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L’IPcalypse est proche

L’apocalypse des IP est annoncée : Internet ne peut plus disposer de nouvelles adresses. Mais la relève technologique est assurée. Ou presque !

L’informatique est déjà une technologie survivante. Au passage à l’an 2000, un bogue devait terrasser quantité d’ordinateurs. Et puis… il ne s’est pas passé grand-chose. Aujourd’hui, c’est pour Internet que l’on craint. Car un signal d’alarme a bel et bien été tiré : le 3 février 2010, les cinq derniers blocs d’adresses IPv4 ont été attribués par la Haute Autorité de l’Internet, l’International Assigned Number Authority (IANA). En clair, il n’y a plus d’adresses Internet supplémentaires en stock.Mais de quoi parle-t-on ? Lorsque vous affichez un site Web, votre PC communique avec un ordinateur distant, un serveur sur lequel sont hébergées les données. Textes, images, vidéos… tout est tronçonné en une myriade de fragments ne dépassant souvent pas 1 500 octets, ce qu’on appelle des paquets de données. Un en-tête est ajouté à chacun d’eux, comportant les indications nécessaires à leur transport sur le réseau et au réassemblage final de l’information chez vous. A l’intérieur figurent l’adresse de l’émetteur et celle du destinataire. Cette dernière est nécessaire pour que le message arrive à bon port. Ces adresses Internet sont des groupes de trois chiffres et un chiffre séparés de points, 194.2.222.1 par exemple.Chaque appareil connecté à Inter net nécessite une telle adresse, unique, pour communiquer. L’ensemble des règles qui régissent l’adressage ainsi que le bon aiguillage des paquets est ce que l’on appelle un “ protocole de communication ”. Celui que l’on utilise aujourd’hui s’appelle IPv4, c’est-à-dire Internet Protocol version 4. Et il date… de septembre 1981. Une époque où la fulgurante progression était imprévisible, ce qui explique qu’une grave erreur de dimensionnement a été faite lors de son élaboration.Le système a été codé en réservant 32 bits pour les adresses, ce qui permet 4,3 milliards de combinaisons différentes. “ C’est assez pour faire une expérience ”, avait déclaré Vint Cerf, l’un des fondateurs d’Internet. “ Le problème, c’est que l’expérience ne s’est jamais arrêtée ”, a-t-il ajouté depuis.

La succession à l’IPv4 est prévue depuis 1990

Au début, le nombre d’adresses disponibles semblait d’ailleurs tellement large qu’elles ont été attribuées par l’IANA par paquets de seize millions ou de 65536 aux entreprises…Mais avec l’explosion d’Internet, les besoins ont commencé à se faire sentir. Dès le début des années 90, des travaux ont été entrepris pour bâtir la succession, IPv6 (la version 5 n’ayant jamais abouti), finalisée en décembre 1998. Cette fois-ci, les adresses sont codées sur 128 bits. Ce qui donne un stock d’adresses de 2 à la puissance 128… c’est-à-dire 340 suivis de 36 zéros ! La pénurie est impossible : il n’y a pas assez de place sur terre pour autant d’appareils, même minuscules. IPv6 incorpore de plus des améliorations concernant la sécurité du transfert des données et son aiguillage.Le hic ? IPv4 et IPv6 ne sont pas compatibles ! Un ordinateur avec une adresse IPv4 ne voit pas celui qui a une adresse IPv6 et vice versa. Et les matériels (routeurs) qui gèrent IPv4 ne gèrent pas IPv6, à moins d’avoir été spécifiquement conçus pour cela. IPv4 et IPv6 sont, de fait, deux Internet séparés ! Pour évoluer, il faut donc une phase de transition, au cours de laquelle tous les appareils disposent de deux adresses, une IPv4 et une IPv6. Ce qui permettrait aux machines n’ayant qu’une adresse IPv6 de communiquer avec tous les autres. Puis on pourrait éteindre petit à petit l’antique IPv4. Mais cette transition douce, prévue en 2000, n’a pas fonctionné.

Le nombre d’internautes en IPv6 est très faible

Certains ont joué le jeu. Par exemple, le système de nommage d’Internet (DNS) géré par l’Icann (Internet corporation for assigned names and numbers) gère IPv6 depuis 2004. Mais la plupart des acteurs industriels, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), face aux coûts de mise à niveau de leurs équipements et de leurs logiciels, n’ont pas suivi. En avril 2010, un rapport de l’OCDE estimait qu’entre 0,25 % et 1 % seulement des internautes utilisaient IPv6. Google, qui a mis en place un accès IPv6 à son moteur de recherche (http://ipv6.google.com), calcule qu’en février 2011, moins de 0,25 % des requêtes passaient par IPv6.Si les derniers stocks d’adresses IPv4 seront utilisés en Europe d’ici moins d’un an, la pénurie est bien plus proche en Asie du Sud-Est. Ce qui pourrait entraîner la création de sites joignables qu’en IPv6 !Heureusement, des solutions de transition existent : pour les abonnés à Internet, les FAI peuvent partager une adresse IPv4 entre de nombreux utilisateurs (technologie NAT), mais au risque de créer des engorgements et de rendre certaines applications Web inopérantes.Enfin, il est possible de “ simuler ” une connectivité IPv6 en utilisant uniquement IPv4, mais au détriment de la qualité. Bref, ce n’est plus une option : l’industrie d’Internet est contrainte de se mettre vite à IPv6. La bonne nouvelle ? Pour l’utilisateur, cette transition se fera de façon transparente et sans qu’il s’en rende compte. Et Internet sera ensuite paré pour affronter l’avenir

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Stéphane Viossat