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La télégérance, ou l’art d’administrer son réseau à distance

Portée par l’infogérance, l’administration de réseaux à distance trouve son marché. S’appuyant sur la supervision des équipements actifs connectés, elle s’étend aux serveurs. Nombreux sont les prestataires de services qui se disputent ce marché.

L’administration de réseaux se fait chaque jour plus complexe. Elle nécessite la mise en ?”uvre de compétences spécifiques et pointues. La supervision exige des formations ou des certifications spécifiques émanant d’éditeurs ou de constructeurs. Dans bien des cas, l’entreprise va, aujourd’hui, trouver plus rationnel de s’en remettre à une société de services spécialisée. ‘ Les ressources internes en administration de réseaux sont, dans les entreprises, encore trop souvent dévolues à la résolution de problèmes ou à l’utilisation des outils ‘, commente Guillaume Baral, directeur adjoint de la division Ametis au sein de l’intégrateur Elona. Cela explique que les prestataires de téléadministration de réseaux se multiplient. On trouve, d’abord, les intégrateurs de réseaux qui, pour la plupart, sont entrés sur ce marché il y a deux ou trois ans. Pour ces prestataires, la télégérance s’est imposée comme une extension à valeur ajoutée de leur offre de maintenance sur les équipements actifs de réseaux.

Investir dans des centres spécialisés

Pour aborder le marché, certains ont dû réaliser d’importants investissements. Le plus coûteux consiste souvent à bâtir un centre dédié, équipé de stations d’administration, puis à recruter et à gérer des équipes d’ingénieurs spécialisés, qui, parfois, doivent être disponibles 24 heures sur 24. Arche a inauguré le sien – une salle de 130 m2, équipée de deux écrans géants de 6 m2 et d’une dizaine de stations de travail – au début de l’année dernière aux Ulis, dans l’Essonne.
Elona, qui a lancé son activité de télégérance il y a quelques mois, se contente d’une modeste pièce où sont logées quelques stations de supervision. Memorex Telex, quant à lui, exploite un centre d’administration de réseaux au sein de son centre de Vélizy-Villacoublay, dans les Yvelines, depuis plus de trois ans. La société compte parmi ses clients quelques grandes entreprises sous contrat d’infogérance impliquant la prise en main complète à distance du réseau. La seconde catégorie d’acteurs proposant de la télégérance est composée de SSII spécialisées dans l’infogérance de systèmes d’information. Pour ces dernières, l’administration du réseau n’est qu’une facette de leurs prestations dans ce domaine. L’infogérance recouvre, en effet, à la fois l’exploitation sur site, la gestion de parcs de micros et les téléservices tels que l’assistance en ligne ou le help desk, l’hébergement, voire la tierce maintenance applicative. Ainsi, Atos, Cap Gemini, CS (qui a hérité d’Athesa) et Euriware se sont spécialisés dans la téléadministration.

Des spécialistes délégués sur le site des clients

De manière complémentaire, ces SSII assurent toutes des prestations d’insourcing, qui consistent à déléguer sur le site de leurs clients des spécialistes d’administration de réseau pour le suivi opérationnel et l’exploitation du réseau. ‘ Si l’administration de réseaux est parfois incluse dans nos prestations d’infogérance du système d’information, certains contrats d’infogérance de réseaux sont négociés isolément de celui portant sur l’informatique centrale ‘, explique Claude Kuhn, directeur technique des services réseaux chez Cap Gemini. Aujourd’hui, quoi qu’il en soit, la demande de maîtrise d’?”uvre d’exploitation ne cesse de croître, et les SSII en profitent au maximum.
La palette des services proposés en téléadministration inclut plusieurs niveaux. L’administration de réseaux déléguée comprend, en premier lieu, la supervision des équipements actifs du réseau Ethernet-IP de l’entreprise. Les routeurs, les commutateurs et les concentrateurs-répéteurs sont donc concernés. ‘ Historiquement, la gestion d’incidents de réseaux portant sur ces équipements était souvent considérée comme une prestation complémentaire de l’activité de maintenance ‘, explique Didier Legrand, responsable marketing des services chez Arche Groupe Siemens, un des principaux intégrateurs de réseaux en France. Dans tous les cas de figure, le site de l’entreprise cliente est relié au centre de supervision du prestataire par des liens télécoms permanents. Les lignes louées numériques de 64 kbit/s, dont les prix ont largement baissé ces dernières années, ont la faveur de nombreux prestataires. ‘ En Ile-de-France, nous choisissons systématiquement des lignes de 64 kbit/s. Pour relier des sites provinciaux, nous privilégions les liaisons par des réseaux Frame Relay ‘, explique Olivier Fortun, adjoint du directeur de la division Ametis d’Elona. De nombreuses autres sociétés de télégérance optent pour des solutions similaires. Ces liaisons sont systématiquement équipées, à chaque terminaison, de deux routeurs, dont un est installé chez le client. Le réseau public RNIS, en raison de sa tarification à la durée de communication, n’est utilisé que comme réseau télécoms de secours par toutes les sociétés interrogées. Ainsi connectés, les équipements actifs du réseau de l’entreprise sont supervisés à l’aide du protocole SNMP à partir d’outils logiciels graphiques dédiés, fournis par les constructeurs : Transcend, pour 3Com ; CiscoWorks pour Cisco Systems ; ou Optivity pour Nortel-Bay Networks, par exemple. Chez la plupart des prestataires de télégérance, ces outils sont eux-mêmes exploités avec un superviseur de type OpenView, de HP. A cette gestion des incidents remontés par les équipements vers ces outils de supervision s’ajoutent, selon les cas, la gestion des configurations logicielles des équipements, incluant l’adressage IP (fonction DNS) ou la gestion des réseaux privés virtuels IP. Les prestataires sont, aujourd’hui, à même d’ajouter d’autres services, plus orientés vers la gestion de la qualité de service.

