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Laurence Tellier-Loniewski (avocate)

‘ La copie privée reste licite dans son principe. ‘

Bonjour à toutes et à tous ! Nous avons le plaisir d’accueillir maître Laurence Tellier-Loniewski, avocate, afin de vous éclairer sur la loi DADVSI (droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information).
Bonjour à tous, merci de m’accueillir.kme kme : Qu’est-ce que c’est la loi DADVSI exactement ?


En bref, c’est une loi qui transpose une directive européenne sur le droit d’auteur dans la société dite de l’information, c’est-à-dire confronté à l’environnement des nouvelles technologies. Le législateur français a aussi profité de
l’occasion pour régler d’autres questions de droit d’auteur, comme les droits des fonctionnaires et des agents publics.Florian : A l’heure actuelle, a-t-on le droit de télécharger des fichiers vidéo et audio sur les réseaux P2P ?


À l’heure actuelle, on n’a pas de certitudes. Ce qui semble certain, c’est qu’il est interdit d’ouvrir son ordinateur au public en utilisant des logiciels de P2P car, en rendant une ?”uvre protégée accessible au public, on commet un acte
de ‘ représentation ‘ réservé aux auteurs.


En revanche, l’illégalité du téléchargement d’une ?”uvre sur Internet pour son usage privé est moins évidente, la jurisprudence est partagée, il est admis par certaines juridictions qu’il s’agit d’un acte de copie privée. La copie
privée n’est possible que pour une o?”uvre à laquelle on a un accès licite. Ce point est très discutable en droit.coolZero : Pouvez-vous nous faire un résumé des droits et des risques des internautes face au téléchargement ?


Aujourd’hui, le téléchargement, quand il est jugé illicite, est une contrefaçon, qui expose ses auteurs à de lourdes peines : 300 000 ? d’amende, 3 ans de prison. Dans le projet de loi DADVSI (qui peut encore
changer), il n’y aurait plus qu’une peine d’amende pour les internautes.Florian : A-t-on le droit de copier des DVD à l’heure actuelle ?


Selon la dernière jurisprudence de la cour de cassation en janvier 2006 (affaire Mulholand Drive), la réponse est non. Elle a été donnée dans le cas où un internaute qui avait acheté un DVD exigeait la suppression des DRM le
protégeant pour pouvoir en faire une copie, au nom de la copie privée.Florian : La copie privée d’une ?”uvre est-elle toujours acceptée ?


Oui, la copie privée reste licite dans son principe. Mais maintenant, elle doit coexister avec le droit pour les auteurs de protéger techniquement les ?”uvres contre les copies. Toute la difficulté est précisément de concilier ces deux
droits, a priori difficilement conciliables. D’ailleurs, le projet de loi ne donne pas de réponse uniforme, c’est un organisme indépendant (on a parlé d’un collège de médiateurs, maintenant d’une autorité indépendante) qui, au
cas par cas, décidera des mesures à prendre. Bref, les discussions ne sont pas terminées !Fred.l : Si la loi passe, les personnes qui se feront attraper pour téléchargement illégal auront une amende de 38 ?. Mais seront-ils prévenus par e-mail ? Ou les courriers avec l’amende arriveront-ils
directement dans la boîte aux lettres de l’internaute ?



C’est tout le problème de la réponse graduée, qui semblait une bonne idée. Mais on revient dessus, car cela supposerait d’avoir des outils de suivi des pratiques des internautes. Ce qui est jugé comme portant atteinte à leur vie privée. Le
projet pourrait encore évoluer sur ce point.Ced8383 : Quand cette loi prendra-t-elle effet ?


Encore faut-il qu’elle soit votée (et promulguée) pour qu’elle puisse prendre effet. Il reste encore de nombreux points en discussion. Mais il est de principe en droit pénal que la ‘ loi la plus douce ‘ s’applique
aux infractions commises avant son entrée en vigueur, principe qui serait favorable aux internautes.


