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Le développement du câble bridé par les dettes

On nous promet depuis des années des réseaux câblés intégrant le téléphone, l’Internet haut débit ou les films à la demande. Hélas, les opérateurs européens n’ont plus le sou et ne peuvent remettre à niveau leurs infrastructures.

Les consommateurs européens vont devoir attendre plus longtemps que prévu avant d’accéder aux nouveaux services de télé interactive ou de téléphonie par Internet, les principales sociétés du secteur n’ayant, pour l’instant, que leur désendettement en tête.Le premier câblo-opérateur européen, UPC, a annoncé vendredi qu’il allait convertir 7,5 milliards d’euros de dettes en actions. Cette décision marque la fin du rêve Internet des années 1999 et 2000, pendant lesquelles les investisseurs ont dépensé des fortunes dans des schémas industriels n’ayant pas fait leurs preuves.

John Malone en embuscade

La restructuration d’UPC, dont on s’attend à ce qu’elle soit suivie d’une opération similaire chez son homologue britannique NTL, justifie la prudence du magnat des médias américain John Malone.Ce dernier cherche à se placer sur le marché du câble dans six régions d’Allemagne (par ailleurs, premier marché européen en la matière), mais refuse de s’engager dans une remise à niveau du réseau qui pourrait permettre aux futurs abonnés de téléphoner par Internet. Malone a été le cerveau de la restructuration d’UPC qu’il contrôle dorénavant par l’intermédiaire de la société Liberty Media. Avec cette dernière, il est en train de se tailler un empire en Europe, mais à son rythme.Alors que le législateur allemand bloque tout accord devant le refus de Malone d’investir lourdement dans une amélioration significative du réseau, celui-ci se contente de proposer des innovations limitées permettant d’offrir la télé numérique à péage aux abonnés.Il ne passera au haut débit et à la téléphonie par Internet, et éventuellement à la vidéo à la demande, que si les consommateurs allemands acceptent de payer ces services. Ce qui pourrait prendre au moins cinq ans. La plupart des réseaux câblés européens doivent encore être optimisés pour permettre l’Internet à haut débit, les films à la demande (VOD pour Video On Demand), la télévision interactive ou encore la téléphonie par Internet (VoIP).

Même Microsoft y laisse des plumes

En Grande-Bretagne, où les câblo-opérateurs offrent déjà quelques services interactifs, la VOD et la VoIP ne sont toujours pas accessibles. ” Cela n’arrive pas aussi vite qu’on le présumait “, constate un analyste de Londres, sous couvert de l’anonymat.Microsoft, qui a pris de nombreuses participations minoritaires dans des sociétés du câble européennes et qui investit des millions de dollars dans les logiciels de télé interactive, réalise également que les beaux jours sont passés. La demande de télé interactive est faible sur le Vieux Continent.Au Portugal par exemple, où Microsoft s’est lancé l’été dernier, la câblo-opérateur TV Cabo n’a attiré que quelques milliers d’abonnés les cinq premiers mois. La télévision interactive ” a pris plus de temps qu’on ne l’espérait. Il faudra quelques années avant qu’elle n’attire un large public ; c’est le choc de la réalité “, reconnaît Mark Le Goy, directeur marketing pour l’Europe de Microsoft TV. Microsoft a été jusqu’à annoncer la fermeture de sa division Ultimate TV pour les mêmes raisons que celles invoquées par Mark Le Goy.

Les câblo-opérateurs victimes de surendettement

Les raisons pour lesquelles des câblo-opérateurs comme UPC, NTL ou Telewest se sont retrouvés en difficulté sont triples, selon certains analystes : des contretemps technologiques, un excès d’ambition et des erreurs de management.Ces sociétés ont multiplié les acquisitions, convaincues que les marchés soutiendraient indéfiniment leurs plans de développement. Dans le même temps, elles mettaient plus de temps que prévu à sortir de nouveaux services fiables, comme l’Internet à haut débit, que la plupart des consommateurs jugent, par ailleurs, trop cher. Le taux de pénétration du haut débit sur les principaux marchés européens n’est que de 2 %, alors qu’il est déjà de 10 % aux Etats-Unis. Du coup, quand la bulle spéculative autour d’Internet a explosé, les financements se sont taris.Les câblo-opérateurs se sont retrouvés avec des montagnes de dettes et des revenus à peine suffisants pour en couvrir les intérêts. UPC a ainsi annoncé, vendredi, qu’elle ne paierait pas les 113 millions d’euros d’intérêts arrivant à échéance.Dans la crise des liquidités qui a suivi l’éclatement de la bulle Internet, certaines compagnies ont perdu presque toute leur valeur boursière. Le titre UPC est ainsi tombé de 80 euros à 37 centimes d’euro, NTL de 40 dollars à 39 cents et Telewest de 540 pence à 40.

Mais la faillite n’est pas inévitable

Ce massacre boursier, qui s’est traduit par l’évaporation de milliards d’euros, ne signifie pas pour autant que les actifs des câblo-opérateurs aient perdu toute valeur. Les actions ont chuté sous le poids de la dette. Dès lors qu’ils n’auront plus à se soucier du règlement d’intérêts élevés, en rachetant leurs créances contre des actions, les câblo-opérateurs pourront se concentrer à nouveau sur leur métier de base, pronostique David Gladstone, analyste chez Morgan Stanley.” Beaucoup de trous de trésorerie ont été autogénérés par le règlement des intérêts dus par les sociétés. Si l’on tient compte de cela, leur besoin de financement est nettement plus faible “, précise-t-il. Quand la question du paiement des intérêts ne se posera plus, le secteur de la télévision câblée pourra même redevenir attractif.En Grande-Bretagne, les câblo-opérateurs commencent déjà à voir le bout du tunnel. ” Leurs services de télé numérique et d’accès Internet à haut débit génèrent beaucoup d’argent, affirme Chaven Bhogaita, analyste chez Bear Stearns. Je pense que le secteur dans son ensemble, et le marché britannique en particulier, sont très attractifs. Il y a beaucoup d’opportunités de croissance et c’est très rentable.

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La rédaction (avec Reuters)