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Jean-Claude Larue (Sell) : ‘ Sans le piratage, les jeux seraient 30 à 40 % moins chers ‘

Copie privée, peer-to-peer, l’industrie du jeu vidéo est au c?”ur des grandes polémiques actuelles de l’Internet.

En arguant du fait que 40 % des contenus copiés sur CD-R sont interactifs, certains éditeurs souhaiteraient bénéficier de la taxe sur le CD. Dans le même temps, l’IDSA, une association d’éditeurs américains, s’attaque aux
internautes qui diffusent des jeux piratés par des réseaux peer-to-peer. Le Sell, Syndicat français des éditeurs de logiciels de loisirs, a d’autres préoccupations. Après les disparitions des Kalisto et autres Cryo, l’heure est à la discussion avec
les services du Premier ministre pour obtenir un plan de soutien à cette industrie.L’intervenant


Ancien président et actuel délégué général du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs, qui regroupe les principaux éditeurs de jeux vidéo, Jean-Claude Larue est un spécialiste du monde de la production, du marketing et de la
distribution de produits multimédias. Il est également administrateur d’Infogrames Entertainment, dont il a été le président pour l’Europe.


Avant de travailler pour Infogrames, il a été vice-président de Polygram, PDG de Philips Media France et de Philips Media Europe. Jean-Claude Larue a aussi occupé le poste de directeur général adjoint de l’Institut national de
l’audiovisuel (INA) et a été membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).Bonsoir à toutes et tous, nous sommes heureux de recevoir Jean-Claude Larue !


Bonsoir à toutes et à tous.kyshiran : Les éditeurs comprendront-ils un jour qu’un jeune en dessous de 25 ans, sans revenus, n’a pas toujours 350-400 francs (voire plus) à mettre dans un jeu ? Si on payait les jeux au prix des CD audio, je suis
certain qu’il y aurait moins de piratage, les consommateurs achèteraient plus, moi le premier. Qu’en pensez-vous ?
Tu as tout à fait raison, et cette équation économique sera résolue dans quelques années. Pour le moment, le schéma est le suivant : nous devons payer les frais de développement, plus les coûts de la licence, plus les royalties à
Microsoft ou Sony. Avec des ventes de quelques millions d’exemplaires pour un jeu (contre des dizaines de millions pour un DVD), nous ne pouvons rendre, aujourd’hui, cette équation possible.Zima : Question un peu bête peut -être : qu’est-ce que vous appelez piratage ? Copie illégale ou téléchargement ?Les deux mon général !linou : A combien sont évaluées les pertes ?Entre 1 et 2 milliards d’euros en France, puisqu’il se vend un jeu pour trois copies. S’il n’y avait pas ce piratage, nous pourrions vendre les jeux moins chers (voir question précédente).Silmarion : Un syndicat a pour vocation de communiquer, or le site du Sell n’est pas à jour, et est peu explicite sur des tas de question. Pourquoi ?Tu as raison, le site du Sell est nul. Le nouveau bureau a, dans ses priorités, le projet d’avoir enfin un site ‘ sexy ‘, qui corresponde mieux à ce qu’est notre profession. Donne-moi quelques mois et tu
verras un vrai changement.Sam31 : Est-ce que vous ne pensez pas qu’au lieu de réprimer les ‘ pirates ‘ il serait plus lucratif de développer des jeux online ? Les jeux online vont se développer, bien sûr, mais il faut que tu te mettes bien dans la tête que, lorsque tu copies, tu voles ?” je dis bien ‘ voles ‘ ?” l’auteur, le développeur et le
producteur du jeu. La conséquence est que les jeux sont plus chers et moins créatifs. Copier, c’est voler : il faut se rentrer ça dans le crâne. Plus grave, c’est tuer la création de demain.shaanchenvi : Vous avez soutenu et réclamé la RCP pour le jeu vidéo, qu’en est-il aujourd’hui ?La Redevance pour copie privée (RCP), qui est perçue sur chaque CD vierge vendu, va aujourd’hui à la musique et au cinéma. Rien ne va au jeu vidéo. Cependant, la question est en débat parmi les adhérents du Sell, car le jeu vidéo est
un logiciel (qui n’est donc pas légalement copiable). Accepter cette de redevance serait nous lier les mains demain, quand nous aurons des systèmes de protection incraquables. Nous ne réclamons pas aujourd’hui la RCP.ZePOULPE – JIRAF : Tenez-vous compte dans ces pertes que les gens n’achèteraient pas forcément les jeux qu’ils piratent ou téléchargent ? Qu’ils les essaient simplement et les effacent au bout de quelques
heures/jours ?
Oui, ce que vous dites est vrai, mais ils en achèteraient quand même une partie !!!eupolis : Le jeu en réseau favorise la copie de certains jeux : pourquoi ne pas faire une version spéciale réseaux avec plusieurs CD permettant de jouer ?Cette solution de plusieurs CD va arriver très vite.Sam31 : D’accord ! Pourquoi alors continue-t-on de vendre des graveurs (le concepteur du graveur pourrait être puni aussi non ?) ? De plus, vous n’avez pas répondu à ma question. Quid du jeu
online !
Les sociétés qui fabriquent les graveurs sont dans le domaine du hardware et se moquent pas mal des intérêts des éditeurs.Ugo-kinze-karante2 : Pensez-vous que l’augmentation de la taxe sur les CD vierges soit vraiment efficace ?C’est aujourd’hui le problème de la musique et du cinéma… puisque les jeux vidéo sont écartés de cette opération.RaphAstronome : S’il n’y avait pas de piratage, quel serait le prix des jeux vidéos ?Entre 30 et 50 % moins chers. Ce qui veut dire, un top price de 35 à 40 euros.Boit Sans Soif : Il me semble que, depuis que les jeux sur PC existent (20 ans peut-être), les jeux vidéos sont piratés et que les éditeurs sont toujours là. Je ne dis pas que c’est normal, mais pourquoi les éditeurs seraient
plus menacés aujourd’hui ?
Il y a eu 14 faillites en France en 2002, dont 4 depuis le 1er janvier. Les éditeurs sont plus menacés parce que le nombre de graveurs s’est multiplié de façon exponentielle, accompagnés d’une baisse
des prix de ces derniers : la gravure à domicile est devenue un sport national.JFrançois : Lorsque je travaillais dans les jeux éducatifs, il y a quelques années, le coût de fabrication d’un jeu était de 40 francs, et il était vendu 350 francs. Ne croyez-vous pas que ce serait aux éditeurs de
faire le premier pas en baissant leur marge qui, avouez-le, est des plus confortables ?
Il faut bien comprendre la différence entre CD-ROM et console. Un CD-ROM peut aujourd’hui être acheté chez un ‘ presseur ‘pour moins de 1 euro, un jeu sur console est acheté par l’éditeur à Sony, Nintendo,
Microsoft au moins 10 euros, c’est-à-dire 10 fois plus cher. Le coût des licences est exponentiel et la marge des distributeurs a plutôt tendance à augmenter. Résultat : les marges ne sont si élevées que tu le dis.linou : Pourquoi les distributeurs ont-ils une marge aussi importante ? Ils ne prennent aucun risque dans le développement d’un jeu. C’est une question de rapport de force : la musique donne moins de 20 % de marge à la distribution quant le jeu vidéo en donne 35 ou 40. La distribution peut, aujourd’hui, se passer plus facilement des jeux vidéo, d’ou le
rapport de force en sa faveur.furax : Croyez-vous qu’il existe vraiment des systèmes impossibles à craquer ?


