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Le laser optique intègre la boucle locale

La communication par faisceau laser à l’air libre suscite aujourd’hui un regain d’intérêt. Elle existe depuis de nombreuses années mais elle reste une solution pratique et économique pour couvrir le ” dernier kilomètre “. De plus, elle bénéficie des progrès accomplis pour la fibre optique, ce qui lui ouvre la porte des très hauts débits.

Le laser (Light amplification by stimulated emission of radiation) est né dans les Bell Labs, des travaux de Charles H. Townes, d’Arthur L. Schawlow, et des recherches de John P. Gordon et de Henry J. Zeiger, tous inspirés par les théories d’Albert Einstein sur l’émission stimulée, et d’Alfred Kastler sur le pompage optique. D’autres scientifiques ont contribué à élaborer cette technologie qui connaît des applications dans un grand nombre de domaines.Un laser produit et amplifie un mince rayon de lumière cohérente. Le générateur est un cristal, un gaz ou un liquide dont les molécules et les atomes sont excités à une même fréquence, ce qui provoque une espèce de réaction en chaîne avec production in fine d’une radiation cohérente. Depuis le premier laser de laboratoire, construit en 1960, une large gamme d’appareils ?” de l’émetteur gros comme un grain de riz au système grand comme un immeuble ?” ont vu le jour pour répondre à des usages multiples, en laboratoire, dans l’industrie, et dans les domaines civil ou militaire. Constatant que l’on pouvait transporter de l’information dans un rayon laser, les techniciens ont cherché à développer des systèmes de communication avec un support optique comme la fibre de verre ou en laissant le rayon lumineux se propager librement dans l’atmosphère. Les deux techniques sont proches et s’enrichissent mutuellement des progrès réalisés, tel le multiplexage optique (ou DWDM).

Le laser redore son blason

Les équipements de transmission par laser existent depuis plusieurs années, mais ils étaient limités à un usage confidentiel. L’image de ce produit, selon laquelle il serait plus approprié aux courtes distances car pénalisé par les conditions atmosphériques et la pollution des villes, est en train de changer et on parle de réseaux urbains, capables de remplacer ou de compléter des infrastructures filaires ou hertziennes comme la BLR. Parmi les avantages indéniables avancés par les promoteurs du “laser sans fil”, on peut citer un excellent ratio économique comparativement à une liaison radio, puisqu’elle serait deux fois moins chère pour une bande passante qui peut être dix fois supérieure.

Des interfaces avec le réseau local disponibles

Dans le cas d’un réseau urbain, l’investissement peut être progressif avec une installation rapide de chaque liaison client (une heure). Enfin, avantage déterminant : le laser optique n’est soumis à aucune autorisation de l’ART.Les équipements modernes proposés par des sociétés comme Optical Access, GoC, Terabeam, LightPointe, Actipole, Canon, CableFree, Free Space Optics, ou encore, Optel et Canon, sont sensiblement conçus de la même façon. Une liaison se compose de deux boîtiers fonctionnant impérativement en vision directe et généralement en transmission bidirectionnelle, dite Full duplex. Chaque unité est installée sur un support stable sur le toit de l’immeuble. Elle est orientable en site et en azimut afin de faciliter l’alignement de la liaison qui s’effectue à l’aide d’un système de visée optique, associé ou non à l’appareil, ou grâce à un circuit voix.Le boîtier est un tronçon de tube ou un parallélépipède étanche qui comprend le système d’émission-réception optoélectronique et son électronique, ainsi que les connecteurs assurant l’interface avec le réseau local. Le système optoélectronique travaille avec des longueurs d’onde (785 ou 850 nm) voisines de celles des fibres optiques (850, 1 310 ou 1 550 nm). Il peut être doublé pour assurer une sécurisation parfaite des transmissions. Les lasers utilisés ont une puissance énergétique limitée pour éviter d’éventuelles détériorations de l’?”il humain. Leurs caractéristiques sont régies par le standard IEC 60825-1. Un bloc optique est disposé devant le laser pour concentrer le faisceau sur la cible, à l’émission, ou focaliser le faisceau à la réception.Les systèmes optiques utilisés sont du type lentille de Fresnel ou miroir de Newton, selon la liaison considérée et la performance requise. La face active du boîtier peut aussi être protégée par une glace autodégivrante, pour éliminer le givre ou la buée. Enfin, ces équipements peuvent être télégérés depuis un PC.Plusieurs constructeurs proposent aussi des équipements d’interface avec le réseau local d’entreprise, comme des routeurs, des multiplexeurs voix-données, la liaison avec le boîtier laser s’effectuant par le biais d’un câble optique. Le recours à un câble de ce type permet la mise en ?”uvre de système d’émission passif, qui se contente d’amplifier le signal reçu et de le transmettre.

