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Philippe Chalon (TotalFinaElf) : ” Notre réseau mondial reliera 1500 sites selon des débits modulables “

La fusion de TotalFina et d’Elf a déclenché une opération titanesque d’harmonisation des systèmes d’information. Le nouveau DSI la dévoile à 01 Informatique.

Nommé officiellement DSI de TotalFinaElf en fin 2001, Philippe Chalon, ex-DSI de Elf, a conduit la fusion des systèmes d’information des deux groupes depuis deux ans. Les différents systèmes informatiques répartis dans le monde entier constituaient alors un patchwork dont de nombreuses pièces étaient obsolètes. Le chantier monumental d’harmonisation et de mise en cohérence est mené par étapes, à des rythmes différents : réseaux, télécoms, messageries, applications… Le DSI nous raconte pour la première fois cette aventure dont il attribue volontiers le succès à la qualité et la motivation de ses équipes.Dans quelles conditions êtes-vous devenu directeur des systèmes d’information de TotalFinaElf ?J’étais en même temps DSI groupe d’Elf et de sa branche exploration production, lorsque nous avons fusionné avec TotalFina. Les deux entreprises, et donc leurs systèmes d’information, étaient à peu près de même envergure. Aucun des systèmes d’information respectifs n’était, par conséquent, en mesure d’absorber l’augmentation de périmètre. Lorsque l’accord de fusion est intervenu, en fin 1999, je me suis vu confier la direction informatique et télécoms de l’exploration production. A ce titre, j’ai travaillé à la réalisation du nouveau système d’information, avant de me voir confier la DSI groupe, en fin 2001.Quelles sont les lignes de force d’une telle opération ?L’essentiel consiste, en premier lieu, à établir les grands principes qui régissent l’unification des systèmes d’information. Principe fondamental de notre nouvelle organisation, TotalFinaElf repose désormais sur trois métiers distincts : l’exploration et la production des hydrocarbures (pétrole et gaz) ; le raffinage marketing, qui consiste à transformer et à vendre les produits finis issus du pétrole ; et, enfin, la chimie. Les trois activités s’appuieront donc sur trois systèmes d’information distincts, avec une forte coordination au niveau du groupe, qui réunira également les problématiques de télécommunications.Où en êtes-vous actuellement ?Aujourd’hui, nous avons dépassé la première moitié de l’opération : tous les projets et les dynamiques sont lancés. Nous concentrons nos efforts sur le bon aboutissement des projets commencés, mais nous travaillons aussi activement à l’ajustement fin des organisations et des processus informatiques, ainsi qu’à l’adéquation entre les postes et les compétences. Et ce, en prenant en compte les enseignements de la première organisation mise en place au moment même de la fusion. Nous avons encore énormément de travail, mais le chemin parcouru nous permet, aujourd’hui, d’y voir plus clair.Dans le cadre de cette fusion, l’informatique représente-t-elle l’essentiel de vos préoccupations ?Elle est, certes, importante, et nous avons choisi d’opérer une véritable refonte des systèmes d’information. Mais le poids de l’informatique dans une entreprise industrielle comme la nôtre n’a rien à voir avec celui qu’il peut représenter dans des sociétés de service comme les banques. L’informatique n’est pas aussi vitale dans nos fonctions essentielles ?” en particulier à l’exploration production. Notre priorité, c’est la fusion des organisations. C’est donc ce volet que nous avons très rapidement attaqué. Pour ce faire, nous avons créé des groupes de travail composés de collaborateurs des deux entreprises d’origine et chargés d’organiser les équipes informatiques de chaque branche.Comment avez-vous effectué les passerelles entre les unités des deux anciennes entreprises ?Très vite, dès le début de la fusion, Thierry Desmarest, le président du groupe, nous a demandé de réaliser l’interconnexion des réseaux et messageries de l’ensemble de l’entreprise. Le tout en deux mois ! Un défi incroyable : les équipements télécoms de nos implantations dans le monde