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L’alchimie des bons de souscription

Plus simples et moins taxés que les stock-options, les BSPCE sont de plus en plus prisés par les entreprises. À condition toutefois que la valeur de leurs émetteurs s’inscrive à la hausse.

“Les BSPCE, c’est magique.” Pour Laurent Burruel, jeune créateur, en 2000, de la start-up DK Soft, spécialisée dans l’édition de logiciels, les bons de souscription de part de créateur d’entreprise (BSPCE) sont en train de détrôner les mythiques stock-options. “C’est un outil de management très simple qui permet de motiver et de fidéliser nos cadres surdiplômés tout en bénéficiant d’une fiscalité plus attractive que les stock-options.” C’est la différence majeure. Les bons de souscription sont taxés à hauteur de 26 % ?” régime classique de la fiscalité sur les plus-values ?” contre quelque 40 % pour les stock-options, entre l’option et la levée de l’option.Depuis la loi de finances de 1998, les bons de souscription font florès. Toute entreprise, non cotée ou cotée sur un marché de valeurs de croissance de l’Union européenne, peut émettre des BSPCE qui donnent droit à la détention de titres de ladite société à un prix fixé à l’avance, dit “prix d’exercice”. Pour le salarié-actionnaire, qui doit détenir ces titres trois ans avant de pouvoir les “exercer”, l’avantage est d’être associé à la valorisation de son entreprise.

Et si les marchés baissent ?

“Lors de notre inscription sur le Marché libre en avril 1999, nous avons attribué des bons qui permettaient de souscrire à des actions valant 27 euros, alors que notre cours d’introduction était de 19 euros”, se souvient François Lamotte, coprésident et fondateur d’Ubiqus, une entreprise de 200 personnes spécialisée dans la conception de places de marchés sur internet… Avant de reconnaître que la déconfiture du Nouveau Marché l’a vite obligé à revoir ses objectifs de progression en Bourse. Après avoir bondi à 50 euros en mars 2000, le cours d’Ubiqus a subi de plein fouet le dégonflement de la bulle spéculative pour atteindre 15 euros trois ans après son introduction. Les salariés n’ont donc pas pu exercer leurs droits, car le cours de 27 euros n’a jamais été atteint sur la période. Le cas d’Ubiqus n’est pas isolé. Nombre de sociétés du Nouveau Marché ont émis en 1999 des bons en tablant sur une hausse de plus de 50 % de leur titre dans les trois ans. Les bons de souscription seraient-ils des miroirs aux alouettes ?Par définition, les BSPCE, comme les stock-options, ne sont gagnants que si les marchés évoluent à la hausse. Dans ce cas, on bénéficie du fameux effet de levier qui consiste à multiplier par 2 ou par 3 sa mise initiale.Pour faire face à la crise du Nouveau Marché ou à la dépréciation de la valeur des start-up, beaucoup de sociétés ont dû réagir vite. La parade la plus courante consiste à annuler les bons existants ?” une procédure plus simple que pour les stock-options ?” puis à en émettre de nouveaux dont le prix d’exercice est plus conforme à la réalité du marché. Cela revient à faire chaque année de nouveaux paris sur le futur de l’entreprise.Le cas des sociétés non cotées est plus délicat. Deux problèmes se posent : la valeur de l’entreprise et la liquidité des titres. “Pour une entreprise de croissance, sa valeur est évaluée en fonction du dernier tour de table ou de la dernière augmentation de capital, explique Jean Leleu, responsable de la stratégie et cofondateur en 1998 d’Enition, start-up de 37 personnes spécialisée dans le développement et la commercialisation de systèmes de monétisation de contenu sur internet. Notre dernière augmentation de capital a été souscrite par des partenaires prestigieux comme Cisco, Nokia, Galileo ou Reuters qui ont pris chacun des participations de 10 %. Cela a rassuré les salariés sur la pérennité de notre société tout en leur donnant une estimation de sa valeur.” Il n’empêche. Sans nouveau tour de table ou augmentation de capital, quel salarié est en mesure d’évaluer la valeur de la start-up qui l’emploie ?

Liquidité des titres

Le second écueil est celui de la liquidité des titres, condition indispensable pour concrétiser sa plus-value. Pour un cadre d’une entreprise cotée, pas de problème. Si, sur le marché, ses titres ont atteint au minimum le prix prédéfini, il peut les revendre.Pour sa part, “le salarié d’une entreprise non cotée doit penser aux conditions dans lesquelles il pourra céder ses parts”, précise Fabrice de Longevialle, conseiller fiscal indépendant et auteur du Guide Fiscal du Patrimoine. Trois solutions s’offrent à lui. Le détenteur de bons peut vendre ses titres lors d’un rachat par une autre entreprise, d’un nouveau tour de table précédant une augmentation de capital ou, enfin, lors d’une introduction en Bourse. Pour le collaborateur d’une société, il faut toujours saisir la première occasion qui se présente pour empocher ses plus-values : dans le cas d’un départ de la société, le salarié perd tous ses droits, y compris ses bons censés le fidéliser ! En période de crise, les BSPCE sont plus un instrument de gestion du management quun véhicule patrimonial pour les salariés. Mais dans un contexte de reprise économique, les deux parties ont tout à y gagner.

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Jean-Pierre Savalle