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‘ Il faut réfléchir à une taxe sur les SMS et les e-mails pour financer l’Europe ‘

Taxer les courriers électroniques et les SMS pour financer le budget européen : le débat est aujourd’hui lancé par Alain Lamassoure, député européen et ancien ministre français. Le système, inspiré de la taxe Tobin sur les échanges
financiers, serait indolore pour le consommateur final.

Alain Lamassoure fut ministre délégué aux Affaires européennes (1993-1995) et ministre délégué au Budget (1995-1997). Il est désormais député européen. Membre de la Commission des budgets et membre de la Commission temporaire des
perspectives financières 2007-2013 au Parlement européen, il est chargé de la rédaction d’un rapport sur les ressources propres de l’Europe.Dans ce cadre, il a récemment suggéré la création d’une taxe pour financer le budget communautaire qui serait prélevée sur les SMS (5 centimes, par exemple) et les e-mails (0,00001 centime par message). Son idée a créé de vifs
remous sur la Toile, et notamment sur
son propre site. Il s’explique sur l’utilisation des communications électroniques et télécoms comme nouvelles ressources fiscales.01net. : Avez-vous été surpris par les réactions en ligne qu’a provoqué votre idée de taxe sur les SMS et les e-mails ?


Alain Lamassoure : Tout à fait. Au départ, il ne s’agissait que d’une intervention au cours d’un simple groupe de travail au Parlement européen. Ceci étant, l’ampleur des réactions et les contributions postées, par exemple,
sur le forum de mon site Internet ont de quoi interpeller. Cela montre l’intérêt du sujet. Et cela mérite que l’on étudie plus avant la question. Le modèle de cette initiative est la taxe Tobin [une taxe qui consisterait à prélever des
montants infimes sur les produits financiers, NDLR].
Ou bien encore la taxe sur les billets d’avion qui devrait permettre de financer une partie de l’aide au développement.Les besoins de l’Europe sont-ils si importants que l’on doive taxer les SMS et les e-mails ?


La question ne se pose pas en ces termes. Il fut un temps où le budget européen était alimenté directement grâce aux droits de douane, c’est-à-dire sans passer par l’intermédiaire des Etats membres. Or les revenus générés par les droits de
douane ont baissé et pour financer l’Europe, nous avons dû faire appel aux contributions financières des Etats membres. Cela a pu fonctionner un temps, mais une chose est sûre, le mécanisme a fini par se gripper. Et l’Europe dépend aujourd’hui à
90 % des contributions financières que lui versent les Etats membres. Pour aller de l’avant et ne plus être sujette aux caprices de tel ou tel, l’Europe doit donc retrouver des ressources fiscales propres. C’est tout le sens de la réflexion
actuelle.Pourquoi avoir ciblé les SMS et les e-mails ?


Chaque époque a besoin de son système fiscal. Au Moyen Age, on taxait le commerce du sel. Avec l’émergence de l’Etat providence, nous avons vu apparaître l’impôt sur le revenu. Le XXIe siècle s’annonce comme le
siècle des échanges et de la communication. Il nous faut donc utiliser ce supplément de richesse pour créer des modes de financement les plus indolores possibles, c’est-à-dire qui n’aient pas d’impact négatif, ni sur l’emploi ni sur
l’investissement. Or dans le cas des SMS, on constate aujourd’hui que des opérateurs vendent un SMS 15 centimes alors que son coût réel est cinq fois inférieur. Les marges réalisées sont confortables.


On pourrait imaginer une baisse du prix des SMS, ou bien un mécanisme qui permettrait d’alimenter le budget européen à raison de quelques centimes d’euro par SMS. Sans que cela ait un impact au final sur le consommateur. A ce propos, il
faut noter que nous parlons de montants considérables. Pensez que dans un pays comme la Chine, près de 365 milliards de SMS ont été échangés l’an passé. En France, par exemple pour le 1er janvier 2004 ce sont près d’un
milliard de SMS qui ont été envoyés.Cette idée n’est encore qu’un concept. Dans quelle mesure cette initiative pourrait-elle trouver une traduction politique concrète ?


En tout état de cause, rien ne pourra se faire à court ni même à moyen terme, c’est-à-dire dans le cadre de l’exercice budgétaire en cours. Il faudra au moins attendre 2008. Mais si une proposition devait être faite, elle ne serait
pas le fruit du hasard. Elle résulterait d’un accord entre le Parlement européen et l’ensemble des parlements nationaux des Etats membres qui sont aujourd’hui consultés sur cette question des ressources propres et du financement de l’Europe. Pour le
moment, les parlementaires consultés se montrent plutôt dubitatifs.

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Propos recueillis par Philippe Crouzillacq