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Les hautes technologies, un vivier plutôt limité

Si le retour des ingénieurs français de la Silicon Valley n’est pas nouveau, il s’est toutefois amplifié avec le retournement de conjoncture. L’indicateur informel que représente…

Si le retour des ingénieurs français de la Silicon Valley n’est pas nouveau, il s’est toutefois amplifié avec le retournement de conjoncture. L’indicateur informel que représente l’école franco-américaine de Palo Alto, où une bonne partie de la communauté française de la high-tech californienne met ses enfants, est en cela révélateur.” Les nouveaux sont moins nombreux que l’an dernier “, constate Sylvie Bertet, responsable des ins-criptions. Une grande partie des ingénieurs français de HP ?” environ deux cents, qui constituaient le plus gros de la clientèle de l’école ?” rentrent en France. Il y a un an à peine, le constructeur américain les recherchait à grand renfort de prise en charge du loyer, de l’école, du transfert, etc. ” J’ai fait mon temps, et mes enfants préfèrent rentrer, explique Christian Gresset, qui représentait HP chez Microsoft, à Redmond. Et je ne suis pas le seul. Beaucoup de mes collègues français reviennent dans l’Hexagone pour occuper des postes de management et renforcer les équipes locales “, poursuit-il. Chez Sun, qui a également fait migrer beaucoup de Français ces dernières années, la tendance est la même.

Les hautes technologies, un vivier plutôt limité

Reste que, au-delà des effets de con-joncture, aucune donnée précise n’était disponible sur les mouvements ou les motivations des Français inscrits au consulat de San Francisco. C’est ainsi que, fin 2000, ce dernier a enquêté auprès de ses ressortissants. Il en résulte qu’environ quarante mille Français au total vivraient dans l’Ouest américain, dont vingt-cinq mille dans la Silicon Valley, toutes professions confondues. L’étude met à jour assez clairement un nombre plutôt limité de ces derniers dans les sociétés de haute technologie. Stéphane Raud, responsable de l’enquête, précise : ” Compte tenu de l’échantillon observé, nous avons pu estimer qu’entre quatre mille et cinq mille Français de la Silicon Valley travaillent dans le secteur des nouvelles technologies de l’information. Soit un cinquième de la population française locale. ” Les dernières statistiques officielles montrent que, sur les quatre mois d’octobre 1999 à février 2000, mille deux cent quatre visas de travail H1B ont été délivrés par les autorités américaines à des Français non-immigrants, et que plus de la moitié d’entre eux portaient sur des emplois liés à l’informatique.L’enquête permet aussi de saisir un peu mieux l’impact qu’a eu internet sur les cadres français pour la seule Silicon Valley. Tout d’abord, il est préférable de posséder un diplôme d’ingénieur ou scientifique pour y travailler. En effet, il apparaît que 45 % sont ingénieurs, 34 % viennent des grandes écoles (X, Centrale, les Mines, Ponts Télécom, Supélec), et 23 % d’une filière technologique universitaire. A la suite d’un complément d’études, beaucoup (environ 25 % de l’échantillon) se sont ins-crits dans une université de la région ?” Stanford, le plus souvent. Ils ont ainsi pu être embauchés dans une entreprise après leur diplôme ou un passage plus ou moins long dans un laboratoire de recherche. Par exemple, Alain Rossmann, à Stanford en 1983, s’est fait débaucher par Steve Jobs, qui constituait son équipe pour lancer le Macintosh. Aujourd’hui encore, cette filière permet, en général, une intégration plus douce. Elle offre une première possibilité de constituer son réseau de contacts, l’une des clés de la réussite professionnelle dans cette partie du monde. Que ce soit par leur formation ou par le secteur dans lequel ils travaillent, on constate que l’informatique, les télécoms, l’électronique et le multimédia sont omniprésents chez les Français de la Silicon Valley. Créée il y a sept ans, DBF, une association informelle qui les regroupe, se réunit tous les mois. Les discussions ne s’écartent guère de l’informatique. Bon nombre voient dans la Silicon Valley une terre d’opportunités et se disent parfaitement intégrés au mode de vie américain. Pourtant, la grande majorité reste de deux à cinq ans et rentre en France, invoquant le plus souvent leur volonté d’élever leurs enfants dans la culture française.

Un profil particulier pour réussir, et pour vivre…

A croire Philippe Sauvage, jeune ingénieur actuellement en stage de fin d’études chez Viventures, le fonds de capital-risque de Vivendi dans la Silicon Valley : ” Il faut un profil spécial pour vivre, entreprendre et réussir dans la Silicon Valley. C’est dur, parce qu’il faut énormément travailler ?” la vie y est très chère ?”, mais il faut aussi pouvoir s’intégrer dans le réseau local des businessmen américains. Et c’est là qu’un certain nombre de clivages culturels très subtils interviennent. ” Pierre de La Salle, arrivé il y a douze ans, a ainsi décidé de retourner en France. Ancien ingénieur chez HP, il a créé deux sociétés, dont une dotcom dans le secteur médical. Il compte revenir pour faire profiter de jeunes sociétés françaises de son expérience et de son réseau. ” Lors de mes premières discussions d’embauche en France, dit-il, je me suis rendu compte qu’on ne parlait pas vraiment le même langage. Mais les conceptions et l’approche du management sont très différentes et valorisantes. “Côté évolution, l’enquête relève en effet que, après quelques années de travail comme développeurs, chercheurs ou dans des fonctions techniques, les Français s’orientent progressivement vers la gestion, le marketing ou le business qui les éloignent de leur formation d’origine. Il semble que beaucoup, arrivés assez jeunes dans la Silicon Valley avec un fort bagage technique, se découvrent d’autres centres d’intérêt. Et c’est souvent à cette étape de leur carrière qu’ils souhaitent rentrer en France. Après s’être frottés à plusieurs métiers, ils envisagent un retour qui ne soit pas interprété comme un échec par leurs futurs collègues, mais plutôt comme une possibilité de les faire profiter des nouvelles pratiques managériales qu’ils ont acquises là-bas, ainsi que de leur ouverture d’esprit, leur carnet d’adresses et leur maîtrise parfaite de l’anglais.

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Alain Baritault