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Oncle Sam éduque ses soldats en ligne

L’armée américaine tente de séduire des recrues en leur proposant de poursuivre leurs études, tous frais payés. Trait d’union entre ces militaires dispersés et les universités : un portail internet. Un programme à 453 millions de dollars, remporté par Pricewaterhouse Coopers.

Les Etats-Unis veulent mettre leurs soldats en ligne. L’armée américaine ?” une armée de métier ?” est, en effet, en train de tester un programme d’e-learning de 453 millions de dollars (plus de 532 millions d’euros) sur cinq ans pour 80 000 soldats. L’affaire, coordonnée par les stratèges du consultant Pricewaterhouse Coopers (PWC), offre aux recrues de poursuivre leurs études universitaires gratuitement… tout en vaquant à leurs occupations de militaires. But du jeu : attirer plus de jeunes dans l’armée, grâce à l’hameçon d’une éducation gratuite et, plus tard, garder en son sein des troupes intelligentes, capables d’affronter les complexes batailles du XXIe siècle.Les fins penseurs du Pentagone ont de plus en plus de mal, ces derniers temps, à remplir leurs objectifs de recrutement. Avec un chômage tournant aux alentours de 4 à 5 %, il est bien difficile de faire apprécier les mérites de l’employeur Armée. En outre, les parents des éventuels candidats préfèrent souvent envoyer leurs rejetons à l’université plutôt que dans les dortoirs militaires. En 1999, année la plus désastreuse, alors que la Grande Muette comptait embaucher 74 000 jeunes, 6 300 soldats manquaient à l’appel. Il a fallu lancer une grande opération de séduction en direction des ” anciens “, prêts à rejoindre la vie civile, pour qu’ils rempilent quelques années.

Internet, livres, PC gratuits

Autrefois, l’armée palliait son handicap en proposant de financer les études de ses militaires après leur service. Mais la carotte ne marche plus. Les bourses d’étude et les prêts étudiants, très populaires, font qu’on peut se passer plus aisément des largesses de l’institution. Du coup, le Pentagone change son fusil d’épaule et tente d’éduquer ses troupes, quand elles sont disponibles : en service.Une tâche malgré tout difficile. Car les soldats doivent se contenter des cours offerts par les universités installées près de leurs camps. Et, comme le dit si bien Louis Caldera, en charge du dossier au ministère de la Défense : ” Une salle de classe traditionnelle ne s’adapte pas bien aux vies très denses de nos soldats “. La participation aux cours et l’entraînement militaire se retrouvent souvent en concurrence. Et, pour peu que le soldat s’en aille en mission lointaine, en Europe ou en Afrique, il aura du mal à finir la licence commencée aux États-Unis.Louis Caldera s’est donc intéressé à l’éducation à distance. Déjà, en l’an 2000, 9 021 soldats ont bénéficié de ce programme de formation, payé aux trois quarts par le gouvernement américain, les 25 % restant étant à la charge de l’étudiant. L’armée voudrait développer cette formule. Pour cela, elle a placé la barre bien plus haut. Dorénavant, l’ensemble du cursus universitaire est financièrement pris en charge par le gouvernement. L’armée, décidément généreuse, prête à ses étudiants livres, PC, imprimante et accès à internet pour suivre leurs cours en ligne. Une fois les examens réussis, à l’issue de deux années de formation, l’ordinateur appartient définitivement aux soldats-étudiants.Le projet, discuté tout au long de l’année 2000, a attiré une poignée d’entreprises civiles, désireuses de chapeauter l’ensemble du programme : le constructeur IBM, EDS, l’éditeur NCS Pearson, Andersen, CSC, Science Applications International Corporation, PWC… Spécialistes des nouvelles technologies, fabricants ou encore consultants, tous voulaient prêter main forte au Pentagone. Au final, Pricewaterhouse Coopers s’est qualifiée et a remporté le contrat. Depuis le début de l’année, ses représentants pilotent le test mené dans trois camps américains, à Fort Berming en Georgie, Fort Campbell dans le Kentucky et Fort Hood au Texas.Dès le mois de juin, 8 000 soldats s’étaient portés volontaires. L’armée veut recenser 15 000 inscrits avant la fin de l’année pour pouvoir généraliser l’offre du programme à 80 000 militaires en 2002. ” Notre utilisation des universités et notre portail dernier cri proposent les services nécessaires à la formation des étudiants, au bout d’un seul clic “, se félicite Jill Kidwell, en charge du dossier pour Pricewaterhouse Coopers.

94 diplômes différents

Des programmes d’éducation à distance existent déjà, en effet, dans de nombreuses universités américaines. Il ne manque pas non plus d’experts en toutes technologies pour faciliter la vie et le travail de l’étudiant internaute. Mais, ce qu’apporte Pricewaterhouse Coopers, c’est un portail unique, Earmyu.com, où toutes les compétences sont regroupées.Le cabinet de consultants, avec l’assistance de ses partenaires techniques (Fiberlink, People Soft, Saba, Compaq, Smartthinking.com, etc.), propose aux soldats une inscription administrative sur le net, des conseils pédagogiques en ligne et des tuteurs disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour accompagner le militaire dans ses études. En ligne ou au téléphone, les conseillers aident les aspirants étudiants à déterminer leur orientation. Au regard des diplômes et des goûts du candidat, ils recommandent tel ou tel type d’études. Et ils organisent le transfert des diplômes au sein des vingt universités en ligne accréditées.Les écoles agréées (Pennsylvania State University, Florida State University, University of Massachusetts, Michigan Virtual University, University of Wisconsin, etc.) proposent aujourd’hui 94 diplômes différents, allant de la gestion de la santé à l’aéronautique, en passant par le droit, le management des hôtels, l’informatique, les sciences sociales, la comptabilité… Le tout fonctionne, bien entendu, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sur lensemble de la planète. Le militaire, en mission en Bosnie le jour, pourra, la nuit, redevenir étudiant en ligne.

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Caroline Talbot à New York