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Les opérateurs internationaux, toujours sous pression

Telecom 99 a vu Global One et Concert se livrer bataille. Les grands opérateurs poursuivent, eux, leur guerre de position sur fond de rationalisation des participations minoritaires.

Genève, Hôtel des Bergues, dimanche 10 octobre 1999, 8 heures. Tiraillé entre ses trois actionnaires (Deutsche Telekom, France Télécom et Sprint) qui se lancent des invectives publiquement, tandis que certains de ses grands clients (Danzas, LVMH, Samsung et UPS) font part de leur mécontentement, Global One fait front. ” Nous sommes toujours là. ” Cette remarque préliminaire de Michel Huet, président du comité exécutif de Global One, fait presque figure de revanche. En effet, ce dernier, flanqué de ses deux directeurs généraux, Rex Stephenson et Fred Rucker, assume. Malgré les pertes récurrentes, le chiffre d’affaires qui ne décolle pas, les atermoiements des actionnaires, les repositionnements successifs et le scepticisme ambiant, aucune émotion ne transparaît sur le visage des dirigeants de Global One. D’une manière générale, Telecom 99 a marqué la fracture grandissante entre opérateurs historiques et nouveaux entrants (GTS, Level 3, Mannesmann ou Orange). Soucieux de se resituer les uns par rapport aux autres, les premiers se cherchent toujours une stratégie internationale, tandis que les seconds s’efforcent de se faire une place au soleil. Les absents, eux, tenaient également la vedette, à leur façon. Parmi ces derniers, MCI WorldCom (en passe de prendre le contrôle de Sprint, pour près de 130 milliards de dollars), mais aussi BT ou Equant. Autre curiosité : Deutsche Telekom et son stand impénétrable de plusieurs milliers de mètres carrés, accolé à ceux de France Télécom et de Global One.

Concert ne doute pas et Global garde la tête haute

Devant les incertitudes quant à l’avenir de Global One, AT&T et BT ont tenté de prendre l’avantage en dévoilant le lancement imminent des services internationaux de leur filiale commune Concert. Un profil d’entreprise très américain et un positionnement résolument agressif : Concert se donne volontiers le beau rôle. Il est vrai que l’enjeu est d’envergure pour ces deux opérateurs, puisqu’il s’agit du contrôle des grands clients internationaux d’AT&T, de BT, de France Télécom, de Deutsche Telekom et de Sprint. Pour y parvenir, les stratégies divergent franchement. Face à Concert, Deutsche Telekom et France Télécom ?” après la défection annoncée de Sprint ?” se disent prêts à voler de leurs propres ailes. Parmi les scénarios possibles, France Télécom privilégie ouvertement un rachat des parts de Deutsche Telekom et de Sprint dans Global One. De son côté, Deutsche Telekom se dit prêt à céder sa participation à France Télécom, pour peu que ce dernier lui en offre un bon prix. L’opérateur tricolore affirme qu’il est prêt à souscrire à cette démarche, qui pourrait prendre la forme d’une opération blanche. Concrètement, France Télécom envisage une prise de contrôle de Global One sans bourse délier en… renonçant aux indemnités consécutives à sa rupture avec Deutsche Telekom, parti convoler, sans succès d’ailleurs, avec Telecom Italia. Chez Concert, ces incertitudes font sourire. ” Concert pèse d’emblée près de 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires et réalisera 1 milliard de dollars de résultat net dès sa première année d’exercice “, assure David Dorman, son président. Une affirmation qui pourrait faire pâlir d’envie les dirigeants de Global One (qui affichait 1,1 milliard de dollars de chiffre d’affaires en 1998), si seulement on parlait de la même chose. De fait, AT&T et BT ont astucieusement apporté à leur filiale commune l’ensemble du trafic vocal international (environ 3,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel), ce qui lui donne un poids bien supérieur aux seules activités de Global One auprès des multinationales. Autre intérêt de ce montage, les marges confortables dégagées par les communications vocales, qui devraient permettre à Concert d’être immédiatement bénéficiaire, alors que le marché des services aux grandes entreprises est nettement moins profitable.

Des partenariats locaux semblent incontournables

” Même si le marché des services internationaux se consolide plus vite que prévu, nous demeurons idéalement placés, soutient Michel Huet. Nos concurrents sont très différents de nous : Global Crossing et MCI WorldCom se positionnent sur la bande passante, tandis que Concert privilégie la voix “, poursuit-il. Plaidoyer pro domo ? Pas seulement. Et Global One d’insister sur ses atouts : ” Nous sommes clairement leader dans le relais de trames ainsi qu’en matière de solutions IP. ” Autant d’affirmations auxquelles Concert répond en déclarant faire jeu égal grâce à son propre service de réseau privé virtuel (Concert Managed IP), disponible dans trente-cinq pays d’ici à la fin de l’année (une quarantaine de destinations pour Global One). Interrogé sur la meilleure couverture prêtée à Global One dans l’environnement IP, Concert répond que, ” à partir du moment où une vingtaine de pays contribuent à 90 % de l’activité mondiale, ce n’est pas la peine de se disperser aux quatre coins de la planète “. Alors, que penser, en définitive, de tout ce remue-ménage ? ” Global One a des clients, des services et un bon réseau. Pour le reste, son portefeuille de produits est similaire à celui de Concert “, répond Audrey Mandela, consultante indépendante et ancienne analyste vedette du Yankee Group. Et cette dernière de donner un léger avantage à Concert en termes de voix sur IP, tout en soulignant qu’à l’exception des Etats-Unis Global One est plutôt mieux loti sur le plan géographique. Il n’empêche, et compte tenu du désengagement en cours de Sprint, la faible présence de Global One aux Etats-Unis constitue une faille évidente. ” Les grandes multinationales sont aux Etats-Unis “, insiste Audrey Mandela, pour qui un rapprochement avec un partenaire américain ?” pas nécessairement un opérateur d’ailleurs ?” est inévitable. Autre élément à prendre en considération : la distribution. Une dimension sur laquelle Concert, à l’exception de ses trois cents grands comptes gérés en direct, projette de mettre l’accent, en recrutant localement des distributeurs supplémentaires (actuellement une cinquantaine dans le monde), notamment des revendeurs à forte valeur ajoutée, pour renforcer sa présence auprès des ISP. La stratégie de distribution de Concert soulève du reste un problème spécifique dans l’Hexagone, où Cegetel, son distributeur exclusif, se retrouve marginalisé vis-à-vis d’Ipulsys, une offre de services IP que son partenaire Mannesmann vient de lancer à l’échelle européenne. De fait, Cegetel devrait se contenter d’une prestation de terminaison de trafic pour les clients d’Ipulsys implantés en France, afin de ne pas concurrencer Concert.

Les participations minoritaires ne font plus recette

Un phénomène qui montre bien les limites des tours de table des nouveaux entrants (en France, BT et Mannesmann détiennent respectivement 26 % et 15 % de Cegetel). Et de nombreux observateurs de prédire une remise à plat complète de leur actionnariat à court terme. Dans ce contexte, le groupe Bouygues a d’ores et déjà pris les devants, et contrôle désormais plus de la moitié du capital de sa filiale Bouygues Telecom. De même, France Télécom s’apprête à acquérir 77,5 % d’E-Plus, quatrième opérateur cellulaire allemand, ce qui devrait lui laisser les coudées franches. Inversement, sa participation minoritaire (20 %) dans l’opérateur grec Panafon est en cours de cession. Un mouvement de fond qui, sans attendre l’arrivée de l’UMTS, risque de faire voler en éclat de nombreux partenariats en Europe. ;

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par Henri Bessières