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La nouvelle économie a tué Darwin

Le phénomène Enron le prouve, la sélection naturelle n’a plus cours dans le monde du business. Toute société est un géant aux pieds d’argile qui peut disparaître du jour au lendemain. Effrayant.

11 septembre 2001 : Ben Laden envoie deux avions s’écraser dans les Twin Towers qui s’écroulent moins d’une heure après. 31 octobre 2001, le gendarme boursier américain, la SEC (Securities and Exchange Commission), annonce l’ouverture d’une enquête officielle sur la comptabilité du courtier Enron. Trois mois plus tard, la société, capitalisée 65 milliards de dollars à son plus haut niveau (Noël 2000), s’écroule. Et entraîne dans sa chute l’une des cinq plus grandes boîtes d’audit au monde, le cabinet Arthur Andersen, qui cherche aujourd’hui à fusionner avec la première start-up venue, si les juges américains n’en font pas des pièces détachées avant.Alors, certes, la faillite d’Enron n’est pas la première qu’ait connue les Etats-Unis. La PanAm ou plus récemment l’enseigne discount KMart figurent aussi au tableau d’honneur des big companies dont les comptes ont joué au Titanic. Mais ce qui différencie la société Enron, bientôt Global Crossing ou peut-être plus tard Qwest (à ce sujet, une bonne blague lue sur un panneau dans une rue de San Francisco : ” Quelle est la différence entre Enron et Qwest ? six mois “) de la PanAm ou de Kmart, c’est que la première défie complètement la sélection naturelle.Ladite sélection naturelle voudrait que les sociétés les mieux adaptées à leur environnement naturel survivent et que les autres crèvent le bec ouvert. Lorsque la TWA s’est effondrée et qu’elle a été reprise par American Airlines, c’est tout simplement parce qu’elle n’avait pas su s’adapter aux nouvelles règles du transport aérien (dont le phénomène de hub, la répartition régionale du trafic aérien). En quoi peut-on dire qu’Enron n’était pas adapté à son environnement ? Au contraire, il avait si bien compris son environnement, qu’il a appris à truquer ses comptes pour faire plaisir à la Bourse. N’est-ce pas un signe de précocité ? Et Andersen a appris à valider des comptes truqués. Ce qui n’est pas non plus donné à tout le monde.Si le scandale en question s’était déroulé il y a une dizaine d’années, il aurait certes provoqué des remous mais n’aurait sûrement pas entraîné la chute finale de deux stars de la Bourse américaine. Sauf que les règles du jeu ont changé. Il n’est plus question aujourd’hui d’une sélection naturelle, mais d’une séance de tir au pigeons. A la première gaffe, le cours dérape et sombre définitivement, si la gaffe en question est validée.Au point que certains s’interrogent aujourd’hui sur ce qu’il pourrait advenir de France Télécom si dautres scandales à la MobileCom éclataient, ou de Vivendi si ses investissements se dépréciaient encore…Prochaine chronique vendredi 29 mars.

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Alain Steinmann