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Les raisons du divorce entre EDF-GDF et IBM

EDF-GDF se tourne vers le tribunal de commerce de Paris afin d’établir les causes de l’échec du projet Optimia Cible.

Un mariage prometteur entre EDF-GDF et IBM dont le fruit devait être l’un des plus beaux projets informatiques français : Optimia Cible. Dans la corbeille des mariés : un contrat d’une valeur d’environ 1,5 milliard de francs. Un beau bébé pesant 40 millions de clients, 120 millions de factures, traitant 40 millions de contrats et 6 millions d’interventions techniques. La particularité de ce projet ? Etre le système informatique commercial qui projetterait l’entreprise publique dans le nouveau millénaire. Son but : mettre en ?”uvre une gestion spécifique de la clientèle EDF-GDF ou, autrement dit, établir une séparation entre ses services.Il s’agit d’une organisation radicalement nouvelle qui consiste à passer d’un système spatial, reposant sur le département, à une organisation en filières à structure verticale. Celle-ci s’articule sur les métiers et sur les réseaux capables de fidéliser une clientèle captive, de favoriser le développement de services commerciaux et de travailler sur l’historique de la relation clientèle, en mutualisant les supports informatiques et en créant une base de données unique.

Près de 2 MdF dépensés et huit ans d’efforts pour rien

Le contrat était clair : IBM devait réaliser une étude de faisabilité d’une durée de seize mois, avec obligation factuelle de la réalisation d’un site pilote. L’échéance était fixée à septembre 2000. Le 22 août 2000, le comité de direction générale d’EDF-GDF décidait l’arrêt immédiat d’Optimia Cible.La rupture entre EDF-GDF et IBM était consommée après huit années d’efforts dont quatre consacrées à l’étude de faisabilité avec IBM, et pratiquement 2 milliards de francs de dépenses. A l’origine de ce divorce fracassant, la valse des acteurs et le non-respect des délais, qui conduisent irrémédiablement à une dynamique contre-productive. Un cahier des charges qui s’amoindrit au fil du temps comme une peau de chagrin.Dans les années quatre vingt-dix, EDF-GDF décide de refondre son système lié à la clientèle. L’entreprise publique fait appel à Andersen Consulting qui conceptualisera l’ensemble du projet. La SSII propose alors la mise en place d’Optimia niveau 1 (toujours en production actuellement), qui sera une interface de type GUI reposant sur une architecture client/serveur. Ce système devait maintenir les anciennes applications tout en introduisant de nouvelles. Cet ensemble constitue une étape intermédiaire en attendant Optimia Cible.

Optimia Cible devait être généralisé à partir de 1997

En 1996, EDF GDF lance un appel d’offres pour Optimia Cible. A partir de ce moment commence la valse à deux temps, puis à trois temps… Cap Gemini est retenu comme maître d’?”uvre avec Bull, mais ce dernier ne convient pas à EDF-GDF. On le signifie à Cap Gemini, qui présente alors IBM comme sous-traitant. Le nouveau couple entre en scène ! Coup de théâtre… deuxième semestre 1997, Cap Gemini jette l’éponge : “projet trop complexe, trop ty- pé…“, l’aventure a coûté la bagatelle de 500 millions de francs ! Dès lors, IBM devient maître d’?”uvre. Le projet suit son cours à telle enseigne qu’en avril 1998, lors de la réunion du comité d’administration d’EDF, la poursuite du projet est décidé avec avis favorable. IBM confirma la faisabilité tant sur les délais que les coûts. Mais, en juillet 2000, IBM est obligé de demander un délai et un financement supplémentaires.Après un mois d’analyse, EDF-GDF estime qu’il est impossible de poursuivre, et décide de mettre fin au contrat. Force est de constater que depuis 1996, les délais de mise en ?”uvre connaissent une inflation galopante. Il y a ici une impossibilité presque structurelle à coller au cahier des charges. Il était prévu le calendrier suivant : la généralisation du niveau 1 de septembre 1995 à septembre 1996, l’installation du produit sur un site pilote au 1er trimestre 1997 et le démarrage de la généralisation d’Optimia Cible à partir de 1997.Nombreuses sont les hypothèses sur les raisons de ce divorce. Le 20 mai 2000 à 13 h 59, l’agence Reuter annonce que le groupe Vivendi serait sur le point de céder à EDF 34 % de Dalkia, filiale spécialisée dans les services énergétiques. Ceci aurait-il pu avoir un impact sur la stratégie d’EDF ? Avec l’ouverture du marché à la concurrence, EDF et GDF disposeront de services clientèle distincts. Cette séparation est-elle compatible avec l’existence d’Optimia Cible ? La concurrence internationale des producteurs d’énergie en Europe, et notamment sur le marché français, a-t-elle pu avoir un quelconque impact sur l’attitude d’IBM ?Les directions de la communication des deux protagonistes semblent opter pour la loi du silence… La bataille d’experts qui va s’engager devant le tribunal de commerce de Paris aura des répercussions sur l’établissement des responsabilités d’une telle gabegie, mais surtout, à terme, sur le marché public de l’énergie en France.

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Michel Derczansky