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L’Internet russe est-il en voie d’isolement du reste du monde ?

Après Cogent, Lumen Technologies est le deuxième transitaire à déconnecter ses clients russes, privant le pays d’une partie de ses interconnexions avec l’étranger. Cela pourrait perturber le fonctionnement du réseau.

L’offensive russe en Ukraine a pour effet d’isoler encore un peu plus le Net, et aussi le Web, auquel accède sa population. Dans un double mouvement, la liste des sites et services étrangers censurés par Moscou ou quittant d’eux-mêmes le pays s’allonge de jour en jour. Mais le plus inquiétant, c’est que le fonctionnement même de l’infrastructure d’Internet se retrouve fragilisée.
Lumen Technologies (anciennement CenturyLink) a annoncé cesser d’acheminer le trafic pour ses clients russes ce 7 mars. Cette décision intervient après une décision similaire de Cogent Communications communiquée le vendredi 4 mars.

La Russie perd des interconnexions

Ces deux sociétés américaines sont, ce que l’on appelle dans le jargon des télécoms, des «transitaires», soit des gestionnaires de réseau international faisant office d’intermédiaires entre les éditeurs de contenus et d’applications, et les FAI.
Elles sont toutes les deux de niveau Tier 1, c’est-à-dire qu’elles disposent d’un réseau longue distance à travers le monde leur permettant de s’interconnecter directement avec les plus gros opérateurs.
En France, par exemple, les interconnexions de Free passent en partie par Cogent avec qui il dispose de plusieurs liens de transit.

Lumen justifie ce choix radical compte tenu du risque d’une intervention de l’Etat russe sur le réseau, ce qui ferait planer un danger sur l’intégrité de l’Internet mondial.
Cogent avait avancé les mêmes arguments dans une interview accordée au Washington Post. Son PDG, Dave Schaeffer, craignait que le gouvernement russe utilise indirectement ses services pour ses campagnes de désinformation et ses cyberattaques contre l’Ukraine.

« Les services aux entreprises que nous fournissons sont extrêmement petits et très limités, tout comme notre présence physique », a minimisé Lumen.

Pourtant, d’après Kentik, société de surveillance des infrastructures Internet, Lumen serait le premier fournisseur de transit international vers la Russie, avec des clients tels que les géants russes des télécommunications Rostelecom et TTK, ainsi que les trois principaux opérateurs mobiles (MTS, Megafon et VEON). Cogent comptait également pour clients Rostelecom, TransTelecom, Megafon et Veon.

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Vers des congestions réseau ?

Alors, bien sûr, la Russie ne va se retrouvée soudainement coupée du monde et déconnectée d’Internet. Elle dispose d’autres transitaires et de liens d’interconnexion pour continuer à le faire fonctionner. Mais cela devrait ralentir et perturber la connectivité Internet des Russes.

« Cela réduira la quantité de bande passante globale disponible pour la connectivité internationale. Cette réduction de la bande passante peut entraîner une congestion alors que les opérateurs internationaux restants tentent de prendre le relais », écrit dans un post Doug Madory, le directeur de Kentik.

Par ailleurs, les équipementiers Nokia, Ericsson et Cisco ne fournissent plus de nouveaux équipements et services aux opérateurs russes. TSMC a également cessé ses livraisons de semi-conducteurs. Il se pourrait enfin que les opérateurs russes ne soient plus capables de payer leurs fournisseurs et transitaires. La situation pourrait donc encore se dégrader dans les semaines à venir.

Sources : Lumen Technologies, Kentik, The New-York Times, The Washington Post

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Amélie CHARNAY