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Les opérateurs télécoms, constamment sur la sellette

Pour les entreprises, entretenir la compétition entre opérateurs assure une qualité de service et des tarifs satisfaisants. Une attitude renforcée par les nouveaux services d’interconnexion, à l’heure où elles migrent vers les VPN et la voix sur IP.

En matière de services de télécommunications, le meilleur moyen d’être bien servi est de placer les opérateurs en situation de concurrence permanente. Témoin la stratégie adoptée par Agri-Naples, un groupement d’industries sucrières, dont la facture téléphonique annuelle atteint 1 million de francs. “J’ai un contrat résiliable à un mois auprès de WorldCom ; autant dire que les opérateurs ont tout intérêt à être réactifs “, martèle Michel Jariel, son responsable télécoms, qui précise : “Le réseau de France Télécom sert de secours et achemine aussi nos appels entrants. “” Gérer plusieurs opérateurs n’est pas l’idéal, mais cela met sous pression celui qui possède le contrat principal. Si tu veux la paix, prépare la guerre ! “, renchérit Samuel Barbaud, de la direction des systèmes d’information du groupe Cartier, dont le budget télécoms pèse 10 millions de francs.Conserver France Télécom est une attitude classique : “Kaptech a installé sa tête de réseau chez nous, mais France Télécom sert de backup et pour les appels entrants “, confirme Lionel Mortureux, responsable de compte chez LCI Vision, prestataire de services de visioconférence. Cette PME règle une facture téléphonique d’environ 100 000 F ht par an. Maintenir l’opérateur historique pour les appels entrants présente également l’avantage de garder les mêmes numéros de téléphone.“Sans la présence de France Télécom, notre contrat à un mois auprès de WorldCom ne serait plus crédible “, avoue Michel Jariel. Si Agri-Naples avait adopté les numéros d’appels proposés par WorldCom, tout changement d’opérateur serait délicat car la portabilité du numéro n’est encore qu’un doux rêve ! “Aujourd’hui, on zappe d’un opérateur à l’autre. Demain, avec la présélection, il n’est pas évident que ce soit encore possible “, avertit Bernard Dupré, délégué général de l’Association française des utilisateurs du téléphone et des télécommunications (Afutt).

Manque de maturité chez les nouveaux entrants

En attendant, la remise en question des contrats télécoms va bon train. “Le marché bouge vite. Nous venons de lancer un nouvel appel d’offres à la fois pour la téléphonie et les données ?” la facture totale est de 2 millions de francs ?”, et nous sommes en discussion avec Colt “, résume Michel Jariel, qui, jusqu’alors, s’appuyait sur Cegetel et Equant pour les réseaux de données. “Nous basculons sur l’opérateur qui fournit le service au moindre coût “, insiste Lionel Mortureux.Mais, l’attitude des entreprises s’est infléchie depuis les débuts de la dérégulation : “Elles s’assurent de la pérennité de l’opérateur tout autant que du meilleur tarif “, analyse Renaud Jahan, directeur de projet chez Siticom, un cabinet de consultants dans les télécoms. Des simulations tarifaires sont toutefois indispensables car, “à cause du crédit-temps, la facture peut être de 40 à 50 % plus élevée que prévu “, prévient-t-il. S’il est souple, l’opérateur supprimera alors le crédit-temps sur les destinations où les conversations sont brèves.L’arrivée des nouvelles technologies de raccordement intensifie aussi la concurrence : “La boucle locale radio permet de faire pression sur les opérateurs de réseaux métropolitains. Elle est surtout intéressante en province. En termes de service, elle est également plus flexible, et la réactivité est meilleure lorsqu’il s’agit de modifier le débit de la ligne “, souligne Samuel Barbaud. En revanche, “on note un manque de maturité des nouveaux entrants dans le domaine de l’ADSL. Ils effectuent de la simple revente et manquent de personnel qualifié, ne serait-ce que pour installer un coupe-feu “, déplore-t-il.Dans le même temps, d’anciennes technologies connaissent une nouvelle jeunesse : “Les faisceaux hertziens assurent un déploiement rapide et une baisse des coûts. Nous nous sommes adressés à BreezeCOM, qui gère un tel réseau sur Paris. Cela offre des accès à 6 Mbit/s “, détaille Samuel Barbaud.

Une qualité de service difficile à contrôler

Une fois le réseau déployé, contrôler la qualité de service fournie par l’opérateur reste toutefois problématique. “On dispose de peu de moyens de contrôle “, estime Jean-François Huet, responsable informatique de CSEE Transport, dont la facture télécoms s’élève à 1,2 million de francs. “De toute manière, les pénalités sont sans commune mesure avec le préjudice subi en cas de non tenue des contrats de service “, reproche Samuel Barbaud. “La relation avec l’opérateur doit reposer sur la confiance. S’il faut contrôler toute sa prestation, c’est un gâchis d’énergie et un échec “, estime Renaud Jahan. Tout peut, en effet, aller pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles : “Nous n’avons pas d’outils pour mesurer la qualité de service, car nous n’avons jamais eu de problème particulier “, explique, par exemple, Christophe Ramon, directeur informatique du groupe Roullier, fournisseur de produits de fertilisation et d’agro-alimentaire. Ce groupe vient de décider de basculer son réseau Frame Relay sur un VPN-IP régi par MPLS, afin d’améliorer le maillage intersites. Il conserve le même opérateur, France Télécom, via ses filiales Transpac et Global One.