mercury : Des protections incraquables, vous pensez réellement que ça existe ?


MuabDid – JIRAF : Y a-t-il vraiment une possibilité d’obtenir un système imparable, puisque les pirates passent toutes les protections plus ou moins rapidement ?


haoujey : Pensez-vous qu’il puisse un jour y avoir réellement des protections incraquables ?
Aujourd’hui, ça n’est pas le cas, mais les nouvelles générations de ‘ super audio CD ‘ et les prochaines consoles seront incraquables, grâce aux progrès des circuits intégrés. En effet, cette
nouvelle génération de produits va tellement complexifier les protections qu’il sera vraiment très difficile de les craquer. Ce qui ne veut pas dire qu’une petite proportion de nos acheteurs n’arrivera pas à les craquer, mais les risques
seront réduits.Zima : Pourquoi, comme pour le DVD, ne pas rajouter des choses qui rendent le produit vraiment original et attrayant ? De cette façon peut être que les gens n’auraient pas l’impression de payer cher.


eupolis : Je n’aurais pas de jeux piratés si l’éditeur me fournissait le guide stratégique ou de solution du jeu, le DVD des cinématiques, un accès favorisé au site Internet, etc.
Tu as tout à fait raison. D’abord, nos jeux sont souvent trop compliqués pour la majorité des acheteurs, ce qui se répercute dans le coût de développement. Quant à ton idée de bonus, c’est une vraie bonne idée.mercury : Si demain on suppose une TVA à 0% sur les jeux, cela veut-il dire que les jeux vont coûter 19.6% moins chers que le prix actuel ? Ou alors risque-t-on de voir les intermédiaires (principalement les éditeurs) se mettre
cet argent dans les poches ?
Nous nous sommes engagés auprès du Premier ministre à répercuter intégralement la baisse de la TVA.haoujey : Que pensez-vous de Palladium, la solution antipiratage de Microsoft ?Du bien, mais serait-elle la meilleure aujourd’hui ? ! Je n’en sais rien.antiriad : N’est-ce pas la ‘ mondialisation ‘ du jeu vidéo qui a tué les petits éditeurs ? Aujourd’hui, on met plus d’argent dans la pub et on raccourcit la durée de développement.Ce n’est pas vrai, nous mettons, à coup sûr, plus d’argent dans la pub, mais nous mettons aussi beaucoup plus d’argent dans le développement. Quant à cette mondialisation, c’est un phénomène qui touche toutes les industries de
l’entertainment. Avoir pensé que la France resterait un îlot protégé aurait été une erreur stratégique majeure.ulrich : Mais si on exclut le distributeur, en téléchargeant légalement le jeu, le coût et le piratage devraient baisser, non ? Probablement ! Ce sera une des voies à suivre !shaanchenvi : Quelles sont selon vous les principales raisons du piratage ? Quelles sont vos solutions ?Goût de l’interdit et de la transgression, aucun sentiment d’agir mal, facilité technique, l’augmentation des volumes de vente liée à l’augmentation des parcs de consoles devrait faire des jeux vidéo de plus en plus un produit
‘ mass market ‘ dont les prix baisseront, rendant la copie moins attractive.linou : Pensez-vous que la baisse de la TVA va sauver les entreprises françaises encore existantes ?Cette seule mesure n’est pas suffisante, mais serait un sérieux coup de pouce. Tout ce qui va dans le sens de la baisse des prix va dans le sens de la survie de l’entreprise.Silmarion : Est-il possible d’avoir un système d’avance sur recette comme dans d’autres branches des productions de loisirs ?Non, car le jeu vidéo ne fait aujourd’hui partie d’aucun des systèmes de financement des loisirs culturels en France. Mépris, mépris, mépris ! meningite : Que faudrait-il faire selon vous pour freiner le piratage… tout en sachant