entier étaient hétérogènes, et les besoins très différents. Ce besoin d’homogénéisation permettait, bien sûr, de communiquer rapidement, mais aussi de gagner des synergies. Nous avons constitué des équipes projet, mêlant des gens des deux groupes. Nous avons travaillé nuit et jour. C’est une expérience fabuleuse sur le plan humain. Il a fallu changer tous les équipements dans la tour Coupole de la Défense. Les fournisseurs ont aussi été mis à contribution. Et nous avons réussi !Mais pourquoi avez-vous démarré la fusion par les infrastructures, alors qu’il est souvent conseillé de commencer par les grandes règles métier ?Nous avons lancé les deux approches en même temps. Toutefois, l’échelle de temps n’est pas la même. Construire un système d’information à partir d’une analyse métier du besoin prend plusieurs années. Au contraire, réaliser l’interconnexion des réseaux et des messageries ne demande que quelques mois. Lorsque le jour J de la fusion effective est arrivé, le 16 octobre 2000, nous avons mis en place les nouvelles organisations. Mais, cette fois, les utilisateurs n’ont pas admis que l’ensemble des applicatifs ne soit pas homogénéisé. Nous avions impressionné nos utilisateurs dans la phase précédente, et ils ont trouvé que la reconstruction du système d’information était trop lente à leur goût.L’interconnexion des réseaux hétérogènes suffit-elle à fabriquer une infrastructure performante ?Non, en effet, elle ne permet pas de bénéficier de performances suffisantes pour optimiser la localisation de nos serveurs de données et d’applications. Et, par conséquent, de bénéficier des synergies. L’unification des réseaux est donc primordiale dans un premier temps. C’est pourquoi nous avons lancé un grand projet de refonte de notre réseau mondial. L’objectif est d’interconnecter les mille cinq cents sites du groupe à des débits modulables et évolutifs en fonction de l’activité de chaque site ?” les débits varieront de 64 Kbit/s à 600 Mbit/s. D’ici à la fin de cette année, nous aurons construit l’essentiel des réseaux à haut débit dont nous avons besoin, et les capillaires pour l’année suivante. Une fois ce lancement entrepris, nous avons homogénéisé les parcs bureautiques. Nous aurons terminé l’unification des messageries sur les soixante-cinq mille boîtes aux lettres de nos cent vingt-neuf mille salariés en fin d’année.Avez-vous pu, à ce moment-là, aborder l’harmonisation des applicatifs ?Effectivement. Et l’étape la plus longue, à savoir l’harmonisation des systèmes d’information branche par branche, a enfin pu démarrer. Le système d’information technique de la branche exploration production présentait un applicatif cohérent. Le problème résidait davantage dans la fusion des données dont les types étaient incompatibles dans les deux entreprises d’origine. En fait, c’était davantage une difficulté métier qu’informatique. Il s’agissait de qualifier les données et les nomenclatures, et de remettre en cohérence les contenus. En revanche, le système de gestion de la branche reposait sur des applicatifs périmés tant chez TotalFina que chez Elf. Nous avons donc lancé un grand chantier de refonte au siège et dans les filiales. Le mot clé du projet : SAP. A partir d’une conception commune, nous ferons les adaptations locales et le déploiement en trois ans. En attendant, là où deux systèmes coexistent, nous sélectionnons le plus largement installé. Cette opération se passe correctement lorsque les équipes utilisatrices restent en place. Par contre, nous sommes confrontés à des résistances partout où les gens doivent déménager.Comment fonctionnez-vous en attendant ?Nous vivons avec les systèmes existants. Cela peut poser des problèmes délicats. Par exemple, lorsqu’il s’agit d’offrir à nos clients professionnels une carte unique, qui leur permette de ravitailler leur parc automobile dans toutes nos stations. Il faut avoir le sens du service aux utilisateurs ! Nous avons ainsi mis en place des ressources qui permettent de mutualiser des activités en attendant le nouveau système.

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Corinne Zerbib