Une remarquable sécurité des échanges

La météorologie et, dans une moindre mesure, la pollution atmosphérique sont des éléments perturbants pour la propagation des rayons laser. Les distances de liaisons sont d’environ 2 000 m au maximum dans les zones tempérées, 5 000 m et plus dans les zones sèches. La pluie, la neige et, surtout, le brouillard peuvent perturber les liaisons qui demeurent statistiquement opérationnelles plus de 99 % du temps. En France, on considère les valeurs d’atténuation de 3 dB/km pour la pluie fine, 17 dB/km pour la neige et 30 dB/km pour le brouillard. D’autres phénomènes, comme l’obstruction passagère par un oiseau ou un objet volant, peuvent rompre le rayon et occasionner des pertes d’information, automatiquement corrigées par les protocoles de communication utilisés. Les équipements d’émission-réception peuvent être installés à l’intérieur de bâtiments et transmettre au travers de panneaux vitrés. Si cette solution permet d’éviter l’installation des appareils à l’extérieur et de les protéger ainsi des agressions météorologiques ou autres, elle pénalise, en revanche, légèrement le bilan de liaison à cause de la réflexion du verre.Du point de vue de la sécurité, la liaison laser est particulièrement immunisée, ce qui explique son usage intensif chez les militaires, les organisations gouvernementales et les entreprises en quête de confidentialité. L’étroitesse du faisceau et son invisibilité dans l’air lui assurent une parfaite discrétion. L’interception du rayon sur sa trajectoire ou sa cible offre un risque qui ne peut, de toute façon, passer inaperçu pour l’opérateur puisqu’elle est synonyme d’une interruption de transmission. Sachant que le flux d’information ne peut être perçu par un mesureur de champ ou un analyseur de spectre, le pirate potentiel doit disposer d’un récepteur optique accordé sur la bonne longueur d’onde. Pour parer à cette peu probable possibilité, il existe des systèmes de cryptage qui assurent une protection absolue de la communication. Le laser possède une bande passante supérieure à celle des faisceaux micro-ondes. La plupart des équipements sont bidirectionnels (Full duplex) et associent dans le même coffret un émetteur à un récepteur. Nombre de systèmes gèrent plusieurs canaux de communication en multiplex, valable aussi bien pour les transmissions de données que pour les transmissions vidéo.Les liaisons de communication laser sont entièrement transparentes pour les protocoles réseaux et gèrent toutes les configurations. Les constructeurs proposent des produits d’interface correspondant aux standards du marché (10 à 100 Mbit/s sur paire torsadée ou fibre optique), Token Ring (4 ou 16 Mbit/s), FDDI (sur paire torsadée ou fibre optique), ATM 155 (sur paire torsadée ou fibre optique), Fibre Channel, et liaisons à canaux multiples de 2 Mbit/s. Ces solutions offrent l’interconnexion de réseaux locaux informatiques, et d’autocommutateurs répartis sur des sites distants. Les principaux constructeurs d’équipements de communication laser présentent des appareils modulaires qui autorisent une évolution en termes de débit et de nombre de canaux.Un système de transmission laser se compose de différents éléments. Une carte assure ainsi l’interface entre le système et le réseau local grâce à une connectique de type fibre optique, UTP ou BNC. Cette interface spécifie généralement le débit de données utilisées et peut être changée en cas de besoin pour passer à un train numérique supérieur. Le commutateur données-FM est, lui, le dispositif qui permet de basculer de l’état fonctionnel à l’état d’installation, si un générateur audio est employé pour faciliter la procédure d’alignement en établissant une communication phonique entre les installateurs des deux extrémités de la liaison. Les installateurs ont aussi recours à des systèmes de visée optique pour aligner les deux éléments de la liaison. Le modulateur laser, pour sa part, convertit le flux de données entrant en un signal qui module le laser selon le débit supporté par la carte d’interface. Cette fonction de modulation s’opère généralement par le biais du courant électrique, qui détermine directement la puissance d’émission du laser.Quant au laser, il produit un rayon lumineux infrarouge dans une bande de fréquences optique déterminée en fonction de la bande passante requise et de la distance couverte par la liaison. Pour des débits élevés, on se sert de lasers travaillant dans la bande de fréquences des 785 nm qui diffusent dans le domaine visible. Pour couvrir de longues distances, on privilégie plutôt la bande de fréquences des 980 nm.Pour des systèmes longue portée et hauts débits, on peut utiliser plusieurs sources laser couplées à l’émission.

