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Nintendo : une crise profonde, mais un potentiel intact (5/5)

Dernier épisode. Notre insider explique sa démarche et nous répète sa confiance dans un avenir radieux pour Nintendo, si les erreurs sont corrigées à temps. Et, selon lui, elles le seront. Il le faut.

Une grande inquiétude règne au sein de Nintendo, à tous les niveaux hiérarchiques et encore plus au sein de la structure de gouvernance. C’est ce que nous rapporte notre source. Depuis le départ à la retraite de Hiroshi Yamauchi en 2002, l’ombre de l’ex-leader charismatique de la société, décrit en interne comme en externe comme une sorte d’autocrate génial, continue de planer sur la société.

A la suite de l’annonce d’une révision draconienne des profits attendus (de 110 à 20 milliards de yens, soit une baisse de 80 %), l’action de Nintendo a subi une baisse spectaculaire. Selon Bloomberg, les parts détenues par Yamauchi dans la société auraient ainsi vu leur valeur diminuer de plus de 300 millions de dollars en 24 heures. Selon notre source, le doyen – régulièrement classé en bonne position parmi les dix hommes les plus riches du Japon – aurait été littéralement fou de rage. On le serait à moins… Et les employés de Nintendo qui ont travaillé sous son règne ont appris à ne pas sous-estimer sa colère.

Iwata en difficulté ?

Si l’on en croit notre source, le président du comité directeur, Satoru Iwata, serait actuellement en bien délicate posture, pour ne pas dire sur un siège éjectable. Iwata étant généralement très apprécié par le personnel de la société, de nombreux employés s’inquiéteraient pour son sort. Toujours selon notre source, le fait qu’il ait publiquement assumé la responsabilité des débuts difficiles de la 3DS et volontairement réduit son salaire de moitié pourrait ne pas suffire à sauver sa place à moyen terme.

Un électrochoc nécessaire

A l’issue de notre entretien, nous n’avons pu nous empêcher de demander à notre source ce qui avait bien pu motiver des révélations aussi enfiévrées et inhabituelles. Voici sa réponse quasiment in extenso : « C’est en quelque sorte un acte politique. En tant qu’employé de Nintendo, j’estime avoir consacré ma vie à cette société. Au vu de la tournure que prennent les choses, nous sommes nombreux à redouter ce que l’avenir nous réserve. Si je m’adresse à vous, c’est parce que je pense que les joueurs et les actionnaires méritent de savoir ce qui se passe en coulisses. Je pense qu’ils représentent notre meilleure chance d’impulser les changements nécessaires pour que Nintendo prenne enfin des décisions radicales nécessaires pour s’adapter aux nouvelles contraintes du marché. Je ne pense pas que la situation puisse perdurer longtemps en l’état. Nous devons totalement repenser notre politique de collaboration avec les développeurs et les éditeurs tiers. Nous devons leur offrir les moyens de donner le meilleur d’eux-mêmes. Ils sont plus nombreux que jamais à vouloir travailler avec nous, mais les conditions que nous leur offrons sont pour l’instant les moins favorables de toute l’industrie. Je ne pense pas qu’ils resteront très longtemps si nous ne faisons pas un geste décisif dans leur direction. »

Nintendo, l’art du rebond

Depuis les années 1980, Nintendo n’a jamais vraiment connu de crise majeure au niveau mondial. La société avait su rattraper le couac du Radar Scope lors de l’ouverture de sa filiale américaine en 1980, avec la sortie de Donkey Kong et des Game & Watch.

1995 avait été une année très compliquée, avec l’émergence de Sony comme nouveau concurrent, la fin de vie de la Super Nintendo exacerbée par le retard de la N64, et l’échec du Virtual Boy. Mais l’irruption de Pokémon en 1996 allait relancer la Game Boy et doter Nintendo d’une nouvelle franchise d’envergure planétaire, assurant ainsi la pérennité de la firme.

2003 fut la dernière année difficile, mais Nintendo préparait alors déjà sa propre « révolution casual », qui se concrétisa par la sortie de la DS en 2004 et de la Wii en 2006. En revanche, 2010 a été une première : jamais, depuis 1983, deux consoles n’avaient atteint leur fin de cycle en même temps. Mais, les baisses de profit de Nintendo et ses déboires à la Bourse ne doivent pas faire oublier l’exceptionnelle santé financière de Nintendo, dont fort peu de sociétés peuvent se vanter. L’endettement de Big N est en effet quasi-nul (une dette ridicule de moins de 300 millions de yens (2,7 millions d’euros) pour des actifs totalisant plus de 1 500 milliards de yens (13,5 milliards d’euros), un aspect crucial dans le contexte actuel. Et n’oublions pas ses gigantesques réserves de cash, qui s’élèvent à plus de sept milliards d’euros.

En tout état de cause, Nintendo pourrait se permettre l’échec total de plusieurs générations successives de machines, même si personne ne souhaite voir se réaliser une telle éventualité. Mais comment notre source voit-elle l’avenir de la firme de Kyoto ?

L’avenir selon notre insider

« Les difficultés sont réelles, parfois même critiques, et ne doivent pas être sous-estimées. Mais si les réformes nécessaires sont mises en place, je suis persuadé que Nintendo restera le leader dans son domaine pendant encore très longtemps. Aucun concurrent ne dispose d’un tel panel de personnages et de franchises universellement adorés – à faire pâlir d’envie Disney – ni d’une telle capacité à en créer de nouveaux, aussi forts, dans l’avenir.

Sortir une machine portable dédiée au jeu mais munie d’un seul stick analogique en 2011 était une erreur. Le fait que nous l’ayons reconnu, et que nous fassions le nécessaire pour y remédier, me laisse penser que la 3DS a devant elle de nombreuses années de succès.

Les smartphones poursuivront leur chemin, mais je pense qu’il existera encore longtemps un marché à part pour les machines qui se soucient avant tout des joueurs.

Quant à la Wii U, malgré ses sérieuses difficultés de développement qui – soyez-en sûrs – seront réglées, il s’agit sans doute de la meilleure idée que nous ayons eue depuis belle lurette.

La presse, comme les joueurs, ne semble pas pleinement réaliser le potentiel révolutionnaire de cette machine. C’est une toute nouvelle manière de créer et de jouer qui s’offre à nous. Et vu la qualité graphique atteinte par les hardwares de la génération actuelle, je pense que la supériorité technique future de nos concurrents sur le marché des machines de salon ne pèsera pas lourd dans la balance, face à ce que nous allons apporter en terme de gameplay. La Wii U, c’est l’avenir du jeu vidéo. Vous n’allez pas tarder à le réaliser ! »

Lire le premier épisode : La 3DS, une portable lancée du mauvais pied (1/5)
Lire le deuxième épisode : Wii U, un développement à problème (2/5)
Lire le troisième épisode : Nintendo et la création : le poids du mythe et la réalité (3/5)
Lire le quatrième épisode : Le modèle de Nintendo à l’épreuve de ses nouveaux concurrents (4/5)

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La rédaction