusqu’à 700 000 euros. Jusqu’à maintenant, seule 14% de la somme aurait été récoltée. Pourtant, Cicret affirme bien pouvoir sortir son prototype d’ici trois semaines.

Par ailleurs, Cicret avait déjà mené une campagne de crowdfunding au mois d’août dernier sur le site Indiegogo pour rassembler 500 000 dollars mais l’avait clôturée de façon prématurée en s’apercevant que la somme ne serait pas atteinte. “On a arrêté au bout de deux ou trois jours lorsque l’on s’est rendu compte que nous n’arriverions pas à recevoir suffisament d’argent pour livrer les bracelets à temps”, nous ont confié les fondateurs. Les backers n’ont pas été remboursés et attendraient toujours avec confiance le bracelet.

Lorsque nous avons fait part à Guillaume Pommier de nos sérieux doutes à l’égard de ce projet, il n’a pas cillé : “Je sais ce qu’il en est et je sais que le Cicret Bracelet sortira tel que je vous l’ai décrit, dans quelques mois. Nous aurons, peut-être, l’occasion d’en reparler.”

Techniquement improbable

Techniquement, presque tous les aspects du Cicret nous semblent totalement irréalisables dans l’immédiat. A commencer par la pièce maîtresse du bracelet : son pico projecteur. Le projecteur est censé être de conception française, présenté en 2012 dans un salon informatique. Il semblerait que ce soit un modèle STMicroelectronics, un pico projecteur laser. Seul problème, il est encore bien trop grand pour entrer dans un tel bracelet. Second souci : STMicroelectronics vient de nous confirmer ne pas être impliqué dans ce produit. Quel est donc ce mystérieux fournisseur français ?

Autre question : comment projeter une image d’écran sans déformation sur une surface parallèle à l’optique du projecteur ? Quant à la technologie tactile assistée par des capteurs de proximité, nous n’avons encore jamais rien vu de tel. Quid de sa précision ?

Le problème de l’alimentation est encore plus déroutant : comment placer une batterie de taille suffisante pour alimenter un projecteur ainsi que tous les composants du bracelet ? Selon nous, c’est strictement impossible, à moins d’accepter une autonomie de 10 minutes, pas plus.

Pas plus probable non plus de parvenir à interconnecter ces nombreux composants (projecteur, CPU, batterie…)  au sein d’un bracelet souple. Fournir un prototype fonctionnel dans trois semaines nous paraît farfelu, et l’idée d’un modèle final en juin 2015 totalement fantaisiste.

N’ayant pas réussi à convaincre Guillaume Pommier de nous mettre en contact avec le directeur technique Fabien Noblet, difficile d’accorder une quelconque confiance au projet de Cicret. Les nombreux commentaires dénonçant une arnaque (« hoax ») sous la vidéo Youtube de Cicret pourraient donc avoir visé juste.

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Bruno Cormier et Amélie Charnay