que le pirate copie par nécessité et manque de moyen ? Voir plus haut : faire en sorte que le prix soit d’accès facile.garou : Un jeu à 50 euros se termine en deux jours. Les jeux comme la musique produisent une certaine dépendance, le prix des jeux est simplement trop élevé pour assouvir cette dépendance ! Tu paies bien 8 euros pour voir un film qui dure 1 h 30.mercury : Actuellement, plusieurs ‘ associations ‘ essaient de défendre les jeux vidéo, mais pas forcément avec les mêmes points de vue, connaissez-vous l’APOM et JIRAF ? Le Sell (les éditeurs) travaille en étroite collaboration avec l’Apom (les développeurs) car nos intérêts sont liés. Ce n’est certainement pas en s’opposant les uns les autres que l’on défendra cette profession, car nous sommes tous
sur le même bateau.MuabDib – JIRAF : Le piratage est-il vraiment la menace numéro un pour la survie du jeu vidéo en France ? Le piratage est la menace numéro 1, pour toutes les industries de l’entertainment. Que feraient les fabricants de parfums si, lorsque l’on appuie sur un bouton, on dupliquait à l’infini leurs produits ?IndiaPowaaaaa : Est-ce que le pénal peut tout arranger ? Non, bien sûr. Nous ne cherchons absolument pas à faire condamner les gamins. Nous entreprenons toutes ces actions pour qu’il y ait une prise de conscience du danger : copier, c’est à terme tuer la création.rodegeure21 : Est-ce que la situation financière des entreprises est si mauvaise que ça ?En France, oui. Voir les dépôts de bilan de Kalisto, Cryo, Montparnasse Multimedia, etc.MuadDib ?” JIRAF : En dehors des systèmes de protection sur les CD vendus, que penser des versions finalisées récupérées directement chez le développeur par les ‘ craqueurs ‘ en utilisant leurs
contacts ?
Il y a des gens malhonnêtes partout ! ! !Silmarion : Que fait le Sell au niveau pénal ?Nous poursuivons les infractions les plus graves commises par des gens, qui sont des voleurs organisés. Nous obtenons des condamnations, y compris à la prison, contre les gros pirates.Winnie : Que risque quelqu’un qui se fait choper avec deux ou trois jeux gravés chez lui ? Rien, nous ne poursuivrons pas ce petit fraudeur.wade : Comment peut-on se faire prendre ? Les policiers n’ont pas le droit de fouiller chez nous… et le traçage d’IP est interdit…
Ça, c’est notre secret de fabrication. Nous travaillons évidemment en étroite liaison avec la police et les douanes (qui, elles, ont le droit de fouiller) et nous arrivons à attraper les gros poissons.Silmarion : Il y a donc une tolérance de fait, quant à cette fraude ? Ce n’est pas une tolérance, c’est du bon sens. Le gamin qui copie 4 ou 5 jeux n’est pas notre client principal. Par contre, nous combattons avec énergie le trafic organisé.Sam31 : Ne serait-il pas plus intéressant que les éditeurs se réunissent et décident de moins produire, mais mieux, au lieu d’en appeler au pénal ? C’est toujours du foisonnement et de la liberté qu’est née la création. Les ententes n’ont jamais eu de grand succès en matière de créativité.meningite : Est-ce vraiment le piratage qui coule l’industrie française des jeux vidéos ? N’y a-t-il pas d’autres explications ? Bien sûr, il y a beaucoup d’autres explications. Rendez-vous dans un prochain chat pour en parler.Merci Jean-Claude Larue, le mot de la fin ? C’est formidable, tout cet intérêt pour le jeu vidéo ; ne le réduisons pas au problème du piratage. Au XIXe siècle, il y a eu la photo. Au XXe siècle, le cinéma et la télévision. Le
XXIe siècle sera celui de l’entertainment interactif. Bonsoir et merci à tous !

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La rédaction