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Marchés financiers : vers un redécollage salvateur

Les indicateurs sont concordants : la Bourse va repartir à la hausse. Dans la semaine, Amazon et Dell ont montré le chemin. L’OFCE et la banque mondiale attendent un redémarrage pour fin 2001.

Les observateurs, les investisseurs et les politiques guettent l’embellie sur les grandes places boursières mondiales. Les politiques qui veulent y croire jaugent leurs fondamentaux, les déclarent sains et encouragent les épargnants à revenir sur le marché des actions. Les banques centrales diminuent, ou envisagent de diminuer, leurs taux directeurs. La fièvre baissière est devenue moins alarmante. Il est vrai que depuis le début de l’année, les profit warning (alertes sur résultats) battent des records de pluviométrie, comme à Paris, mais ce sont les éclaircies, notamment en provenance de New York, que l’ensemble des intervenants surveille avec fébrilité. Mardi 10 avril, le CAC était encore à -13 % par rapport au début de l’année, le Nouveau Marché à – 40 %, l’Euro Stoxx 50 à -12 %, le Dow Jones IA à -9 % et le Nasdaq, emblème des valeurs de croissance, à -30 %.

Amazon rassure

C’est peu dire, dans ce contexte, que les signaux positifs envoyés la semaine dernière par les Américains Dell, Amazon, et un peu plus tôt par Yahoo, ont été accueillis avec soulagement. Le fabricant d’ordinateurs a rasséréné la communauté financière en maintenant ses prévisions de résultats pour le premier trimestre. Le premier site mondial de commerce électronique a divisé par deux ses pertes trimestrielles, et le premier portail mondial avait mis du baume au c?”ur des investisseurs en annonçant plancher sur des modèles payants. Rebond considéré comme technique ou pas, l’effet de ces annonces a été sensiblement positif sur la plupart des marchés financiers. L’embellie a commencé à New York, par les ti-tres des sociétés concernées. En une semaine, entre le 4 et le 9 avril, Dell a repris 13 % et Yahoo plus de 30 %.
Sur la seule journée du 9 avril, Amazon a récupéré un tiers de sa capitalisation boursière, avec un bond de 33 % de l’action sur le Nasdaq. L’ampleur de ces sursauts, et surtout la valeur emblématique des sociétés concernées, dans trois secteurs de base de la net économie, ont réveillé une partie du compartiment des TMT. “ Un sentiment que le marché est peut-être en train de changer. Certes, il ne faudrait pas qu’il soit refroidi par de nouvelles alarmes sur les résultats. Mais aux États-Unis, les retournements de conjoncture vont très vite, les plans sociaux se font instantanément, les ajustements sont tout de suite dans les comptes, et il est dans le domaine du possible que la récession soit évitée. La machine repartirait alors après l’été en termes économiques, dès la fin de ce trimestre sur les marchés financiers. Soyons néanmoins prudents. Aujourd’hui, tout le monde scrute l’économie américaine, et ça n’est clair pour personne. Guettons d’autres signaux, notamment les indices de confiance des ménages “, avance Antoine Boivin-Champeaux, le spécialiste de la nouvelle économie chez Natexis Capital.Les signaux positifs, eux, sont déjà saisis au vol par les marchés européens, rivés à l’évolution du Nasdaq. Lundi 9 avril, toutes les places majeures ?” hors Tokyo ?” étaient en hausse, de Paris à Milan, en passant par Londres et Madrid. Dès jeudi 5 avril, sur le Neuer Markt (Frankfort), les annonces positives de Dell avaient relevé instantanément l’ensemble du premier marché de valeurs de croissance européen, avec 340 entreprises cotées au-dessus de 5 %.

