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Loteries en ligne : qui y gagne ?

Le gros lot ! Il fait rêver… et explique le succès des jeux de tirage gratuits sur Internet. Mais à ces jeux de hasard, ce sont les sites les plus heureux.

Bingo ! Il suffirait de cocher 6 numéros sur une grille pour empocher jusqu’à 1 million d’euros sans débourser un centime. Une blague, direz-vous. Pourtant, c’est bien ce que proposent une quinzaine de sites de loteries en ligne avec des jeux de tirage gratuits qui font fureur sur le Web. Entrepreneurs inspirés ou vendeurs de rêve malhonnêtes ? Les fondateurs de ces start-up ont trouvé le filon pour appâter les visiteurs en leur faisant miroiter des gains importants, à partir d’un modèle économique basé sur la publicité. Le concept du bon vieux loto national n’en finit pas de faire des petits.

Le rêve à portée de clic

Et à ce jour, les loteries sont les jeux préférés des Français. Tout un chacun veut croire à sa bonne fortune et rêve de toucher le gros lot qui changera sa vie. Et lorsqu’en plus, c’est gratuit, la tentation n’en est que plus forte. Les sites qui proposent des loteries en ligne l’ont bien compris. Pour attirer les joueurs, elles leur font miroiter des gains en espèces sonnantes et trébuchantes ? 200 euros, 15 000, 150 000 voire 1 000 000 d’euros ? mais aussi des voitures, de grands voyages, de beaux cadeaux. “ Gagnez des cadeaux de rêve ”, “ Créateur de richesse ”, “ Tous les jours 100 000 euros à gagner ”, “ Du cash au tirage ”, martèlent en accroche ces sites. De quoi séduire une foule d’internautes.Les “ loteries à validation ” sont apparues sur la Toile en 2000. Bien que commerciales, elles sont entièrement gratuites pour les joueurs, la loi française n’autorisant l’organisation de jeux d’argent de hasard qu’à la Française des Jeux, aux casinos, et aux sites de paris en ligne ou de poker agréés. Les loteries à validation sont soumises au régime juridique des loteries et à la réglementation du Code de la consommation qui encadre ces techniques promotionnelles. Leur légalité se base sur le fait qu’elles sont à la fois entièrement gratuites et sans obligation d’achat. Comme aucune somme ne peut être demandée pour y participer, le joueur en ligne a même la possibilité de se faire rembourser ses frais de connexion Internet. À condition qu’il se soumette aux formalités ? pesantes ? qu’imposent les sociétés organisatrices, pour, à l’arrivée, ne percevoir que des sommes minimes…

Dans les coulisses des loteries

Pour jouer, l’internaute doit avant toute chose remplir un formulaire détaillé où il indique ses coordonnées ? nom, prénom, adresse postale, e-mail, date de naissance ? et éventuellement ses goûts (pour ces derniers, c’est facultatif). Cela fait ? avec la plus grande exactitude sinon il ne pourra pas recevoir ses lots ? il peut cocher les numéros sur les grilles. Six ou sept numéros pour chaque grille qui en comporte 49 (ou parfois 61), à raison d’une à trois grilles par site. Pour les valider, il lui faudra impérativement cliquer sur l’une des bannières de publicité parmi les deux ou trois proposées sur la page. Les tirages au sort sont effectués tous les jours, “ sous contrôle d’huissier ”, précise bien le règlement de ces sites. Un règlement détaillé qui doit obligatoirement être accessible en ligne. La liste des gagnants est ensuite affichée sur le site. C’est tout simple !Étudions maintenant les rouages de cette mécanique fructueuse. Parmi la quinzaine de sites qui se partagent le marché des loteries en ligne, la plupart appartiennent à des sociétés spécialisées dans la publicité et l’e-marketing : KDP Groupe (Emilio, Koodpo), Mediastay (Bananalotto, Kingoloto), Etoile Media Group (Sky8), FLInteractive (Kalifoo), BJnet (123Loterie), ClicandPlay SARL (Cashpot), Directinet (Lotree)… Toutes sont des sociétés françaises, excepté Lotoprestige qui est immatriculée aux Iles Vierges. Ces sites de jeux gratuits à vocation promotionnelle sont financés en partie grâce à des partenariats avec des cyber-marchands qui achètent leur visibilité sur le site via des bandeaux publicitaires. Chaque fois qu’un joueur veut valider sa grille pour participer au tirage, il est obligé de cliquer sur un bandeau, ce qui le redirige automatiquement vers l’un des sites partenaires. Pour chacun de ces clics, la société organisatrice empoche entre 0,50 et 0,80 euro que lui reverse le site partenaire sélectionné par l’internaute.Autre circuit de financement, les fichiers des joueurs. Les sites de loterie en ligne collectent des données personnelles, autant de renseignements très précieux car ils sont en général assez fiables. Ces fichiers dans lesquels sont mentionnés la région, la ville, la tranche d’âge et même les goûts des membres inscrits, sont très recherchés par les sociétés d’études marketing et se monnayent facilement. Ces informations permettent également de mieux cibler les publicités affichées, ce qui fait augmenter le prix du clic. C’est avec ces revenus que les sites achètent les cadeaux mis en jeu et qu’ils s’assurent auprès de groupes d’assurances pour le paiement du gros lot.

