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Comment se cuisiner un bon poulet logiciel

‘ La qualité, c’est comme la labellisation des poulets : on sait comment ils ont été nourris, mais pas s’ils seront bons. ‘ Le concept revient à la mode et devient le garde-fou du développement logiciel. De la poudre aux yeux.

Cette définition aux relents de volaille émane du responsable technique d’un centre d’appels bancaire. C’est sans doute la meilleure qui puisse vous être donnée d’entendre. En informatique, c’est pareil que dans les fermes, ou dans les batteries industrielles : on se barde de bonnes pratiques ?” de conception logicielle ou de conduite de projet, par exemple ?” et on espère qu’elles déboucheront sur un beau produit.Oui, mais ? Oui, mais nombreux sont les écueils qui mènent à la concoction d’un poulet logiciel goûteux. C’est-à-dire, d’abord, sans bug.Premier danger : l’intention de départ du responsable informatique. L’analyse de la qualité de ses méthodes de développement se limite souvent à une parade nuptiale, une danse du ventre destinée à endormir la direction générale et rassurer les clients. Elle épargnera à son poulet et le four, et la cocotte minute : on cherche un tampon du type ” élevé en 81 jours “, et on avale la bête tout cru. Traduction : vous pouvez faire estampiller votre service informatique ISO 9000-3 1, vous faire évaluer CMM 2 ou SPICE 3, pour ensuite revenir à vos anciennes (mauvaises) manies, toujours très faciles à reprendre. La démarche qualité, c’est lourd à mener et, surtout, lourd à digérer.Car ?” deuxième écueil ?” elle doit être suivie d’un plan d’action. Autrement dit, il faut ensuite découvrir quelle recette utiliser. Cela suppose qu’après avoir attendu 81 jours, couru après le volatile et l’avoir déplumé, il faut encore l’accommoder. A l’UCB, établissement spécialisé dans le crédit immobilier 4, on redoute cette phase et on déclare la préparer activement. Un chantier en soi qui ne résistera peut-être pas aux assauts du quotidien.Pointe alors le spectre de ces méthodes inavouables, voire inapplicables parce que trop lourdes à mettre en oeuvre au quotidien : Merise hier, et aujourd’hui UML (Unified Modelling Language). Plus que d’assaisonnement, il s’agit d’alchimie, voire de magie, pour réussir à rester dans les sillons creusés par leurs concepteurs. Une cuisine sûrement trop raffinée pour la plupart des entreprises qui, au mieux, ne font que s’inspirer de ces méthodes. Pour s’en écarter dès que les délais commencent à déraper.Que reste-t-il à l’arrivée Souvent une carcasse décharnée et immangeable. La lame de fond Internet impose une cuisine rapide, les web agencies honnêtes le reconnaissent. La qualité ne sert alors réellement qu’à des projets où le produit logiciel est critique, comme dans le secteur aérospatial, où la moindre erreur de programmation se paie comptant. Ou lorsque l’activité de développement constitue le coeur de métier de l’entreprise. C’est le cas de certaines sociétés de services. C’est aussi le cas de l’UCB. En ce qui concerne les grands éditeurs de logiciels, aucun ne met en avant la moindre démarche qualité. Un comble pour des fabricants de poulets qui communiquent sur une cuisine haut de gamme.1 – Traduction informatique de la norme ISO 9001.
2 – Capability Maturity Model : modèle dit ” de maturité ” permettant d’évaluer les procédures de conception logicielle d’un service informatique. Décomposé en 5 niveaux qu’il est particulièrement difficile de gravir.
3 – Software Process Improvement and Capability dEtermination : similaire à CMM, mais basé sur une représentation matricielle.
4 – A été évalué en début dannée 2000 au niveau 2 du modèle CMM.
Prochaine chronique le lundi 11 septembre

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Philippe Billard, chef de la rubrique Management