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Le dégroupage fait peur

France Télécom est aujourd’hui le seul opérateur à pouvoir offrir de l’internet haut débit (ADSL) via le réseau téléphonique, puisqu’il est maître de ce dernier. Les…

France Télécom est aujourd’hui le seul opérateur à pouvoir offrir de l’internet haut débit (ADSL) via le réseau téléphonique, puisqu’il est maître de ce dernier. Les fournisseurs d’accès ou les opérateurs sont dépendants à 100% de l’opérateur historique pour revendre de l’ADSL. Le dégroupage doit aboutir à la naissance d’offres concurrentes en matière de voix et de haut débit sur ligne téléphonique, grâce aux technologies DSL (ADSL, SDSL, VDSL…). Ils étaient trente-sept opérateurs, en septembre dernier, à participer à la deuxième phase des tests de dégroupage. Aujourd’hui, ils ne sont plus que sept à avoir commandé des devis à France Télécom. Si le chiffre n’est pas figé, l’amaigrissement de la liste des candidats marque cependant une tendance de fond : le dégroupage fait peur.

Des acteurs victimes de pertes ou en faillite

Une des raisons premières à cette peur est la santé chancelante du secteur des télécoms. Ainsi, Versatel a dû débourser sept millions d’euros pour racheter les 50% de Northpoint, spécialiste américain du dégroupage en faillite, dans leur filiale commune Versapoint, qui a participé aux tests français. Versapoint renonce ainsi à l’Hexagone et à la Grande-Bretagne. GTS Omnicom, en attente d’un repreneur, a été un des premiers à jeter l’éponge. “Il faut entre 500 millions de francs et un milliard pour dégrouper dans les quarante premières villes de France. Or, l’argent se fait rare”, explique Jorg Geerlings, directeur marketing voix de GTS Omnicom. Covad, un autre spécialiste du DSL aux Etats-Unis, envisageait de venir en France, mais ses projets sont devenus plus flous, l’opérateur se trouvant en très mauvaise santé financière (perte estimée pour 2001 entre 450 et 470 millions de dollars). Viatel, lui, se restructure (perte nette sur les trois premiers trimestres 2000 de 421,5 millions de dollars) et se recentre sur les grandes entreprises. Il vient d’annoncer qu’il ne fera pas, pour le moment, de dégroupage en Europe. “Les ressources humaines et financières à investir sont énormes, alors que les résultats sont incertains. Le marché ne pardonne pas les erreurs”, insiste Mariella Marra, directeur marketing de Viatel. Jérôme de Vitry, président de Completel France, remarque, pour sa part, que “les marchés financiers donnent plutôt crédit à ceux qui ne veulent pas dégrouper”. Il est vrai que la situation calamiteuse des nouveaux entrants outre-Atlantique (dépôt de bilan de Northpoint et de Picus, pertes abyssales de Covad et Rhythms) ne rassure guère. L’Allemand Riodata a suspendu ses projets français : “Nous attendons que le cadre réglementaire se stabilise et que les marchés financiers se réconcilient avec les nouvelles technologies. Une fois que notre business model sera validé et que les temps seront plus propices pour financer de tels investissements, il est clair que la France sera au top de nos priorités”, explique-t-on chez l’opérateur.

France Télécom résiste à l’ART

Les opérateurs marchent d’autant sur des ?”ufs que la situation française baigne dans un flou artistique. Ainsi, la colocalisation, c’est-à-dire l’hébergement chez France Télécom, rend les prévisions ardues. “Le prix de la cohabitation demeure très incertain. De plus, il faudra partager les coûts d’aménagement des salles entre opérateurs”, précise le président français de Completel. La bataille du dégroupage est loin d’être finie. France Télécom a vu la première mouture de son offre de référence recalée par l’Autorité de Régulation des Télécommunications. L’opérateur, en rendant sa deuxième mouture le 23 février, a déposé un recours gracieux contre certaines exigences de l’ART. Le dossier traîne plus que jamais. Si les opérateurs alternatifs sont censés obtenir, grâce à la décision de l’ART, des tarifs moins élevés et de nouveaux services, des pierres d’achoppement demeurent. “L’ART n’a pas regardé tous les tarifs, comme l’ajout de matériel sur une baie”, relève, par exemple, Hervé Le Roy, chef de projet télécoms d’Easynet. “On reste sur des hypothèses”, précise Frédéric Connault, directeur du programme DSL de Colt. Les ardeurs sont refroidies. Completel étudie encore l’opportunité de dégrouper. “On a du mal à caler un horizon de temps. Quant au périmètre auquel on pourrait s’intéresser, il est incertain du fait des conditions économiques”, poursuit le président français. Même discours chez Normandnet. Selon notre confrère Les Echos, l’Allemand QSC, un des leaders du DSL en Allemagne, attendrait que le marché français soit plus lisible pour s’implanter. D’autres ont tranché. KPNQwest renonce à l’Europe. “Nous laissons les autres essuyer les plâtres”, revendique Florent de Kersauson, président de Belgacom France, qui se contentera de ses boucles radio. De façon plus marginale, certains opérateurs sont venus tester le dégroupage juste pour se forger une meilleure idée. C’est le cas de Nets : “Nos tests n’étaient qu’une opération pour le compte de notre maison mèreTiscali, ceci afin de mieux connaître les conditions techniques ou financières”, confirme Daniel Bertrand, de la direction marketing.Abandonner le dégroupage ne signifie évidemment pas renoncer à proposer aux clients résidentiels ou entreprises des services hauts débits. Un vrai marché de la revente de lignes DSL est amené à se développer. Ceux qui ont renoncé au dégroupage s’attèlent aujourd’hui à nouer des partenariats pour acquérir de l’accès. Mais le déploiement des offres alternatives à celles de France Télécom (Turbo IP, le socle de Netissimo, Turbo DSL) sera d’autant plus lent qu’ils seront peu d’opérateurs à monter au front. Ceux qui se sont engagés visent tous d’abord les villes à fort potentiel économique, comme Lyon, Lille, Toulouse ou Marseille.

Quelques nouveaux y croient quand même

Atlantic, qui voulait dégrouper autant que possible, entend d’abord revendre les offres de fournisseurs, celles de France Télécom ou d’autres. Mais l’opérateur a la ferme intention de dégrouper par la suite. “La pérennité passe par le dégroupage. D’ici trois à cinq ans, le dégroupage devrait être devenu une commodité”, indique Luc Terral, directeur général d’Atlantic.Aux côtés des projets des ténors comme Cegetel, 9 Télécom, Siris ou Colt, le dégroupage français suscite malgré tout les vocations de nouveaux venus spécialisés. C’est le cas de Novaxess, qui dégroupe depuis juin 2000 aux Pays-Bas. Les nouveaux venus tricolores s’appellent Mangoosta (voir 01 Informatique n?’1606), Objectif BL ou Subiteo. Ce dernier, qui a récolté cinq millions d’euros du fond américain Incepta, espère avoir dégroupé 70 000 lignes d’ici à quatre ans, dont un tiers pour ses services aux PME, le reste étant revendu. ” La demande est là. France Télécom fait barrage, mais il y a des règles du jeu et un arbitre “, assure Philippe Coville, président de Subiteo. Reste à espérer pour les plus motivés que l’échauffement imposé par France Télécom ne dure plus trop longtemps.

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Guillaume Deleurence