Objectif : fidéliser la clientèle

Concernant les chances de gagner, chaque loterie a son propre fonctionnement, ce qui ne permet pas d’effectuer des calculs de probabilité pour comparer les meilleurs rapports d’un site à l’autre. Les tirages sont quotidiens, pour faire fonctionner à puissance maximum l’usine à rêve, et offrent la possibilité de récolter des petits gains ainsi que toutes sortes de cadeaux. Car le principal souci des sites est de fidéliser leurs joueurs : petits chèques, goodies, points de fidélité, parrainage rémunéré, etc. sont autant de techniques qui permettent de s’assurer de leur assiduité aux jeux et aux bannières publicitaires. Certains ont maintenant leur application sur smartphone pour être accessibles à tout moment de la journée. “ Il faut travailler tout le temps la fidélisation, chaque fois inventer de nouveaux jeux, trouver de nouveaux cadeaux. Comme c’est gratuit pour les joueurs, ils s’y retrouvent forcément ”, assure Éric Munz, PDG de KDP Groupe, une agence de marketing relationnel qui possède les loteries Emilio et Koodpo ainsi que la plate-forme de jeux Cmonjour. Il annonce cinq gagnants au jackpot de 100 000 euros sur les quatre dernières années pour l’ensemble de ses sites. Il faut savoir que les grosses sommes mises en jeu ne sont pas reportées si elles ne sont pas gagnées et doivent être partagées si plusieurs personnes trouvent les bons numéros. Évidemment, comme tout jeu de hasard, la probabilité de gagner le gros lot demeure très faible.Pour Éric Munz, les loteries sont évidemment en plein dans la légalité : “ Nous sommes dans le périmètre légal puisque nous proposons un jeu promotionnel gratuit sans obligation d’achat. Tous les tirages sont effectués sous contrôle d’huissier et la liste des gagnants est ensuite publiée sur nos sites ”. Et il assure que tous ses tirages s’effectuent bien dans les règles : “ Un huissier vient au bureau tous les jours et tire les numéros manuellement. ” Dans les faits, l’internaute doit s’en remettre au professionnalisme et à la probité de la société organisatrice… Difficile de vérifier en effet le déplacement quotidien de l’huissier. Sur d’autres sites, les numéros sont tirés de façon aléatoire par une application informatique développée en interne. “ L’huissier est une obligation, mais la plupart des sites ont seulement déposé le règlement chez l’huissier, ce qui n’est pas la même chose, pointe Maître Blandine Poidevin, avocate spécialisée en droit de l’Internet. L’intérêt du site est quand même d’avoir des résultats valables. Mais il est vrai que la vérification reste superficielle. Ce n’est pas aussi simple qu’une urne papier scellée. Quand ça se passe sur un support informatique, c’est beaucoup plus difficile pour un huissier de valider la fiabilité du tirage. ” Première vérification possible pour l’internaute : toutes les informations concernant le déroulement du jeu doivent être facilement et clairement accessibles dans le règlement que le site tient à la disposition des joueurs. Mais si des soupçons s’installent, ou en cas de litige ou de pratiques douteuses, le mieux à faire est d’en informer la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). L’organisme stipule que les loteries sont également soumises à la réglementation sur les pratiques commerciales déloyales (art L. 120-1), trompeuses (art. L. 121-1) et agressives (L. 122-11). Ainsi, que ce soit dans la publicité ou dans la réalisation effective du tirage, toute information communiquée au consommateur et qui se révélerait fallacieuse ou fausse constituerait une pratique commerciale trompeuse. Il en est de même pour le fait de stipuler dans le règlement que les coordonnées des joueurs ne seront pas divulguées, alors qu’elles sont vendues à des tiers, ou encore de présenter le tirage comme étant contrôlé par un huissier alors qu’il ne l’est pas ou d’annoncer des gains qui ne seraient jamais distribués… S’il y a un conseil à retenir, que les internautes oublient souvent, c’est de lire attentivement ce qui concerne l’utilisation des données personnelles. L’objectif d’une loterie est de collecter des adresses et de les commercialiser, les sites ne s’en cachent pas. Et dès lors que le joueur a accepté de participer à un jeu gratuit, la contrepartie est d’autoriser ces sociétés à exploiter ses données. Certains sites se réservent même le droit d’utiliser le nom et l’image des gagnants à des fins publicitaires. Mais sachez que le joueur dispose à tout moment d’un droit d’accès, d’opposition et de rectification sur les données personnelles qu’il a fournies, conformément aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Peu de plaintes ?

Le site LesArnaques.com a reçu quelques plaintes formulées par les joueurs en colère, du genre : “ Je n’ai jamais reçu mon lot ”, “ Mon chèque ne m’a jamais été envoyé malgré mes nombreuses relances au site ”, “ Près de 10 % des gagnants viennent du 5e arrondissement de Marseille, les tirages sont truqués ”, “ Le nom d’un même gagnant apparaît trop souvent ”. Ainsi le site Bananalotto a été épinglé pour non-reversement de gains suite à des plaintes récurrentes. La responsable juridique des Arnaques.com met les internautes en garde : “ Le site doit communiquer le règlement par écrit sur demande avec mention des coordonnées de l’huissier de justice mandaté pour le bon fonctionnement des jeux. Les sites sérieux publient leurs comptes chaque année. Il suffit de les consulter ”. Parmi les arnaques aussi : certains sites proposent un système d’abonnement (5 à 15 euros par mois) pour doubler ses gains. Cette pratique est parfaitement illégale ! Refusez de payer quelque somme que ce soit pour participer à un tirage au sort. “ Dès lors que la nature du jeu est mixte ? gratuite ET payante ? cela donne un caractère payant au jeu. Nous sommes dans le cas d’une interprétation extensive de la loi ”, précise maître Poidevin. L’Arjel (l’Autorité de régulation des jeux en ligne) peut intervenir si des sites contournent la loi en tentant de faire payer ce type de services. Enfin, la meilleure façon de vous protéger est peut-être d’arrêter de jouer sur des sites où vous ne gagnez jamais…

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Frédérique Crépin