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Nathanaël Karmitz (MK2) : ‘ Rien ne tuera le cinéma en salle ‘

MK2 produit, diffuse et édite en DVD une frange importante du cinéma d’auteur européen. Pas de chiffres, groupe familial oblige, mais une vraie politique culturelle. Si le producteur, selon Nathanaël Karmitz, responsable du
développement, craint le piratage organisé, il reste tolérant avec la copie quand elle ne sort pas du cadre privé.

01net. : Quelle est votre analyse de l’impact du piratage sur les films sortis en salle ou en DVD ?Nathanaël Karmitz : Le piratage est très dangereux pour l’industrie du cinéma tout entière. Il est encore temps de faire quelque chose pour ne pas se trouver dans la situation de la musique qui a, selon moi,
largement tardé à réagir sur ce sujet.Le catalogue de MK2, avec Chaplin ou Kierostami, est tout de même moins exposé au piratage que celui des majors américaines. Sur ce point, ma position a changé. Il y a un an, je vous aurais dit que le piratage ne concernait que les grands studios américains. Mais l’arrivée du DVD a modifié le mode de consommation du cinéma. Le public aujourd’hui va plus
facilement vers les films d’auteur, et quand on voit que Good Bye, Lenin !, de Wolgang Becker, a été téléchargé 700 000 fois en Allemagne, pour 2 millions d’entrées, on peut s’inquiéter. Cette cinématographie
 ?” je pense à Elephant, de Gus Van Sant, ou Coffee and Cigarettes, de Jim Jarmush ?” est aujourd’hui l’objet de piratage autant que les gros films américains, même si c’est à une échelle
différente.Ne pensez-vous pas que le téléchargement puisse aider à faire connaître certains films ?Il est possible que le téléchargement puisse aider des musiciens à se faire connaître, mais ça ne marche pas pour le cinéma. On peut écouter un morceau de musique en boucle pendant des mois, donc passer d’un téléchargement à l’achat
d’un album est envisageable. Un film, on le regarde une fois. Le taux de transformation d’un film déjà vu en location ou en achat du DVD doit être proche de zéro.Quelle importance donnez-vous aux systèmes de protection anticopie ou au DVD jetable dans la lutte contre le piratage ?Ce ne sont que des éléments du dispositif. Il y aura toujours une course technologique entre les éditeurs et ceux qui souhaitent pirater. Quand nous avons lancé un DVD au format flexplay [DVD autodestructible,
NDLR]
, le challenge pour les pirates était : ‘ OK, on a 24 heures pour le pirater. ‘ Du coup, ça nous a fait de la pub, mais il a été piraté quand même !Quels sont, selon vous, les meilleurs moyens de lutte ?Je pense qu’il faut faire beaucoup d’éducation. Il faut expliquer en quoi le piratage met en danger les loisirs mêmes que les pirates recherchent. Il y a un volet répressif qui participe également à la communication. Quand on voit
cinq personnes qui sont condamnées à de la prison avec sursis pour avoir téléchargé quelques films chez eux, ça fait réfléchir. On comprend que c’est un délit passible de prison avec sursis. On sort de la logique qui dit que ce n’est pas très
grave.Comment s’organise la lutte contre le piratage entre éditeurs et producteurs de films ?Le piratage est à l’ordre du jour de chaque réunion du Syndicat des éditeurs vidéo (SEV). On essaie de coordonner des actions au niveau du contrôle, en mettant à la disposition des douanes des fichiers sur les DVD autorisés à
l’importation ou en mettant en place le marquage des galettes des films en location par une couleur spécifique. Par ailleurs, le SEV est contributeur à l’Alpa (Association de lutte contre le piratage audiovisuel). Tout ça est récent. Il y a encore
deux ans, l’équipe de l’Alpa dédiée à Internet tenait dans un petit bureau sous-équipé. Maintenant, ils ont recruté un ancien policier et des spécialistes de l’Internet. Ils ont des moyens. Et les effets commencent à être visibles à la télévision,
où l’on voit régulièrement des interpellations au journal de 20 heures.Craignez-vous que le piratage s’accentue avec la multiplication des nouveaux modes de diffusion (télévision par satellite, DVD…) ?L’arrivée du DVD, comme celle du satellite, n’a pas tout chamboulé. Aucun de ces modes de diffusion ne tue la salle. Ça vaut également pour le piratage. Le mode de diffusion le plus ancien, la salle, reste en bonne santé.Quel est l’avenir de la diffusion du cinéma sur Internet selon vous ?L’exemple d’iTunes, quoique perfectible, représente selon moi un bon exemple pour l’industrie du cinéma. Nous sommes dans le même processus que la musique, avec cinq ans de retard. Pour le fan de musique qui en a assez des 400 CD
qui encombrent ses étagères, l’iPod c’est joli et ça fait de la place, donc il l’adopte et il passe à l’achat sur Internet. Quand il existera un équivalent de l’iPod pour le DVD, et des écrans plasma bon marché, les gens achèteront des films pour
trois dollars sur Internet sans hésiter. On n’y est pas tout à fait, techniquement parlant, mais l’industrie y travaille.

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Propos recueillis par David Prud'homme