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Les grands distributeurs s’accrochent à leurs galettes

Assis sur leurs piles de CD, les Carrefour ouWal-Mart, regardent encore de haut les projets très virtuels des maisons de disques. Pourtant la menace est là : enseignes spécialisées et cybermarchands restent à l’affut de la technologie qui emballera le marché de la distribution numérique.

Les loups de la production sont entrés dans la bergerie, et les brebis de la distribution ne se laisseront pas dévorer. Du moins l’espèrent-elles. Non contents d’avoir déjà englouti une majorité de labels, au point de représenter à eux cinq aujourd’hui près de 80 % de la production musicale mondiale, les ” Big Five “?”Sony, Vivendi Universal, BMG, EMI, AOL-Time Warner ?” ne cachent plus leur dessein : s’octroyer le marché de la distribution numérique de musique.Seulement, les distributeurs historiques ont leur mot à dire. “ Ils sont contraints par des coûts fixes difficilement compressibles liés à leurs implantations physiques, précise Jean-Daniel Pick, associé-gérant du cabinet OC & C Strategy Consultants. Ce qui veut dire qu’une diminution, même infime, de leur chiffre d’affaires peut mettre considérablement à mal leur rentabilité. ” Mais pour l’heure, aux États-Unis, les initiatives de la grande distribution se cantonnent aux effets d’annonce. Le leader mondial du secteur, l’américain Wal-Mart ?” qui, avec un chiffre d’affaires de 191,3 milliards de dollars (225 milliards d’euros), serait, selon le magazine Fortune, le deuxième groupe mondial tous secteurs confondus ?” pourrait passer à l’offensive avec Amazon. Ce dernier pourrait assurer la gestion technique du nouveau site Walmart.com incluant, selon certains, un service de vente de musique par téléchargement.

Auchan indifférent, Carrefour calme

Plus concret, le réseau de distribution spécialisé Best Buy, leader sur son secteur aux États-Unis avec un volume d’affaires de 15,3 milliards de dollars en 2000, vient de s’allier avec Rioport.com pour vendre de la musique sur son site d’e-commerce, Bestbuy.com. Le visiteur sera invité à régler de 50 cents à 2 dollars pour l’achat d’un single, ou de 12 à 16 dollars pour un album complet, Rioport étant la seule société du net à avoir su nouer des accords commerciaux avec les cinq majors pour diffuser leur catalogue. Dans la grande distribution, les hypermarchés réalisent, à l’échelle française, plus de 40 % des ventes de disques. Auchan, dont la part de marché en magasin sur le créneau de la musique approchait les 10,5 % en 1999, ne manifeste pas actuellement d’intérêt pour la distribution numérique. Tant mieux pour les autres.Chez Carrefour, deuxième groupe mondial de distribution, avec une part de marché française proche des 13 %, on envisage la distribution de musique numérique avec quiétude, sans empressement. “ Le nombre d’internautes progresse lentement, et c’est pourquoi, nous restons très prudents face aux perspectives de la distribution musicale numérique“, explique Guy Paillaud, le directeur exécutif de Atcarrefour, la division chapeautant les activités internet du groupe. Néanmoins, le deuxième distributeur mondial lancera à la fin du mois de juillet un site consacré aux produits culturels, carrefourculture.com. “Schématiquement, en magasins nous distribuons le top 50. Avec internet, nous devenons multispécialiste “. Quant à la forme de distribution, elle se cantonnera, dans un premier temps, à la vente de CD en ligne. Car les discussions avec Pressplay ou Music Net n’ont pas encore commencé “ mais restent ouvertes. Et s’il faut créer un joint-venture avec eux, nous sommes prêts“. Le message est passé.

Téléchargement gratuit à la Fnac

La Fnac a voulu tirer la première en mettant en ligne son kiosque de distribution numérique en mars dernier, la Digi Fnac. “Nous avons enregistré 10 000 ouvertures de comptes“, se réjouit Zara Zafimehy, le responsable de la stratégie et du développement de la distribution électronique de la Fnac. Ce qui paraît encourageant en deux mois d’exploitation. Seulement, les fichiers proposés en téléchargement sont tous gratuits, l’offre payante ayant “ pris un certain retard à l’allumage“, reconnaît-il. Le catalogue actuel se compose de 80 morceaux. Demain, ” dans quelques semaines “, la Fnac commercialisera tout ou partie d’une base de 2 000 titres musicaux provenant du catalogue des grandes maisons de disques. Parmi les partenaires figurent EMI et Virgin ou, côté indépendants, Wagram et Pias. Cette initiative ne risque-t-elle pas de menacer une possible entente avec Music Net ou Pressplay, des systèmes concurrents du kiosque de ” l’agitateur d’idées ” ? “ Nous prenons des positions fortes auprès des consommateurs tandis que les éditeurs essayent d’avancer sur leurs projets“, estime le directeur général de Fnac Direct, Jean-Christophe Hermann. Pour lui, “Music Net et Pressplay seront obligés de se rapprocher de nous quand ils seront prêts et nous nous adapterons.

Du côté des presseurs

En attendant la dématérialisation complète de la distribution, l’offre de transition entre le modèle de vente physique et le modèle virtuel passera par le CD à la demande. Philippe Thorel, le directeur général de MPO Online, la division en charge des activités internet de MPO, premier presseur de CD en France (80 % de part de marché) en est certainement le plus farouche défenseur à ce jour. Ainsi, à compter du 18 juin, “Alapage [groupe Wanadoo, ndlr] proposera à ses internautes une offre de CD à la demande sur un catalogue d’artistes connus des majors alliés dans le projet Music Net “. Les CD seront proposés à 18,3 euros (120 francs) pour douze titres, avec la possibilité de personnaliser le visuel, le nom de la compilation, son propre nom, celui du destinataire… La sélection de titres est réduite à 100 tubes. La première application concrète des travaux entrepris par le joint-venture Music Net verrait ainsi le jour en France. Le premier pied de nez à l’entreprise Pressplay, initiée par Vivendi Universal. Les majors et des distributeurs sont toutefois engagés dans un pari ?” la dématérialisation de la distribution ?” à l’issue encore lointaine. Selon Forrester Research, les ventes de musique par téléchargement ont représenté 3 % des échanges commerciaux en ligne (118 millions d’euros) cette année, et devraient atteindre 22 % à lhorizon 2004. Autant dire que les linéaires des grandes surfaces ont encore de beaux jours devant eux.

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AMDL