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Le commissariat bientôt virtuel

Dans le courant de l’année, tout Français victime d’une infraction contre des biens matériels ? et si l’auteur des faits est inconnu ? pourra rédiger une préplainte en ligne.

Ne plus avoir à se déplacer ou à envoyer un courrier postal pour faire une démarche administrative : le concept plaît bien aux Français. Le plus célèbre des “ téléservices ” mis à leur disposition est la déclaration de revenus qui, en une dizaine d’années, a su convaincre plus de 10 millions de contribuables ! D’autres services bien utiles existent, comme le changement d’adresse ou la demande d’extrait de casier judiciaire, auxquels va s’ajouter, cette année, la préplainte en ligne.En quelques clics, à partir du site gouvernemental www.pre-plainte-en-ligne.gouv.fr, chacun pourra ainsi remplir un formulaire “ préparatoire ” à une plainte, qu’il signera ensuite dans le commissariat de police ou la brigade de gendarmerie de son choix. Déjà testé dans les Yvelines et en Charente-Maritime depuis 2008, ce service s’est étendu mi-décembre au Bas-Rhin et à la Haute-Garonne avant de couvrir progressivement le reste de l’Hexagone courant 2012, comme le permet désormais un arrêté paru au Journal officiel en novembre.Mais cette démarche ne sera possible que si vous êtes victime d’une infraction contre des biens matériels : vol d’un téléphone, escroquerie, dégradation, etc. Et seulement si l’auteur des faits est inconnu. Car s’il est identifié, “ il y a des mesures à prendre, comme une intervention rapide des forces de l’ordre par exemple… ”, explique Stéphanie Boisnard, commissaire de police et chef de la division de la prévention et des partenariats au sein de la Direction centrale de la sécurité publique. Une restriction qui vise aussi à éviter toute dénonciation calomnieuse. Et hors de question également d’utiliser la préplainte en ligne pour les situations d’urgence : dans ce cas, le déplacement ou l’appel au 17 ou au 112 demeure incontournable. Pour le citoyen, l’intérêt du nouveau dispositif est multiple : il obtient un rendez-vous à un créneau horaire qui lui convient, et gagne du temps pour faire établir sa plainte, le policier ou le gendarme n’ayant qu’à modifier ou à compléter le document initial. Le plaignant se voit aussi rappeler les éléments à apporter (papiers, justificatifs, etc.), et s’évite ainsi de revenir.

Pas de dématérialisation totale

Dès le départ, le ministère de l’Intérieur a écarté une dématérialisation totale de la plainte, remplie et signée à distance, ce qui est possible par exemple en Belgique (Policeonweb.belgium.be), depuis 2007, grâce à la carte d’identité électronique ou à un code fourni par le Gouvernement. “ Le fait de se déplacer pour signer est important. D’abord parce qu’il s’agit d’éviter des problèmes comme des escroqueries à l’assurance, qui seraient facilitées si la plainte était effectuée intégralement en ligne. II est normal également de vérifier un certain nombre de choses avant de démarrer une enquête. Par ailleurs, la venue dans une unité de police ou de gendarmerie pour signer est maintenue, car le contact humain est important. Être victime est souvent traumatisant, il est important d’être reçu, de recevoir des conseils, du soutien ”, argumente Stéphanie Boisnard. Et il est indispensable que les policiers ou les gendarmes puissent intervenir sur le document initial “ pour que le recueil des déclarations du plaignant réponde aux exigences de formalisme d’une plainte ”, précise-t-elle.

Trois à quatre préplaintes par jour

Dans les départements testés, le service n’a donné lieu jusqu’à présent qu’à trois ou quatre plaintes par jour. C’est très peu, mais somme toute logique, vu l’échelle de déploiement et le peu de communication. “ En ce qui concerne les préplaintes envoyées, on ne compte que 15 % de  ”déchet ”, à savoir des gens qui ne viennent pas, des faits qui ne relèvent pas de la préplainte ou qui ne correspondent à aucune infraction, par exemple des problèmes de voisinage ”, indique Stéphanie Boisnard. Malgré ces faibles volumes, une étude auprès des personnes ayant eu recours au téléservice en 2009 a montré qu’elles en étaient plutôt satisfaites.De même, suite à la mise en service de ce dispositif dans les départements de la Haute-Garonne et du Bas-Rhin, mi-décembre, “ une évaluation complémentaire au niveau technique et statistique, ainsi qu’au niveau de la satisfaction du public ” sera prochainement effectuée. Micro Hebdo a testé le système dans les Yvelines, il a fonctionné sans accroc. Nous avons reçu un courriel récapitulatif immédiatement, suivi d’un appel du commissariat pour fixer un rendez-vous.

À quand une plate-forme centralisée ?

Du côté des syndicats de police, pas d’hostilité affichée. Et ce, malgré les critiques concernant un outil qui servirait à justifier des baisses d’effectifs sous l’effet de la RGPP (Révision générale des politiques publiques). La préplainte est vue comme le moyen d’en limiter les effets négatifs. “ Décharger les policiers de tâches administratives permet de déployer plus de personnel sur le terrain plus longtemps ”, estime Denis Jacob, secrétaire administratif général d’Alliance Police. L’organisation évoque néanmoins des dysfonctionnements informatiques (marginaux) ou des problèmes de compétences territoriales, avec des faits se déroulant en zone gendarmerie et une plainte déposée en zone police, ce qui nécessite un transfert du dossier… “ C’est un principe en France : pouvoir porter plainte n’importe où ”, réplique Stéphanie Boisnard. Du côté de l’Unsa Police, son porte-parole, Mickael Bucheron, estime que la préplainte est positive pour les citoyens, mais “ n’est pas une réelle avancée ” pour les policiers, les formulaires étant parfois mal remplis.Généralisée en 2012, cette préplainte préfigure-t-elle un commissariat virtuel, inspiré du Commissariato di Polizia di Stato online italien (www.commissariatodips.it), créé en 2007 ? Soit une sorte de guichet unique vers différentes démarches déjà existantes mais éparpillées, telles Internet-signalement.gouv.fr (contenus illicites en ligne) ou Alerte-enlevement.fr, des formulaires, des informations, la possibilité de signaler son absence du domicile… Pas dans l’immédiat, si on en croit Patrick Guyonneau, adjoint au chef de service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure : “ On y réfléchit fortement. Pour l’instant, l’idée est plutôt de densifier, de lancer de nouveaux services. ” Le regroupement attendra.

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Guillaume Deleurence avec Jean-Marie Portal