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Howard Schilit, dirigeant du center for Financial Research & Analysis (CFRA) : ” L’industrie informatique et des télécoms ont des pratiques comptables spécialement offensives “

Au Centre de recherche et d’analyse comptable, les livres de compte sont épluchés. Howard Schilit explique comment débusquer les agissements douteux des entreprises.

Pourquoi faut-il des analystes pour détecter les man?”uvres comptables douteuses ? Les documents remis à la SEC ne suffisent-ils pas?D’abord, il faut savoir où chercher, la communication des entreprises prenant des proportions considérables. Ensuite, il faut savoir quoi chercher. Au CFRA, nous avons développé une batterie de logiciels et de méthodes, avec sept grandes catégories de pratiques discutables : reporter l’argent des ventes actuelles dans le futur, augmenter ses bénéfices avec un événement exceptionnel. L’objectif étant de repérer les problèmes avant qu’ils n’aient un effet sur le cours en Bourse. Nous ne sommes pas des comptables venant au secours d’une entreprise, mais des médecins chargés de détecter les signaux d’alerte. Nos clients sont des investisseurs, pas des entreprises. Si j’écris sur IBM, je n’ai pas à remettre de rapport à IBM.Les industries de l’informatique et des télécoms sont-elles des secteurs à part ?Les pratiques comptables y sont spécialement offensives [agressive accounting, ndlr], beaucoup plus que dans la plupart des autres industries. Sur nos sept catégories, deux y reviennent fréquemment : les revenus déclarés un trimestre trop tôt et les accords de troc. Les télécoms en sont un bon exemple. En échangeant des capacités de communication, les opérateurs gonflent artificiellement leur chiffre d’affaires, une habitude propre à ce secteur.Les sociétés informatiques ont pris l’habitude de mettre en avant leurs résultats proforma, les donnant comme plus représentatifs de leur activité. Êtes-vous du même avis ?Non, pour le CFRA, les résultats proforma soulignent un problème. Logique, car ils reviennent à demander aux investisseurs de ne pas tenir compte de certaines pertes, car les sociétés peuvent y mettre tout et n’importe quoi. La multiplication des résultats proforma est un phénomène nouveau, initié par l’industrie informatique. Résultat : les sociétés formant le Nasdaq 100 affichent, au vu des documents de la SEC [la COB américaine], des pertes de 82 milliards de dollars [88,5 milliards d’euros], quand elles présentent aux actionnaires un bénéfice de 19 milliards de dollars.Vous pointez aussi l’impact des stock-options.Elles ont deux effets néfastes. D’abord, il s’agit d’une rémunération, qui peut être encaissée par ses bénéficiaires. Elles devraient être considérées comme une dépense [ce qui n’est pas le cas actuellement, un débat fait rage à ce sujet aux États-Unis]. De plus, une rémunération reposant trop sur le cours en Bourse peut pousser à commettre des excès en focalisant l’attention sur l’augmentation de la valeur de l’action.La comptabilité conventionnelle [conservative accounting] existe-t-elle ?La comptabilité conventionnelle sous-entend qu’une société ne va pas augmenter ses profits ou ses actifs de manière fictive. Prenez un éditeur de logiciels qui signe un contrat de licence pour 3 ans avec un client. S’il enregistre ce revenu sur une période de 3 ans, il s’agit de comptabilité conventionnelle. S’il l’enregistre sur un trimestre, sa comptabilité est offensive.Est-ce illégal ? La législation américaine n’autorise-t-elle pas ces pratiques ?La plupart, mais pas toutes. Si le même éditeur signe un contrat le 5 avril et le présente dans ses comptes comme réalisé au 31 mars, il est en infraction. L’industrie informatique est coutumière de ces ventes enregistrées plus tôt que prévu.La tendance est-elle à un assainissement, surtout depuis l’affaire Enron ?Oui, indéniablement. J’ai plus de 50 ans, et je n’avais jamais vu auparavant les investisseurs se soucier autant de comptabilité offensive. La plupart commencent à en apprendre les fondements. Avec un marché toujours orienté à la hausse, et plus particulièrement avec la bulle internet, ils ne s’y intéressaient pas, ils gagnaient de largent sans difficulté, mais maintenant… * à New York

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Ludovic Nachury*