En revanche, pour les nouveaux délits (par exemple la commercialisation des logiciels de P2P, si cette disposition subsiste), ils ne pourront être sanctionnés que s’ils sont commis postérieurement à la loi.Fabien : Les arguments présentant le partage d’?”uvres culturelles comme facilitant la démocratisation de la culture sont-ils recevables devant un tribunal ?


Ces arguments sont en effet au centre d’un vrai débat sur l’accès à la culture dans une démocratie. C’est devant le législateur qu’il faut les présenter, car le juge est, quant à lui, tenu d’appliquer la loi. Il s’agit d’un débat quasiment
philosophique, mais il faut aussi y faire entrer le droit d’auteur et la protection de la création.DeepAlex : Etes-vous pour cette loi ? Pourquoi est-elle aussi impopulaire, avez-vous une explication ?


Cette loi n’est pas encore figée, il y a des points avec lesquels je suis en accord, d’autres sur lesquels je suis réservée. Elle est impopulaire parce que sans doute mal expliquée. C’est un débat qui vient à la fois tard (il faut
transposer une directive dont la mesure phare est la protection des mesures techniques de protections), et trop tôt car de nombreux points soulevés n’ont pas donné lieu à une réflexion suffisante,et semblent être décidés sous la pression (avis qui
n’engage que moi).Locus : La loi DADVSI pourrait-elle empêcher des artistes de mettre, de leur propre gré, leurs ?”uvres sur le net ?


Non, et cela est une proposition nouvelle très intéressante. Les auteurs pourront profiter directement des nouvelles technologies soit en mettant en ligne leurs ?”uvres gratuitement ?” à la condition de ne pas avoir cédé leurs
droits à des éditeurs. Et surtout, il est question de leur donner accès à une plate-forme légale où il pourront proposer leurs ?”uvres en ligne ?” et percevoir une rémunération.Fabien : Pensez-vous que le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique joue pleinement son rôle dans ces débats ?


Je ne suis pas en mesure de porter un jugement, le Conseil est traditionnellement discret.Mogmi : Où puis-je trouver le texte de cette loi ?


Sur le site du Sénat, on a les toutes dernières informations : le texte, les amendements proposés et l’historique.Vous trouverez aussi les liens utiles sur le blog de 01net.Oreline : On parle d’organismes gérant les droits des artistes… et aussi d’artistes ‘ cédant ‘ leurs droits. Peuvent-ils les récupérer ? Ou est-ce définitif ? Y a t-il une
jurisprudence sur la question ?



Tout dépend du contrat passé avec la société d’auteur en question, de sa nature, de sa durée. Les droits d’auteurs (à l’exception du droit moral) sont cessibles, et ces cessions peuvent avoir un caractère définitif si le contrat prévoit
qu’ils sont cédés pour la durée des droits d’auteurs (70 ans après la mort de l’auteur).


Il y a beaucoup de jurisprudence sur les contrats de cessions qui sont souvent mal rédigés et insuffisamment détaillés (le code de la propriété intellectuelle est très exigeant). Les tribunaux interprètent, en principe, toujours le
contrat mal rédigé en faveur de l’auteur.TheCric : Qu’en est-il des médiathèques ? Seront-elles compatibles avec la loi DADVSI ? La directive européenne que nous nous apprêtons à transposer prévoit une liste importantes d’exceptions au droit d’auteur, comme les bibliothèques, les médiathèques, les copies d’enseignement, etc.Dans le cadre de DADVSI, il serait parfaitement possible d’étendre les exceptions aux droits d’auteur en France, mais c’est chaque état qui décide des exceptions qu’il accorde. Il semble d’ailleurs qu’un débat s’ouvre à propos des
copies d’enseignement donc pas d’incompatibilité de principe.Merci beaucoup, le mot de la fin ?


Comme vous avez pu le comprendre, l’état du droit n’est pas figé et de nombreux points restent ouverts, notamment tout le débat sur l’interopérabilité. Restons donc tous attentifs aux évolutions de ce texte passionnant, qui est aussi un
débat de société.Vous avez rendez-vous jeudi prochain avec M. Soussan, directeur marketing et communication de Lycos France pour tout connaître des services du portail, à jeudi !

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La rédaction