Une nouvelle phase d’exagération à la baisse

Quelques-uns voient déjà le bout du tunnel et ne veulent plus ” peindre en noir ” le tableau de l’économie allemande. Gerhard Schröder, le chancelier allemand, est le premier du lot : “ Il ne faut pas dramatiser ce qui se passe au Neuer Markt. De nombreux titres qui y sont cotés étaient surévalués. Maintenant le bon grain est séparé de l’ivraie (…). Plusieurs entreprises, par exemple dans le secteur de la biotechnologie ou des télécommunications, ont un potentiel énorme “, estimait Gerhard Schröder dans le quotidien populaire Bild Zeitung. Même son de cloche chez Jens Ehrhardt, gestionnaire de portefeuille depuis plus de 30 ans. Il estime que l’excès est maintenant dans la baisse des cours : “ Il y a de nombreuses entreprises pour lesquelles l’encaisse est actuellement plus élevée que la valeur sur le marché, pour moi c’est le signe d’une phase d’exagération à la baisse.“À la Bourse, les conditions ” techniques ” seraient là pour une remontée. Plusieurs observateurs rappellent que les liquidités retirées du marché des actions constituent un fort potentiel, piaffant d’impatience pour être placées à nouveau. Gerhard Richter, dirigeant du département clientèle privée à la Dresdner Bank, recommande ainsi “ au vu des cours actuels intéressants, un développement, une augmentation des positions en actions “. Beaucoup misent aussi sur une reprise de l’économie allemande au second semestre, grâce à une hausse de la consommation des ménages allemands. Ces derniers restent optimistes malgré les Cassandre : d’après un sondage de l’institut Dimap, deux tiers d’entre eux ne pensent pas que leur situation économique personnelle va changer dans les douze prochains mois, 17 % croient même à une amélioration…Il n’y a qu’au Japon que les investisseurs ne voient pas la vie en rose, particulièrement à l’endroit de la nouvelle économie. Le titre Softbank, représentant un conglomérat spécialisé dans la net économie, a vu sa valeur décroître de 85 % en un an. La spirale infernale a aussi entraîné à la baisse des titres solides comme Sony. NTT, le géant nippon des télécoms, a perdu jusqu’à 30 % de sa valeur sur les seuls derniers mois. Théoriquement, le Japon est l’un des pays les mieux placés pour surfer sur la net économie. Mais, pour l’instant, la masse critique du ressaut n’est pas là.
Alors que l’économie japonaise globale peine à sortir de son marasme, les fondamentaux de l’économie mondiale restent sains, à en croire les deux hypothèses retenues par l’Observatoire français des conjonctures économiques, qui situe la croissance mondiale à 3,1 % en 2001, et 3,7 % en 2002. L’OFCE voit dans le ralentissement américain un phénomène de pause et non de récession. Et de saluer la politique monétaire américaine qui a enclenché trois baisses de taux depuis le début de l’année. Un exercice délicat selon l’OFCE puisque la Fed (la Réserve fédérale américaine) doit tout à la fois éviter qu’une ” baisse trop rapide des taux ne fasse renaître une bulle boursière ” et faire en sorte que ” l’effondre- ment des valeurs de la nouvelle économie ” ne débouche sur un ralentissement global.L’Observatoire français note que le commerce mondial s’est accru de 14 % sur l’année 2000 dont 5 % pour les États-Unis. Néanmoins, la croissance américaine n’est pas attendue à plus de 1,3 % en 2001, et 2,2 % en 2002. En bloc, les experts de l’OFCE recensent une batterie de bons indicateurs. En Amérique latine, en Russie, en Angleterre ou plus globalement dans la zone euro, la croissance ne se dément pas “ malgré le ralentissement américain“. Mardi dernier, la banque mondiale a également fait part de son optimisme en tablant sur un prévisible rebond de l’ensemble de l’économie en 2001, avec une croissance du commerce international passant de 5,5% cette année, à 7% en 2002. Quant à la France , l’OFCE évoque un ” accroc ” à la croissance dû au ralentissement américain. Mais les fondamentaux de l’économie hexagonale sont sains comme le rappelait récemment Lionel Jospin, et l’Observatoire note que seule une croissance inférieure “ pendant une année au moins” à 2,5 % stopperait la baisse du chômage. Ce qui ” supposerait une correction particulièrement sévère de l’économie américaine “, hypothèse non retenue par l’OFCE. Plus que les prochains profit warning, ce sont les prévisions des grandes sociétés américaines qui seront regardées à la loupe dans les semaines à venir.

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Jean-Michel Cedro, François Laforgue, à Berlin, Régis Arnaud, à Tokyo, Emily Angelopoulos et Philippe Bonnet