Une supervision effectuée sous OpenView

L’offre Elona, baptisée Synthesis, inclut la fourniture d’indicateurs qualitatifs du comportement du réseau. Dans ce cas, elle utilise le logiciel InfoVista, qui édite des rapports sur le taux d’erreurs des échanges ou sur le taux d’occupation des liens télécoms. ‘ L’utilisation de cet outil nous a permis de détecter, chez l’un de nos clients, le sous-dimensionnement d’une ligne télécoms par rapport à ses besoins ‘, explique Fabien Callec, consultant chez Elona. Arche Groupe Siemens utilise également cet outil (ainsi que celui de la société Concord), afin d’offrir un suivi personnalisé des réseaux du client. Ce type de solution et les rapports qu’il génère sont utiles au suivi de la qualité de service, telle qu’elle a été contractualisée avec l’opérateur télécoms de l’entreprise, voire avec la direction générale de l’entreprise. ‘ Nous possédons, en outre, des spécialités qui aident le client à fixer des objectifs et à mettre en place des tableaux de bord pour le suivi de la qualité de service ‘, explique Didier Legrand, d’Arche Groupe Siemens.

Même les serveurs peuvent être administrés à distance

Plus récemment, le concept de supervision à distance du réseau de l’entreprise a été étendu aux serveurs sous système d’exploitation Unix et Windows NT. L’inclusion des serveurs dans la supervision des réseaux est une tendance qui se développe. ‘ L’infogérance de systèmes distribués devrait croître plus rapidement que les autres segments du marché, avec un taux de croissance annuel moyen de 24,5 % au cours des cinq prochaines années ‘, est-il précisé dans une étude qu’IDC France vient de rendre publique.

‘ Nous constatons une forte demande d’infogérance mêlant le réseau IP et ses éléments actifs aux serveurs de l’entreprise ‘, confirme Philippe Dorvillers, d’Euriware. Ces serveurs d’applications, à l’instar des équipements actifs de réseaux, sont supervisés par des applications dédiées. Les prestataires qui supervisent les serveurs à distance utilisent des outils logiciels orientés systèmes comme Patrol, de BMC Software ; ou la plate-forme de supervision Unicenter TNG, de Computer Associates. Le prestataire peut alors analyser les alarmes et les informations remontées par le serveur. Il vérifie que ces serveurs d’applications fonctionnent, quitte à passer la main à la société chargée de la maintenance applicative si le problème se situe à ce niveau.

Des critères de sélection pour le choix d’un partenaire

Ces outils permettent aussi à la société de télégérance, quand elle en est dotée, d’assurer à distance des tâches orientées systèmes, tels la gestion des sauvegardes du serveur ou l’ordonnancement des travaux. Certains fabricants se lancent dans la téléadministration des serveurs installés chez leurs clients. Depuis le mois de mars dernier, Sun Microsystems propose en France, à partir de son centre de Vélizy, de superviser à distance, via RNIS, les paramètres systèmes et de gérer les opérations de sauvegarde ou les évolutions logicielles des serveurs Sun.
Outre les serveurs, une demande naissante des entreprises porte aussi sur les pare-feu Internet, dont elles souhaitent déléguer l’administration à leur prestataire. Cette offre pose toutefois des problèmes de sécurité que peu de prestataires maîtrisent parfaitement.
Une fois le besoin déterminé en termes de téléadministration, plusieurs critères de sélection interviennent dans le choix d’un futur prestataire. La standardisation des équipements du réseau autour de constructeurs renommés a fait disparaître les matériels marginaux. Il convient donc de s’assurer que tous les équipements seront bien supervisés, et que le prestataire est équipé des outils ad hoc. La même remarque vaut pour les systèmes d’exploitation des serveurs s’il est envisagé de les inclure dans le contrat d’infogérance. Il ne faut donc pas hésiter à visiter, en phase de présélection, les centres d’administration. Ce petit tour dans les locaux des éventuels prestataires permettra de juger des conditions d’exploitation, des processus mis en place et, éventuellement, de leur sérieux en matière de protection de leurs propres locaux. De même, mieux vaut s’assurer de l’existence éventuelle d’un centre de supervision de secours, au cas où un sinistre frapperait le site de la société pressentie.

Exiger une station dédiée à la seule supervision de son réseau

En fonction des exigences en matière de sécurité, il n’est pas, par ailleurs, inutile d’exiger qu’une station soit allouée en propre et dédiée à la seule supervision de son réseau et de ses serveurs. En général, les prestataires de télégérance jouent la carte de la mutualisation de leurs moyens humains et matériels en supervisant plusieurs réseaux distincts à partir d’une station. Dans les contrats d’infogérance, l’obligation de résultats – et pas seulement de moyens – se double souvent d’un système de pénalités qui incombent au prestataire en cas de non-respect de ces engagements.

Négocier la réversibilité du contrat

La réversibilité du contrat doit aussi être négociée dès le début. La durée type appliquée par les sociétés d’infogérance est en général de trois ans, plus rarement au-delà. Au terme de ce contrat à durée déterminée, l’entreprise peut souhaiter changer de partenaire.
Ces clauses de réversibilité impliquent donc que soient prévus les transferts de compétences et de documentation nécessaires à une reprise par l’entreprise de la maîtrise de la gestion de son réseau. Enfin, il est impératif de pouvoir compter sur un interlocuteur unique responsable de compte, ainsi que sur des accès, via le Web, au système de supervision du prestataire pour obtenir des rapports en temps réel au format HTML sur l’activité de son propre réseau.

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Frédéric Bergé