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Des Apple Watch neutres en carbone ? Les déclarations d’Apple en matière environnementale sont dans le viseur d’associations européennes

Apple a affirmé il y a un mois, lors de sa keynote, que certaines de ses montres sont « neutres en carbone », un terme qu’une directive européenne, en cours d’adoption, pourrait bientôt interdire, parce qu’il serait « trompeur » pour les consommateurs. Les allégations et promesses de la firme de Cupertino en matière environnementale sont suivies de près par des associations européennes de défense de l’environnement et des consommateurs.

En septembre dernier, Apple n’a cessé pendant sa keynote de vanter ses mérites en matière d’environnement. Certains modèles de ses montres, les Apple Watch Series 9, ont même été présentés comme étant ses tout premiers produits neutres en carbone fabriqués par l’entreprise, avec 100 % d’énergie verte utilisée.

Dans une séquence digne d’une série hollywoodienne, Tim Cook, jouant son propre rôle face à Dame Nature, est même allé plus loin, en promettant que tous ses appareils seraient neutres en carbone d’ici à 2030. La firme de Cupertino a aussi affirmé que 300 de ses fournisseurs ont promis de passer à l’énergie propre 100 % renouvelable.

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La société s’appuie sur des crédits carbone, pour annuler les 7 à 12 kg d’émissions de gaz à effet de serre qu’il y aurait derrière chaque nouvelle montre – des chiffres donnés par Apple, que l’on trouve dans son « rapport sur l’impact environnemental des produits » diffusé le 12 septembre dernier. Contactée par nos confrères du Financial Times, ce mardi 24 octobre, la firme de Cupertino n’a pas manqué de rappeler le chemin parcouru depuis 2015 : l’entreprise aurait réduit de 81 % les émissions liées à la fabrication de ses montres, comparé à un modèle de 2015. Elle utiliserait désormais des matériaux recyclés, comme du cobalt recyclé pour la batterie et de l’aluminium recyclé pour le boîtier.

Toutes ces affirmations n’ont pas échappé aux associations de défense de l’environnement et des consommateurs. À commencer par BEUC, l’organisation européenne de défense des consommateurs européenne, pour qui « les allégations de neutralité carbone sont scientifiquement inexactes et induisent les consommateurs en erreur ». Monique Goyens, la directrice générale de l’ONG, interrogée par nos confrères, rappelle que « la récente décision de l’UE d’interdire les assertions de neutralité carbone vise à justement débarrasser le marché de ces faux messages, et les montres Apple ne devraient pas faire exception à la règle ».

Une future loi européenne va davantage règlementer les allégations de neutralité carbone

Le 20 septembre dernier, le Parlement européen et le Conseil se sont mis d’accord sur une directive qui vise à mettre fin au greenwashing, en réglementant davantage tous les labels verts ou de neutralité carbone qui se sont multipliés sur les produits, et qui peuvent être trompeurs pour les consommateurs. Le principe : seuls les labels de durabilité accordés par des systèmes de certification approuvés ou établis par les autorités pourraient être apposés sur les produits. L’idée est que toute allégation d’un bienfait environnemental ou d’un faible impact sur la planète doit être justifiée.

S’il ne s’agit pour l’instant que d’un accord politique entre les deux institutions – la directive doit encore être adoptée formellement pour devenir effective – les fabricants pourraient bientôt devoir renoncer à ces deux mots, neutralité carbone, dans leur stratégie marketing, à moins d’être passés par des systèmes de certification officiels. Selon le texte de la future loi, le fait de s’appuyer uniquement sur la compensation des émissions carbone en plantant des arbres, pour justifier une activité peu gourmande en CO2, ne serait plus possible. Or, c’est justement l’approche qu’a choisie Apple ici – comme de très nombreuses autres sociétés.

Une Apple Watch contre des arbres plantés ? Une « astuce comptable »

Avec un tel système qui reviendrait à « une astuce comptable », les consommateurs peuvent avoir l’impression qu’acheter une Apple Watch a peu d’impact sur la planète, souligne Gilles Dufrasne de Carbon Market Watch, une ONG en partie financée par l’UE. Selon ce dernier qui était interrogé par le Financial Times, la neutralité carbone ou le suivi d’émissions de gaz à effet de serre ne sont pas des instruments adéquats pour mesurer l’impact de ces appareils électroniques.

Les associations se demandent, plus largement, si les crédits carbone achetés par Apple sont suffisants pour éliminer définitivement le dioxyde de carbone de l’atmosphère généré lors de la fabrication de ses produits. « Nous replantons des forêts entières », avait expliqué l’entreprise pendant la keynote. Pour le géant du numérique, « les plantations de bois et le reboisement des terres contribuent à restaurer les forêts et à créer des opportunités économiques pour les communautés locales ».  Mais les arbres replantés – pour la majorité, de la monoculture – seraient très rapidement abattus pour être transformés en pâte à papier, en carton ou en papier hygiénique, déplorent des ONG.

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Autre élément passé au crible : l’affirmation d’Apple selon laquelle l’électricité utilisée pour ses Apple Watch serait 100 % propre. En investissant dans des « projets d’énergie propre », Apple « compenserait » toute utilisation d’électricité par ses fournisseurs à partir de réseaux électriques générés par des combustibles fossiles. Problème : cette allégation serait « très controversée », rapporte l’ONG NewClimate Institute, interrogée par nos confrères.  Les principaux fournisseurs d’Apple (en électricité) n’auraient qu’une très faible part d’électricité renouvelable.

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Source : Financial Times


Stéphanie Bascou