Des dispositifs qui optimisent l’émission et la réception de signaux

La lentille est un système optique installé devant le laser, qui a pour fonction de faire diverger le rayon lumineux d’environ 0,5 degré d’angle. Et cela, afin de produire une empreinte sur la cible de largeur suffisante pour réduire les causes de perte de signal en cas de léger désalignement causé par des distorsions atmosphériques ou des mouvements d’immeubles. Elle est généralement recouverte d’un filtre qui réduit les effets occasionnés par le rayonnement du soleil.Côté réception, le filtre, système de filtrage optique installé devant le récepteur, est choisi en fonction de la longueur d’onde utilisée. Il est étalonné de façon à laisser une certaine marge autour de la valeur nominale. Le récepteur est composé d’une photodiode qui reçoit l’énergie lumineuse et la convertit de façon proportionnelle en courant électrique. Le dispositif de réception est proportionné au débit de données à traiter. Il optimise le signal sortant ainsi que le taux d’erreur. Enfin, la carte d’interface assure la connexion avec le réseau local.

Des applications très variées

Peu onéreux, simples à installer et à exploiter, non soumis à des réglementations contraignantes, les équipements de transmission laser se prêtent à presque toutes les configurations de réseaux et couvrent un grand nombre d’applications. La plus évidente est la liaison privée point à point. Nombre d’entreprises qui ont des sites dispersés en milieu urbain emploient ce type de solution pour relier leurs réseaux informatiques et leurs installations téléphoniques. “Un équipement de liaison intersites pour le téléphone ne coûte que 4 500 à 6 000 ?, explique Patrick Choukroun, directeur Europe du Sud d’Optical Access, l’un des principaux constructeurs américains. Cela veut dire qu’un tel investissement est amorti en un peu plus d’un semestre par rapport à la location d’une liaison spécialisée MIC à France Télécom.”De même, le concept de réseaux de campus, fait de plusieurs liaisons indépendantes unifiant à la fois les LAN et les systèmes de communication, peut être pertinent par rapport à des infrastructures filaires qui nécessitent des travaux de génie civil. Enfin, des systèmes transparents pour les protocoles de communication associés aux solutions de gestion de qualité de services autorisent des transmissions multiservices.Les systèmes de communication optiques prouvent aussi leur utilité pour établir le fameux “dernier kilomètre” qui relie la dorsale de l’opérateur au destinataire final.Directement concurrent de l’ADSL mais, surtout, de la liaison hertzienne de type BLR, le système laser permet d’établir des liens dans des délais très rapides, sans qu’il soit nécessaire de créer l’équivalent d’une station de base. Une facilité de déploiement appréciée dans le cas d’installation temporaire, pour un chantier ou pour rétablir les communications après une destruction de point haut ou toute autre cause catastrophique.Cette grande souplesse d’usage n’a pas manqué d’attirer l’attention des opérateurs de télécommunications. Ainsi, des essais probants ont été effectués à Paris pour raccorder des stations de base expérimentales UMTS au réseau d’un des deux exploitants engagés dans cette aventure. La technologie est séduisante car elle permet de s’affranchir des faisceaux hertziens, très largement employés pour le déploiement du GSM 900 ou 1800 et qui pose déjà des problèmes de saturation de fréquences. De plus, les liaisons optiques disposent d’une large bande passante, appropriée aux applications multimédias.

Le laser en complément de systèmes hertziens

Les exploitants d’infrastructures BLR ont la possibilité d’utiliser l’optique sans fil en complément de leurs systèmes hertziens, notamment pour remédier à l’effet de cône d’un faisceau qui, de par sa situation en altitude, serait incapable de tirer sur un bâtiment de faible hauteur ou d’atteindre un immeuble caché par un autre. Voyant plus loin, des opérateurs déploient de véritables réseaux métropolitains, suivant les trois configurations rencontrées habituellement.La topologie en anneau suppose un partage des ressources avec installation d’un multiplexeur Sonet ou d’un routeur à chaque point d’accès. La topologie en étoile distribue des liaisons individuelles pour chaque client pouvant aller jusqu’à 1,5 Gbit/s. L’installation d’un commutateur au centre de l’étoile permet d’utiliser plusieurs protocoles, et chaque circuit peut être sécurisé en doublant le système d’émission-réception. Enfin, le réseau maillé prodigue au moins une double connexion à chaque client et impose un protocole unique ainsi que le partage de la bande passante.Comme on le voit, la technologie de la communication optique sans fil offre de nombreuses possibilités, qui devraient multiplier les usages.

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Philippe Pélaprat