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Le gouvernement tenté de réglementer les sites de partage de vidéos

Le prochain projet de loi sur l’audiovisuel pourrait établir que les sites de partage de vidéos relèvent de la communication audiovisuelle. Avec à la clé un contrôle par le CSA.

Des vidéos de Dailymotion qui affichent la signalétique pour la prévention des mineurs du CSA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel ? YouTube et Wat.TV sommés de respecter l’égalité de temps de parole des partis politiques ?Si une telle perspective peut laisser perplexe, l’idée que le CSA puisse réguler certains contenus sur Internet est assez tenace. Elle est en train de ressurgir à l’occasion des travaux en cours autour du projet de loi sur
l’audiovisuel, actuellement sur le bureau du Conseil d’Etat.Ce texte, qui doit être présenté ces jours-ci en Conseil des ministres et qui organise la fin de la publicité dans l’audiovisuel public, encadre aussi la vidéo à la demande (VOD). Et pourrait également assimiler les sites de partage de
vidéos à des services de médias audiovisuels, qui seraient alors soumis de facto au contrôle du CSA.Selon un document que 01net. s’est procuré, la direction des médias (DDM) du ministère de la Culture est à l’origine d’un article définissant comme ‘ communication audiovisuelle toute
communication au public de services de radio, de télévision ou de médias audiovisuels à la demande, ainsi que toute communication au public par voie électronique de services ‘.
L’article inclut ensuite cette définition des médias audiovisuels à la demande (la VOD) : ‘ Tout service de communication au public par voie électronique permettant le visionnage de programmes au moment
choisi par l’utilisateur et sur demande individuelle sur la base d’un catalogue de programmes relevant du choix éditorial du fournisseur de ce service. ‘

Le ‘ choix éditorial ‘, une notion floue

Ce qui correspond aux sites de partage de vidéos, y compris la notion, assez floue, de ‘ choix éditorial ‘. Le fait de mettre en avant telles ou telles vidéos, comme le font ces sites (voir par exemple le
programme MotionMakers de Dailymotion), peut relever d’une éditorialisation. ‘ Certaines personnes revendiquent toujours l’application de
la décision MySpace,
en estimant que le rubriquage est déjà un rôle d’éditeur, de même que l’affichage de
bandeaux publicitaires ‘,
explique un juriste proche de ce dossier.Cela dit, le texte prévoit des exceptions à cette définition. Ainsi, les services ‘ dont le contenu audiovisuel est secondaire et ne constitue pas la finalité principale ainsi que des services qui n’exercent pas
une activité économique ‘
ne seraient pas des médias audiovisuels. Or, Dailymotion ou YouTube proposent non seulement des vidéos à visionner ‘ au moment choisi par
l’utilisateur ‘,
mais ils en font leur activité principale et engendrent des revenus grâce à la publicité. C’est donc une activité économique.Autre exception : ne seraient pas considérés comme médias audiovisuels à la demande les services ‘ consistant à fournir ou à diffuser du contenu audiovisuel créé par des utilisateurs privés à des fins de partage
et d’échange au sein de communautés d’intérêt ‘.
Selon notre juriste, cette formule ne correspondrait pas aux sites de partage de vidéos. ‘ En droit français, la jurisprudence utilise ce critère de “communauté d’intérêts” pour identifier l’existence d’une correspondance privée. En clair, la diffusion d’une vidéo sur le Net n’est pas
une mise à disposition dans le cadre d’une communauté d’intérêts. ‘
Résultat : Dailymotion, YouTube, Wideo (M6), Wat.tv (TF1), Kewego et les autres n’entreraient dans le cadre d’aucune des exceptions au statut de média
audiovisuel à la demande et pourraient donc entrer de plein droit dans le champ de compétences du CSA.Du coup, on peut imaginer que ce dernier formule certaines exigences concernant les contenus : respect de l’égalité de temps de parole des partis politiques, quotas de productions françaises et européennes, obligation de
financement du cinéma… Du moins en théorie. La mise en pratique paraît un peu plus compliquée.

Une idée presque ancienne

Le texte est examiné au Conseil d’Etat et peut donc encore être modifié d’ici à sa présentation en Conseil des ministres. Ou, plus tard, lors du débat parlementaire. Il reste néanmoins révélateur d’une certaine tentation des pouvoirs
publics.‘ Cela fait longtemps que le CSA souhaite avoir un champ de compétence de plus en plus large. Avec le développement de l’Internet, une partie de sa compétence s’est progressivement réduite.
Résultat, il a besoin de se relancer ‘, indique notre juriste.En février dernier, la ministre de la Culture, Christine Albanel, mettait sur pied
une mission pour étendre les compétences du CSA à Internet, tirant argument d’un accès trop libre à des images trop dures
pour les mineurs. Elle avait invité Dailymotion et YouTube à en discuter avec elle. Nadine Morano, secrétaire d’Etat à la Famille, a elle aussi
lancé l’idée.L’Association des services Internet communautaires (Asic) confirme des tentatives ‘ tout l’été ‘ pour assimiler les sites de partage de vidéos à des services audiovisuels à la demande. Elle
refuse toute idée de contrôle, par le CSA ou par un autre organisme. ‘ Mais le CSA n’était pas moteur, c’était la DDM ‘, précise-t-on.L’association ?” qui représente YouTube, Dailymotion mais aussi Priceminister, Kewego, Wikipédia, MySpace… ?” se montre cependant confiante. Elle se dit à la fois rassurée par le secrétariat d’Etat au
développement du numérique, le ministère de l’Economie et Matignon, à la suite d’une réunion interministérielle, et protégée par les textes européens. ‘ Mais nous restons vigilants s’il y avait des tentatives
d’amendement lors du passage du projet de loi au Parlement et nous saurons nous mobiliser et mobiliser les citoyens au cas où. ‘
A l’époque du débat sur la
loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), l’idée d’une régulation du Web français par le CSA avait déjà fait polémique.
Nous étions en 2003. Dans ces premières moutures, le projet de loi définissait Internet comme un outil de ‘ communication audiovisuelle ‘… On peut dire que les pouvoirs publics ont sur le sujet
de la suite dans les idées.

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Arnaud Devillard