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F. Gorges : « La philosophie de Nintendo, héritage de Gunpei Yokoi »

Gunpei Yokoi est l’oncle de Mario, l’inventeur de la GameBoy et le maître à penser de Nintendo. A l’occasion de la parution de sa biographie en français, entretien avec son traducteur, l’historien du jeu vidéo Florent Gorges.

Florent Gorges
Florent Gorges – Florent Gorges

01net : Yokoi a disparu il y a plus de douze ans. Pourquoi un tel laps de temps entre sa disparition et la sortie de cette biographie en français (1) ?
Florent Gorges : Il y a déjà sept ou huit ans, j’ai essayé d’entrer en contact avec Takefumi Makino, l’auteur de cette bio. En vain, impossible de le contacter. Finalement, c’est la chance qui m’a fait croiser son chemin, il y a quelques mois. Ce laps de temps aura finalement permis d’écrire un livre bien plus complet et plus analytique que la version d’origine. Ce n’est donc pas un mal, bien au contraire.

Si vous deviez choisir LE chef-d’œuvre de la carrière de Yokoi, quel jeu ou produit retiendriez-vous ?
Les Game & Watch, indéniablement. Ce sont ces petits jeux électroniques très représentatifs des années 80 qui témoignent le mieux de la philosophie créatrice de Gunpei Yokoi : marier des technologies déjà connues (les écrans LCD des calculettes) mais repensées (afficher des personnages au lieu de chiffres) pour innover. Aujourd’hui, ça paraît évident, mais en 1980, c’était une idée géniale !

Miyamoto est connu comme le principal créatif de Nintendo, alors que ses premières réussites, Donkey Kong et Mario Bros, ont été conçues sous la tutelle de Yokoi. Pourquoi ce dernier est-il resté dans l’ombre ?
C’est l’éternelle séparation qui distingue, dans le jeu vidéo japonais, les productors des directors. Miyamoto étant director, il était exclusivement impliqué dans le développement de ses jeux, alors que Yokoi, lui, supervisait de nombreux projets en même temps, en donnant son avis, corrigeant différentes choses et conseillant. Quand on a dû présenter une personne aux médias pour parler de ces titres, comme ce fut le cas après Super Mario Bros sur NES, le choix de Miyamoto était le plus logique.
Mais avant la fin des années 1980, lui-même était un inconnu, juste un employé créatif qui « sacrifiait » son nom d’artiste pour la cause de sa société. Tout le monde se fichait de savoir qui avait fait quoi sur ces jeux d’arcade. Le créateur, c’était Nintendo, point barre.

« Des technos anciennes et peu coûteuses »

Gunpei Yokoi, la bio
Gunpei Yokoi, la bio – Gunpei Yokoi, la bio

Dans la philosophie de Nintendo, dans la Wii, dans la DS, retrouve-t-on l’influence et la manière de penser de Gunpei Yokoi ?
Oui ! Le président Iwata a d’ailleurs expliqué à plusieurs reprises que la philosophie actuelle de Nintendo est directement inspirée du patrimoine laissé par Gunpei Yokoi. Autrement dit : « repenser notre façon de jouer avec des technologies déjà anciennes et donc peu coûteuses ». Cette façon de penser avait déjà permis à Nintendo de prospérer et on peut dire que ça fonctionne toujours…

En quoi la 3DS diffère-t-elle du Virtual Boy, la première console 3D, qu’il avait lui-même supervisée ?
Les technologies utilisées n’ont aucun point commun, il en résulte des expériences qui diffèrent totalement. Le Virtual Boy permettait de s’immerger dans un univers de pénombre et, donc, d’infini. La 3D était stéréoscopique et l’on voyait vraiment les éléments vous sauter à la figure !
La 3DS, quant à elle, propose un affichage sur un écran « délimité », et ne simule la profondeur qu’à l’intérieur de celui-ci. Ce sont des expériences totalement différentes, nul doute que Yokoi était très en avance avec son Virtual Boy, en dépit de ses erreurs de conception évidentes.

(1) Gunpei Yokoi, vie et philosophie du dieu des jouets Nintendo, Takefumi Makino (avec Florent Gorges), éditions Pix’n Love, 200 p, 18 €.

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William Audureau