Une qualité au coût excessif

Seule une garantie de temps de rétablissement (GTR) de quatre heures a été souscrite pour les sites centraux. Mais tout n’est pas rose pour autant : “À plusieurs reprises, notre opérateur profitait de ces quatre heures de GTR pour mettre à jour ses équipements. En conséquence de quoi, nous n’avions droit à aucune compensation “, explique Jean-François Huet. Dès lors, la société a basculé chez un concurrent.Mais, les acteurs établis facturent parfois la qualité à un coût excessif : “Nous déployons un VPN-IP à l’échelle mondiale. Il est difficile de trouver un opérateur international qui ait aussi un bon niveau local. En particulier, il ne saura pas gérer les boucles hauts débits. En outre, en Amérique du Sud, par exemple, nous nous sommes aperçus qu’un FAI local fournit un accès en VPN-IP avec un délai de traversée de 100 à 150 ms en aller-retour. L’offre d’Equant est trois fois plus coûteuse pour un temps de réponse à peine meilleur “, constate Samuel Barbaud.Qu’en est-il de la facturation ? Les nouveaux entrants se distinguent : WorldCom livre une facture numérique, tout comme Kaptech. Lionel Mortureux intervient : “Kaptech fournit, en outre, le logiciel pour analyser la consommation.” France Télécom en est resté au papier.Par ailleurs, l’arrivée de la téléphonie sur IP bouleversera-t-elle les télécoms d’entreprise ? “J’en attends des économies “, réagit Michel Jariel.Samuel Barbaud pointe un autre atout : “La téléphonie sur IP amènera une baisse des coûts d’exploitation car un seul tuyau transporte aussi bien la voix que les données. Mais cela ne sera sensible que dans quelques années.” Il poursuit : “Les prix des communications longue distance ont beaucoup baissé. Pour les appels locaux, cela peut être plus intéressant. Mais, il faudra augmenter la taille des tuyaux car la voix (et surtout la visioconférence) sur IP sont consommatrices de bande passante.”Il ajoute : “Nous testons la voix sur IP entre certains sites de la région parisienne, sur notre réseau loué auprès de Colt.” Les premiers essais ont montré les inconvénients de ces téléphones IP. Selon Samuel Barbaud, “il y a moins de services qu’avec le téléphone classique “. Sur un site pilote, Cartier a déployé cent quarante postes téléphoniques IP. Sur les sites qui démarrent, la migration vers IP est plus simple. Une nouvelle agence de huit cents personnes devrait être équipée.Cette démarche exploratoire, réalisée presque à l’insu de l’opérateur, Ludovic Moukoukenoff, directeur informatique de Paritel Télécom, l’a également entamée. Cette société spécialisée dans les services télécoms aux entreprises a déployé un VPN-IP loué auprès de Cable & Wireless, pour relier ses cinq sites français. “Nous avons mis en place la téléphonie sur IP entre nos sites de Courbevoie et de Pantin “, annonce-t-il. Pour cela, ses PABX sont équipés de cartes de communication H.323 ad hoc. Les conversations sont “paquetisées” pour être transférées sur le réseau IP. La voix sur IP prend ainsi corps sur le terrain.“Les VPN-IP permettent de déployer des réseaux IP sur des infrastructures partagées, créant ainsi des économies d’échelle, tout en préservant la qualité nécessaire à l’acheminement de la voix “, souligne Stuart Thorp, consultant de PA Consulting Group. Il ajoute : “Pour les opérateurs, les investissements en voix sur IP sont moins importants, et la rentabilité est meilleure. L’intégration devient plus simple pour des services tels que la messagerie unifiée, les centres d’appels Web, ou le commerce électronique avec interaction vocale.” Mais cette migration prendra du temps.En effet, selon Communication Management Association, seuls 5 % des entreprises croient au remplacement du réseau voix par Internet dans les deux ans.Le consultant note : “Les standards de voix sur IP (H.323, H.248, SIP ou MGCP) sont nombreux et ne sont pas acceptés de manière unanime par les équipementiers. Les opérateurs ont besoin de stratégies claires en matière de migration vers la voix sur IP. Ils doivent donc mettre en route, dès à présent, cette mutation.” À terme, un seul tuyau agrégera l’ensemble des flux d’information de l’entreprise. Une révolution qui est en marche avec la montée en débit des technologies de boucle locale xDSL : “Kaptech va bientôt installer une liaison xDSL à 8 Mbit/s dans nos locaux. Nous pourrons ainsi faire passer la voix et Internet sur ce lien” conclut Lionel Mortureux.

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La rédaction