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LEN : dernières retouches avant la version finale

La loi pour la confiance dans l’économie numérique est proche de sa version définitive. Les Sénateurs n’ont pas chamboulé l’esprit de la loi, même si certaines retouches risquent de faire du bruit.

Les sénateurs ont retouché quelques points de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LEN), sans en révolutionner le fond. Malgré tout, certains ajouts ou retraits vont faire couler de l’encre. A commencer par les
corrections apportées à la surveillance généralisée du Web et aux moyens d’action donnés au juge des référés (lire cet
article).Les points majeurs de la LEN peuvent encore faire l’objet de modifications, même si Patrick Devedjian, qui a succédé à Nicole Fontaine sur ce dossier complexe, a qualifié le texte du Sénat de ‘ quasi
définitif ‘
. C’est une commission mixte paritaire qui va plancher sur le texte final, avant un vote par les deux chambres, sans possibilité d’amendement sauf de la part du Gouvernement.Certaines associations continuent malgré tout de se mobiliser contre le projet de loi. C’est le cas de la ligue Odebi, par exemple, qui espère que la commission mixte paritaire reviendra sur certains points, comme le rôle de la justice
en matière de censure des sites Internet.Voici donc ce que sont devenus les principaux points de la LEN après le deuxième passage au Sénat.

La mention spéciale contre le piratage est maintenue

Les sénateurs ont conservé l’idée, en la reformulant, de faire figurer dans les publicités des FAI vantant les joies du téléchargement une mention ‘ facilement identifiable et lisible rappelant que le piratage
nuit à la création artistique. ‘

Les mesures contre le spam restent inchangées… même les ambiguïtés

Les sénateurs ne sont pas revenus sur la manière de réglementer la prospection commerciale par mail comme l’avaient fait les députés. Même l’ambiguïté concernant les fichiers loyalement constitués avant la loi demeure. Par un effet
rétroactif, les titulaires d’adresses pourtant collectées en toute légalité devront être sollicités, dans un délai de six mois après l’entrée en vigueur de la loi, pour confirmer ou retirer leur accord à l’utilisation de leur e-mail à des fins de
‘ prospection directe ‘. Or, selon l’Acsel, l’utilisation de cette expression précise n’oblige pas à demander l’autorisation d’utiliser des adresses loyalement collectées avant la loi dès lors qu’elles
figurent dans un fichier client.

Les collectivités territoriales confirmées comme opérateurs télécoms

Les sénateurs n’ont pas touché une virgule de l’article 37 bis A, qui modifie le code des collectivités territoriales. Ces dernières auront le droit d’établir et d’exploiter des infrastructures de télécommunications, et de les
mettre à la disposition d’opérateurs ou, chose inédite, d’utilisateurs finals.Elles ne pourront intervenir qu’en raison d’une carence en matière d’initiative privée, constatée par un appel d’offre infructueux. Certaines collectivités se sont plaintes du maintien d’une telle obligation. Cet article est malgré tout
une petite révolution dans le monde des télécoms.

Les dispositions télécoms renvoyées à l’examen du Paquet télécoms…

Au fil du temps et des amendements, la LEN est devenue un texte fourre-tout, empiétant même sur certains autres projets de loi. Ainsi, des amendements portant sur le contrôle tarifaire de France Télécom ont été insérés, alors que cela
concerne le projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, actuellement en discussion au Sénat.Les sénateurs ont donc toiletté la LEN pour éviter les collisions. Exit les articles télécoms de la LEN, dont l’article 37 sexies, qui laisse le champ libre à France Télécom en matière de tarifs pour les ‘ services
innovants ‘ et limite le pouvoir de l’ART. L’article 37 septies disparaît aussi. Il portait sur la tarification des numéros spéciaux (0800, etc.) depuis un téléphone mobile.

… sauf la tarification à la seconde

Toutes les dispositions télécoms n’ont cependant pas été évacuées de la LEN. Il en va ainsi de l’article 37 ter traitant de la tarification à la seconde en matière de téléphonie, qui a été maintenu, sans que l’on sache exactement
pourquoi. Les députés voulaient faire de la seconde l’unité de base du décompte des communications, en reprenant un article inspiré par l’UFC-Que Choisir.Les sénateurs ont renoncé à imposer cette pratique et à mettre fin au très polémique ‘ crédit temps ‘, préférant opter pour une tarification à la seconde optionnelle. Le nouvel article modifie le code de la
consommation et précise que tout opérateur de téléphonie devra proposer ‘ de manière équitable ‘ une offre de communication à la seconde dès la première seconde, ‘ hors
éventuellement un coût fixe de connexion ‘.

Cybercriminalité : toujours pas d’exception pour la recherche

L’article 34 de la LEN vise à créer une nouvelle infraction pénale pour ceux qui mette à disposition un équipement ou un programme permettant de commettre des infractions informatiques définies par le code pénal (entrer dans un
système, le modifier, le fausser, y introduire des informations, etc.). Avec cet article, détention et mise à disposition d’un tel dispositif sont passibles des mêmes condamnations que l’infraction elle-même.Le texte original de la LEN excluait explicitement du champ des sanctions pénales la recherche scientifique et technique, afin de permettre la publication de travaux portant sur la sécurité. Cette exception a disparu après la première
lecture au Sénat et n’est pas réapparue depuis.Les sénateurs ont même enlevé un alinéa, qui précisait que les sanctions ne s’appliquent pas s’il n’y a pas eu détention intentionnelle… Seul ‘ un motif légitime ‘ permettra de
posséder des informations sur des problèmes de sécurité, et de les mettre en ligne, par exemple. Le juge tranchera donc dudit motif.

La liberté de communiquer en ligne revue et corrigée

Les sénateurs ont, semble-t-il, voulu mettre de l’ordre dans la série de définitions contenues dans les premiers articles de la loi : beaucoup de déplacements de bouts de texte, de suppressions d’alinéas et de reformulations. Mais
le distinguo entre Internet et radio et télévision a été maintenu. La notion ‘ d’échange réciproque d’informations entre l’émetteur et le récepteur ‘
a été ajoutée. Si les sénateurs
ont retenu du texte des députés tous les cas où la liberté de communication en ligne pouvait être limitée (entrave à la liberté d’opinion et de pensée, défense nationale, dignité de la personne humaine, contraintes techniques…), ils en ont
trouvé un autre : ‘ la nécessité, pour les services audiovisuels de développer la production audiovisuelle ‘. Et pour que ce soit bien clair, la loi précise plus bas qu’il s’agit de protéger les
‘ ?”uvres audiovisuelles, cinématographiques ou sonores ‘.

Le vote électronique désormais soumis à un accord dentreprise

Le vote électronique pour les élections professionnelles avait été introduit par les députés en deuxième lecture. Les sénateurs le conservent mais y ajoute une condition : le vote électronique, même prévu par la loi, ne sera
possible en entreprise que si les partenaires sociaux ont, au préalable, conclu un accord sur le sujet.

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Guillaume Deleurence et Arnaud Devillard